Depuis le 26 novembre, le lendemain de la publication de la loi sur l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie, tout stage d'une durée minimale de deux mois - et non plus de trois mois - effectué dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux de droit privé doit être gratifié. La mesure ne s'applique en principe qu'aux stages dont la convention est signée postérieurement à la publication de la loi. La disposition est donc entrée en vigueur sans que l'Aforts (Association française des organismes de formation et de recherche en travail social) et le GNI (Groupement national des instituts du travail social), malgré leurs interpellations du cabinet de Xavier Darcos et une lettre adressée au président de la République (1), aient pu obtenir de garanties sérieuses sur son financement. Ce qui risque d'affecter dès janvier le départ des étudiants en stages, dont l'offre risque encore de s'assécher. « Avec le danger, cette fois, de paralyser la mise en place de l'alternance », avertit Christian Chassériaud, président de l'Aforts.
Pourtant, au cabinet de Martin Hirsch, Haut Commissaire à la jeunesse, on se veut rassurant : « Les associations ont été reçues et, en lien avec le ministère du Travail et le ministère de l'Enseignement supérieur, la réflexion a été engagée sur les pistes de travail permettant de maintenir une offre de stages répondant aux besoins des étudiants. » On indique également que « les impacts de la gratification sur l'offre de stages n'étant pas clairement évalués, une inspection interministérielle devrait être missionnée à cet effet dans les prochains jours. Elle pourra alimenter d'autres travaux, la question des stages dans le champ du travail social ne pouvant se résumer à la seule question de la gratification. » Par ailleurs, la direction générale de l'action sociale s'est engagée à organiser une table ronde le 15 janvier prochain avec les représentants des centres de formation, des employeurs et des associations professionnelles afin de dresser un état des lieux de la mise en oeuvre de l'alternance et envisager des solutions. Reste qu'il y a urgence, s'agace Christian Chassériaud, qui souligne le silence du cabinet de Xavier Darcos depuis sa rencontre du 16 octobre avec les centres de formation.
C'est pourquoi l'Aforts et le GNI ont décidé d'adresser un courrier au ministre du Travail pour demander que des engagements soient annoncés le 15 janvier « pour garantir la scolarité des étudiants inscrits ». L'Aforts n'exclut pas d'ailleurs d'envisager, en lien avec le GNI, une journée nationale d'action si aucune avancée concrète n'est proposée. Par ailleurs, « nous aimerions obtenir une suspension de l'application de la disposition réduisant à deux mois la durée de stage gratifiable, au moins jusqu'aux conclusions de la mission d'inspection », précise Christian Chassériaud.
Le temps n'est également plus à l'attente pour les associations professionnelles, qui ont décidé de définir une stratégie commune. Le 18 décembre, à l'initiative de l'ONES (Organisation nationale des éducateurs spécialisés) et de l'ANAS (Association nationale des assistants de service social), une réunion devait être organisée à Paris en ce sens avec la Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants, France ESF, le Craets (Collectif rhônalpin des étudiants en travail social), mais aussi l'Aforts et le GNI.
C'est que l'inquiétude grandit sur le terrain. « Un mois avant les premiers départs en stage (début janvier 2010), bon nombre d'étudiants de l'institut de travail social de la région Auvergne (Clermont-Ferrand) n'ont pas encore trouvé de lieu d'accueil susceptible de les recevoir », indique ainsi le collectif étudiant de cet institut, qui doit rencontrer le préfet du Puy-de-Dôme le 7 janvier. L'idée d'une coordination nationale des étudiants fait son chemin. « Nous devons coordonner nos actions pour avoir du poids et pouvoir être un interlocuteur légitime au niveau national », estime le Craets. Il propose à cette fin aux représentants des étudiants des régions mobilisées de se rencontrer le 4 janvier à Lyon (2).
Les difficultés grandissantes sur le terrain amènent également certains syndicats de salariés à sortir de leur silence. Pour la Fédération nationale de l'action sociale-FO, « il ne saurait y avoir de raison économique ou budgétaire valable pour empêcher les stagiaires du secteur social et médico-social de bénéficier de la gratification, dès le deuxième mois de stage ». Elle propose, pour sa part, que les budgets soient alloués spécifiquement aux instituts de formation, « les mieux à même de gérer ces fonds ». De leur côté, certains représentants des employeurs disent ne pas rester inactifs. « Il y a un effort à faire auprès des associations pour leur rappeler que la gratification est une obligation légale », explique Jean-Luc Durnez, directeur général du SOP. Et de préciser que le syndicat soutient localement les associations lorsqu'elles ont des difficultés pour obtenir le financement des gratifications auprès des conseils généraux ou des directions départementales des affaires sanitaires et sociales. « Mais pour l'instant, alors qu'en 2008 nous étions fortement mobilisés, nous n'avons pas engagé d'action au niveau national. »
(2) Contact :