A l'occasion de la publication de son rapport annuel le 16 décembre, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat a présenté les conclusions de ses travaux sur la situation des femmes dans les lieux de privation de liberté (1). Son constat : quel que soit le lieu où les femmes sont retenues ou détenues, leurs spécificités et leurs besoins ne sont pas assez pris en compte, notamment dans les prisons et les hôpitaux psychiatriques. Ces femmes ne sont alors pas en mesure de bénéficier de leurs droits fondamentaux (santé, formation, respect de la vie privée...).
En novembre 2009, le ministère de la Justice recensait 62 000 détenus, dont 2 400 femmes, soit 3,8 % de l'ensemble de la population carcérale. Certes, du fait de leur faible nombre, les femmes sont moins touchées par la surpopulation, qui contribue à la dégradation des conditions de détention, mais elles sont plus souvent isolées. Un isolement avant tout géographique, puisqu'« un nombre très restreint d'établissements sont susceptibles de les accueillir » : 63 établissements sur 194, « à peu près répartis sur l'ensemble du territoire ». Et parmi eux, seuls cinq établissements accueillent des femmes condamnées à de lourdes peines. « Le parc carcéral étant d'abord conçu pour les hommes », constate la délégation, les besoins et les spécificités des femmes ne sont dès lors « pas spontanément » pris en compte. L'isolement des femmes résulte aussi de l'application du principe de non-mixité. En effet, les quartiers qui leur sont réservés au sein d'établissements accueillant des hommes sont généralement « enclavés, isolés du reste de la détention, ce qui rend l'accès aux différents services [et aux activités] - comme les services médicaux, la formation ou les ateliers - parfois plus difficile pour les femmes », estiment les sénateurs.
Ces derniers insistent aussi sur l'insuffisance de la prise en charge sanitaire et psychiatrique des femmes détenues. Une problématique à laquelle la loi pénitentiaire du 24 novembre dernier tente de répondre via une série de dispositions (2). Afin d'assurer l'effectivité de ce droit à la santé, la délégation demande aux établissements pénitentiaires accueillant des femmes de se doter des équipements nécessaires à leur suivi sanitaire, notamment en matière d'examens gynécologiques, la plupart en étant dépourvus. Mais aussi d'augmenter le nombre de services médico-psychologiques régionaux susceptibles de les accueillir afin de leur garantir un suivi psychiatrique (3).
Autre problème pour les femmes incarcérées : l'accès à la formation professionnelle, « rendu plus difficile par leur petit nombre, pour des raisons d'échelle et d'organisation », explique le rapport. En outre, l'offre des formations est restreinte, encore « largement conditionné par certains stéréotypes sexués ». Elles ne se voient souvent proposer que des formations correspondant à des métiers considérés comme « féminins ». Aussi, afin de faciliter leur réinsertion, la délégation recommande que toute femme détenue puisse bénéficier de formations ou d'activités professionnelles, quel que soit l'établissement dans lequel elle est incarcérée, et que la gamme de ces formations ou activités soit « aussi large que possible ». Elle suggère aussi à l'administration pénitentiaire d'« ouvrir, à titre dérogatoire et expérimental, certains ateliers à la mixité ».
Enfin, les sénateurs relèvent que les hommes bénéficient plus souvent que les femmes d'aménagements de peine. Selon les chiffres du ministère de la Justice, seules 24 femmes sur 1 421 femmes écrouées étaient placées en semi-liberté au 1er mars 2009 (4). Et seuls cinq centres de semi-liberté sur 13 sont habilités à accueillir des femmes. Aussi, afin d'éviter le phénomène des « sorties sèches », la délégation invite l'administration pénitentiaire à rechercher les moyens rendant plus accessibles aux femmes les aménagements de peine, notamment lorsqu'elles sont célibataires ou mères isolées.
En 2008, sur 54 000 personnes hospitalisées sous contrainte (hospitalisation d'office ou à la demande d'un tiers), 22 000 étaient des femmes (soit 40 %), relève la délégation, qui émet des « inquiétudes relatives à [leur] dignité et à [leur] sécurité ». Lors de son audition par les sénateurs, la présidente de la Fédération nationale des associations d'usagers en psychiatrie, Claude Finkelstein, a en effet rapporté que « les femmes arrivaient en hôpital psychiatrique sans vêtements ni effets personnels et que leur intimité n'était pas respectée ». Elle a également insisté sur « les conditions d'hébergement peu dignes dans les hôpitaux psychiatriques français », les femmes se plaignant le plus souvent de l'absence de propreté, en particulier des douches, et de tranquillité. Dans la perspective d'une prochaine réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux mesures d'hospitalisation sans consentement des personnes malades atteintes de troubles mentaux, les sénateurs estiment qu'il convient de « lever les incertitudes juridiques qui freinent le recours à la sortie d'essai et d'instaurer des soins ambulatoires sous contrainte », notamment afin de maintenir les liens familiaux. Des propositions déjà émises par le contrôleur général des lieux de privation de liberté (5). Par ailleurs, afin d'assurer la sécurité des femmes, tout en préservant le principe de mixité qui règne au sein des hôpitaux psychiatriques, les élus considèrent aussi nécessaire de « réfléchir à la création de structures spécialisées pour les femmes, notamment pour celles qui affirment avoir été victimes de violences sexuelles lors de leur hospitalisation sous contrainte ». Enfin, la délégation recommande de « préserver la confidentialité de l'hospitalisation et, plus généralement, de veiller au respect de la vie privée des patients hospitalisés sous contrainte, notamment du secret de leur courrier personnel ».
(1) Rapport disponible sur
(3) A l'heure actuelle, le rapport souligne qu' « un seul des 26 services médico-psychologiques régionaux - disposant de 10 à 32 places - est habilité à recevoir des femmes atteintes de pathologies psychiques ou de dépressions » .
(4) « Il semble qu'elles bénéficient davantage des mesures de libération conditionnelle que les hommes, expliquant ainsi qu'elles soient moins nombreuses à jouir du régime de semi-liberté » , explique la délégation.