«Des avancées, mais cela manque de souffle », analyse Carole Salères, conseillère technique de l'Uniopss. « Cela reste en deçà de ce que nous attendions », ajoute, dans le même sens, Jacques Henrard, président de la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA). Malgré les déclarations officielles - dans un message aux associations, le président de la République a affirmé que « le temps est venu de leur faire toute la place qu'elles méritent dans notre pays », François Fillon a évoqué « la force vive » qu'elles constituent -, le gouvernement n'est donc pas parvenu à convaincre de sa volonté, exprimée par le Premier ministre, de « mettre en place une véritable politique publique de la vie associative ».
Pourtant, bon nombre de mesures annoncées lors de la conférence de la vie associative (voir ce numéro, page 5) vont dans le sens demandé par les associations. Par exemple, la transformation du Conseil national de la vie associative en Haut Conseil à la vie associative, la création d'une fonction de médiateur des associations ou l'évaluation de la charte des engagements réciproques entre l'Etat et les associations signée en 2001 - dont les gouvernements, d'ailleurs, ne se sont jamais vraiment saisis. A cela s'ajoute l'effort en matière de formation des bénévoles, dont les moyens passent de 8,9 à 11,7 millions d'euros, même si c'est encore bien loin selon la CPCA des 30 millions nécessaires.
On notera également l'avancée non négligeable que constitue la volonté affichée d'améliorer l'observation et la connaissance d'un secteur où les informations restent morcelées. La publication chaque année d'un « tableau de bord » des associations ou encore la coconstruction d'un outil de valorisation comptable ne peuvent qu'accroître la visibilité d'un secteur qui emploie 1,8 million de salariés, soit plus d'un salarié du privé sur dix.
Le gouvernement était également attendu sur la sécurisation du financement des associations. Aussi le nouveau modèle de convention de financement (annuelle ou pluriannuelle) destiné à mettre en conformité l'allocation de subventions avec la réglementation européenne sur les aides d'Etat est-il bien accueilli. Il devrait permettre à certains ministères, qui avaient suspendu les conventions pluriannuelles d'objectifs de peur qu'elles ne soient pas « eurocompatibles » (1) de recontractualiser avec les associations. Sauf que cet outil ne concerne pour l'instant que les services de l'Etat. Il ne s'inspire donc que partiellement de la « convention de partenariat d'intérêt général » proposée par Michel Thierry, qui visait à sécuriser aussi l'attribution des subventions versées par les collectivités territoriales, dont la tendance est de recourir aux procédures de marché public. Certes, celles-ci pourront s'emparer de ce modèle de convention, mais la portée du dispositif n'est évidemment pas la même. « Il est dommage que le gouvernement ait voulu aller vite et n'ait pas pris le temps d'engager la concertation avec les collectivités territoriales », regrette Carole Salères. Par ailleurs, vigilante, la CPCA a obtenu la constitution d'un groupe de suivi afin de vérifier la bonne application de la convention et de repérer les difficultés éventuelles liées aux nouvelles contraintes comptables qu'elle impose, notamment pour les petites associations.
Néanmoins, et même si le gouvernement s'est engagé à faire de la conférence de la vie associative un rendez-vous régulier tous les trois ans et à mettre en place un comité de suivi, « l'impression qui domine est celle d'un décalage persistant entre la teneur des annonces et l'importance des enjeux de société portés par le monde associatif dans la société française », regrette Jacques Henrard. Et de relever « le peu de reconnaissance du mouvement associatif organisé dans le dialogue civil avec le gouvernement » : le projet d'ouvrir le Conseil économique, social et environnemental à huit représentants de la vie associative (contre cinq aujourd'hui) est loin ainsi de refléter la diversité du secteur, organisée au sein des 16 coordinations de la CPCA (2). « Nous n'avons toujours pas le sentiment que le gouvernement considère le monde associatif comme un véritable partenaire dans la construction des politiques sociales », commente Carole Salères.
« Une série de mesures ont été annoncées dont nous prenons acte, mais sans ambition globale et sans stratégie politique à long terme », regrette Benoît Mychak, délégué général du Cnajep (3). Il est clair que dans le contexte actuel de baisse des financements, de multiplication des contrôles et d'incertitudes liées à la mise en oeuvre de la loi « hôpital, patients, santé, territoires », à la réforme de l'Etat et des collectivités territoriales, le gouvernement n'a guère réussi à apaiser les nombreuses inquiétudes des responsables associatifs. Face aux menaces qui pèsent sur le secteur, « on aurait pu espérer mieux », lâche Benoît Mychak. Pas question pour autant d'en rester aux seules frustrations. Pour la CPCA, il s'agit maintenant de « transformer l'essai » afin de parvenir à la mise en place d'une véritable politique de la vie associative. « Mobilisée pour cette nouvelle étape », elle demande donc à Martin Hirsch un agenda précis pour l'année 2010.
(1) Comme cela avait été le cas pour les associations de jeunesse et d'éducation populaire - Voir ASH n° 2604 du 10-04-09, p. 28.
(3) Comité pour les relations nationales et internationales de associations de jeunesse et d'éducation populaire.