Avec la « formation différée », s'agit-il de remédier ex post aux carences de l'école ou de permettre aux personnes d'âge actif de progresser dans l'échelle des niveaux de formation ou de diplôme ? La formation différée doit-elle, au-delà, être qualifiante ou certifiante ?... Des questions au coeur de la dernière note de veille du Centre d'analyse stratégique (CAS) (1).
Tant dans l'accord sur la formation professionnelle conclu en décembre 2003 que dans celui signé en janvier dernier, l'intention des partenaires sociaux était claire, rappelle le CAS : il s'agissait d'« offrir aux salariés n'ayant pas atteint un niveau initial retenu pour norme (bac + 2 en 2003, bac en 2009) la possibilité d'élever leur qualification en cours de vie active ». Le dispositif esquissé l'était aussi : un cursus de un an au plus ne visant pas explicitement la certification, appuyé sur les outils de la formation continue - congé individuel, bilan de compétences, validation des acquis de l'expérience (VAE) - et financé par l'Etat à hauteur du coût d'une année de formation et, pour le reste, par les fonds paritaires consacrés au congé individuel de formation (CIF). Ce dispositif ne verra toutefois pas le jour avec la réforme de la formation professionnelle souhaitée par l'exécutif... En effet, « outre un coût potentiel élevé », le projet cadrait mal avec les priorités retenues par la loi du 24 novembre dernier qui a transcrit l'accord des partenaires sociaux de janvier 2009 (2). De fait, centrées sur le maintien et le retour dans l'emploi des actifs insuffisamment formés, les nouvelles mesures ne facilitent pas directement l'accès aux diplômes et aux certifications en cours de vie active. La réforme répond certes à certains des griefs adressés au système de formation continue, en redéployant les fonds paritaires vers les actifs peu qualifiés sans plus distinguer selon leur statut de salarié ou de chômeur. Mais elle ne traite de la formation différée « qu'en pointillé », avec les dispositions prises pour améliorer l'orientation, réparer l'échec scolaire, développer l'alternance, élargir le CIF, encourager la VAE et mieux réguler la certification. Bien qu'elle ait retenu le principe d'une progression générale de la qualification en cours de vie professionnelle, son véritable fil directeur est moins l'accès à la certification que la sécurité des parcours professionnels, en misant sur la formation professionnelle tout au long de la vie pour entretenir et développer l'employabilité plutôt que pour élever la qualification formelle des personnes. En résumé, l'accès à l'emploi plutôt que l'éducation permanente. Ce que regrette le CAS, pour qui « l'économie de la connaissance passe aussi par le diplôme en cours de vie active ».
Dès lors, s'interroge-t-il, comment progresser sur cette voie « en dépit des lourdes contraintes qui pèsent et vont peser sur les finances publiques » ? Quelques pistes peuvent y aider. Selon les auteurs de la note, par exemple, les personnes de faible niveau de formation devraient disposer d'un accès privilégié au CIF ou aux formations longues de demandeurs d'emploi dès lors qu'elles auraient construit avec l'appui du Fonds de gestion du CIF ou de Pôle emploi un projet de formation qualifiante validé (3). De façon plus ambitieuse, le CIF devrait être substantiellement abondé tout en s'ouvrant aux demandeurs d'emploi les moins qualifiés. Dernière piste, mais non la moindre : conférer « un véritable droit individuel de tirage sur l'appareil de formation différée » aux actifs les moins qualifiés, sous la forme d'« un compte individuel abondé en raison inverse de leur niveau de formation initiale et en raison directe de leur ancienneté dans l'emploi ». Il serait alimenté par une dotation de l'Etat, mais aussi par une double contribution à la charge des employeurs et des salariés durant les périodes d'emploi et du régime d'assurance chômage en période de recherche d'emploi.
(1) « Où en est la «formation différée» ? » - Note de veille CAS n° 160 - Décembre 2009 - Disp. sur
(3) C'est l'esprit d'une proposition de loi récemment déposée par le groupe socialiste de l'Assemblée nationale.