La façon dont les Etats transposent la directive « services » - processus qui devrait théoriquement s'achever le 28 décembre - est déterminante pour la sécurisation des services sociaux par rapport aux règles de la concurrence et du marché intérieur. Or, alors que plus d'une vingtaine d'Etats membres (Suède, Belgique, Pays-Bas...) ont opté pour l'élaboration d'une loi-cadre générale inscrivant en droit national les principes de la directive et son champ d'application, la France a choisi de procéder secteur par secteur, par le biais de textes réglementaires et de projets de loi sectoriels, et sans débat global avec la représentation nationale. Une approche peu lisible et transparente, maintes fois dénoncée par le Collectif SSIG (1).
D'où son soutien à la proposition de loi sur « la protection des missions d'intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive «services» » déposée le 9 décembre dernier par plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen, et qui devrait être débattue en séance publique le 21 janvier 2010. Ce projet de texte retient tout d'abord un périmètre d'exclusion plus large que celui proposé actuellement par le gouvernement. En effet, la directive a exclu de son champ d'application les services sociaux relatifs au logement social, à l'aide à l'enfance et à l'aide aux familles et aux personnes dans le besoin à condition qu'ils soient assurés notamment par des prestataires mandatés par l'Etat. Or, contrairement à la doctrine de l'administration française, la proposition de loi retient une définition large de « l'Etat » mandataire, en y incluant les services de l'Etat, mais aussi les collectivités territoriales ou les organismes habilités par l'Etat, comme les caisses d'allocations familiales, se félicite Laurent Ghekiere, membre du Collectif SSIG et représentant de l'Union sociale pour l'habitat. Cette interprétation, « qui va dans le sens du traité de Lisbonne et de la pratique des autres Etats membres », permettrait ainsi d'exclure de la directive « services » les établissements d'accueil de jeunes enfants en considérant que l'agrément accordé par le conseil général vaut mandatement - ce que n'a pas reconnu la direction générale de l'action sociale (2).
Par ailleurs, la proposition de loi apporte des clarifications non négligeables. Elle précise ainsi que les règles du traité s'appliquent aux services sociaux et médico-sociaux - reconnus explicitement comme faisant partie des services d'intérêt économique général - mais sous réserve du bon accomplissement de leur mission d'intérêt général. De même, il définit ce qu'est un acte officiel de mandatement.
Autre intérêt, relevé par le Collectif SSIG, ce projet inscrit dans la loi la « convention de partenariat général » qu'avait proposée Michel Thierry afin de régler les problèmes que pose le recours à la subvention par rapport à la réglementation européenne sur les aides d'Etat. « Le texte précise que ce nouvel instrument vient sécuriser le mode de contractualisation entre les associations et les autorités publiques, quelles qu'elles soient, souligne Laurent Ghekiere. Une précision d'importance au moment où le gouvernement envisage une «convention de partenariat d'intérêt général» uniquement dans le cadre des relations entre associations et les services de l'Etat, excluant ainsi les collectivités territoriales » (3).
« Cette proposition de loi met un terme à la politique de l'autruche de la France et apporte aux services sociaux la sécurité juridique qui leur fait défaut en matière de financement et d'encadrement », juge donc le Collectif SSIG. Reste que l'initiative parlementaire a peu de chances d'aboutir tant elle va à l'encontre de la doctrine actuelle du gouvernement. Déjà, en mai dernier, une proposition de résolution sur les services sociaux d'intérêt général et la transposition de la directive « services » avait été déposée par le groupe socialiste, radical et citoyen. Elle fut rejetée en commission des affaires sociales à la demande du gouvernement.
(1) Composé de 19 organisations nationales (dont la FNARS, l'Uniopss, l'Unccas, l'USH, la FEHAP, la FHF, la FAPIL).
(2) Elle a d'ailleurs expliqué son point de vue à l'Uniopss - Voir ASH n° 2634 du 27-11-09, p. 24. Pour l'Unccas, par son interprétation restrictive, la France « a choisi » de laisser dans le champ de la directive les établissements de la petite enfance, mais aussi les services à la personne. L'Etat a ainsi perdu l'occasion d'affirmer les frontières entre service public et marché alors que les besoins augmentent.
(3) Le gouvernement devait annoncer la création de ce nouvel outil le 17 décembre, lors de la conférence de la vie associative.