Introduit au Sénat à l'initiative du rapporteur de la loi, Jean-René Lecerf, l'article 44 de la loi instaure une obligation de protection des détenus à la charge de l'administration pénitentiaire. Cette obligation se situe dans la continuité des actions engagées par le gouvernement notamment pour prévenir le suicide et s'inscrit dans un contexte, en particulier jurisprudentiel, tendant à renforcer les obligations et la responsabilité de l'administration pénitentiaire. D'après les données communiquées au cours des débats parlementaires, en 2008, ont été recensés 464 actes de violences graves entre détenus (homicides, agressions sexuelles, actes de torture ou de barbarie, violences avec arme ou objet) ayant conduit à 3 décès et 186 hospitalisations.
Ainsi, la loi prévoit que l'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels. Et que, même en l'absence de faute, l'Etat est tenu de réparer le dommage résultant du décès d'une personne détenue causé par des violences commises au sein d'un établissement pénitentiaire par une autre personne détenue.
Selon Jean-Paul Garraud, rapporteur de la loi à l'Assemblée nationale, « hormis le cas particulier du décès provoqué par l'agression d'un codétenu, cette obligation sera une obligation de moyens qui obligera l'administration pénitentiaire à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires et raisonnables, compte tenu notamment de la nécessité de concilier l'exigence de la sécurité des personnes avec la garantie des autres droits garantis aux détenus ainsi qu'avec la protection de la sécurité et le maintien du bon ordre des établissements. En conséquence de cette obligation de moyens, la responsabilité de l'administration pénitentiaire ne pourra être engagée que si est établie une faute [...] consistant dans le fait de n'avoir pas mis en oeuvre les moyens nécessaires et raisonnables pour prévenir et empêcher l'atteinte à l'intégrité physique » (Rap. A.N. n° 1899, Garraud, septembre 2009, page 222).
La loi précise que, lorsqu'une personne détenue s'est donnée la mort, l'administration pénitentiaire doit informer immédiatement sa famille ou ses proches des circonstances dans lesquelles est intervenu le décès et faciliter, à leur demande, les démarches qu'ils peuvent être conduits à engager. La loi vient ainsi confirmer un devoir d'information à l'égard des proches de l'entourage d'une personne décédée dans le cas particulier où le décès a pour cause le suicide. Pour ce faire, les chefs d'établissements pénitentiaires devront veiller à identifier systématiquement les personnes à contacter dans une telle hypothèse et recueillir toutes informations utiles permettant de les joindre dans les meilleurs délais le cas échéant (circulaire DAP du 25 novembre 2009).
Enfin, toute personne détenue victime d'un acte de violence caractérisé commis par un ou plusieurs codétenus doit faire l'objet d'une surveillance et d'un régime de détention particuliers. Elle bénéficie en outre, en priorité, d'un encellulement individuel.
La loi pénitentiaire comporte une série de dispositions relatives à la santé des détenus. Pour leur application, une concertation sera menée entre la direction pénitentiaire du ministère de la Justice et la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins relevant du ministère de la Santé (circulaire DAP du 25 novembre 2009)
La loi pénitentiaire affirme le respect par l'administration pénitentiaire du droit des détenus au secret médical et au secret de la consultation.
Cette mesure vise à remédier aux transgressions régulières du secret médical, en particulier lorsque les consultations médicales sont réalisées en dehors de l'établissement pénitentiaire. En effet, selon Nicolas About, rapporteur pour avis au Sénat, « les gardiens responsables du bon déroulement de la sortie assistent [...] trop souvent aux examens ou à l'entretien avec le spécialiste consulté. Cette présence est attentatoire au secret médical et à la possibilité pour le détenu de construire une relation de confiance avec le praticien lui permettant de révéler ses symptômes et ses inquiétudes » (Avis Sén. n° 222, About, février 2009, page 19).
Cette disposition doit toutefois s'exercer conformément aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 6141-5 du code de la santé publique relatifs au partage d'informations opérationnelles. Ainsi, les personnels soignants - qu'ils interviennent en milieu hospitalier ou au sein d'un établissement pénitentiaire - sont tenus, dès lors qu'ils ont connaissance d'un « risque sérieux pour la sécurité des personnes » au sein des établissements de santé ou des établissements pénitentiaires, « de le signaler dans les plus brefs délais au directeur de l'établissement en lui transmettant, dans le respect des dispositions relatives au secret médical, les informations utiles à la mise en oeuvre de mesures de protection ».
La loi pénitentiaire rappelle le principe de la prise en charge des soins dispensés aux personnes détenues par le service public hospitalier et explicite un certain nombre de principes relatifs à la prise en charge de la santé des personnes détenues. Elle instaure par ailleurs un bilan de santé « addictions » et une visite médicale avant la libération d'un condamné.
Ainsi, la prise en charge de la santé des personnes détenues est assurée par le service public hospitalier, rappelle la loi. Ce principe avait déjà été posé par l'article 2 de la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, puis codifié à l'article L. 6112-1 du code de la santé publique.
La loi précise par ailleurs les grands principes de cette prise en charge de la santé.
En premier lieu, elle affirme que la qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l'ensemble de la population.
Afin de permettre l'intervention d'équipes urgentistes dans des conditions comparables à celles que connaît la population générale, un protocole définissant les conditions dans lesquelles est assurée cette intervention doit être signé par le directeur général de l'agence régionale de santé (1), le directeur interrégional des services pénitentiaires, le chef de l'établissement pénitentiaire et le directeur de l'établissement de santé concerné. La mise en place de cette procédure répond aux impératifs de la règle pénitentiaire européenne n° 41 aux termes de laquelle « chaque prison doit disposer des services d'au moins un médecin généraliste [et] des dispositions doivent être prises pour s'assurer à tout moment qu'un médecin diplômé interviendra sans délai en cas d'urgence ».
Autre principe : l'état psychologique des personnes détenues doit être pris en compte lors de leur incarcération et pendant leur détention.
L'administration pénitentiaire doit, par ailleurs, favoriser la coordination des différents intervenants agissant pour la prévention et l'éducation sanitaires.
Enfin, le législateur impose à l'administration pénitentiaire d'assurer un hébergement, un accès à l'hygiène, une alimentation et une cohabitation propices à la prévention des affections physiologiques ou psychologiques.
A noter : le projet de loi initial prévoyait d'apporter une dérogation au principe de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique qui dispose que, en cas de pronostic grave, un médecin peut, nonobstant le secret médical et sauf opposition du patient, donner aux proches ou à la personne de confiance les informations leur permettant d'apporter un soutien direct au malade. Le texte ouvrait, en effet, la possibilité de limiter les informations communiquées à celles qui ne sont pas « susceptibles de porter atteinte à la sécurité et au bon ordre des établissements pénitentiaires et des établissements de santé ». Cette restriction a finalement été abandonnée.
La loi pénitentiaire prévoit que, lors de son incarcération, un bilan de santé relatif à diverses addictions est proposé à la personne détenue. Ce bilan porte sur sa consommation de produits stupéfiants, d'alcool et de tabac. Il est effectué à titre préventif, dans un but de santé publique et dans l'intérêt du patient. Il doit rester confidentiel.
Une visite médicale doit être proposée à toute personne condamnée dans le mois précédant sa libération.
Ce principe vise à donner une traduction concrète au droit à la continuité des soins qui doit être garanti à toute personne détenue. « La continuité des soins doit être garantie non seulement entre l'extérieur et l'établissement pénitentiaire, au moment de l'incarcération, ainsi qu'entre deux établissements pénitentiaires, en cas de transfèrement d'un détenu, mais aussi entre l'établissement pénitentiaire et l'extérieur, au moment de la libération », explique Jean-Paul Garraud (Rap. A.N. n° 1899, Garraud, septembre 2009, page 246). L'objectif de cette disposition est d'éviter qu'une personne détenue suivant un traitement médical soit libérée sans médicaments ni ordonnance, ni rendez-vous en vue d'une consultation médicale.
Cette mesure est seulement proposée et non imposée, afin de respecter le principe de consentement aux soins. En outre, elle ne concerne que les détenus condamnés, la libération d'une personne en détention provisoire est en effet susceptible d'intervenir à tout moment sur décision de l'autorité judiciaire et rend difficile l'organisation d'un tel rendez-vous.
Adopté contre l'avis du gouvernement, l'article 48 de la loi prévoit que ne peuvent être demandés aux médecins et aux personnels soignants intervenant en milieu carcéral :
ni un acte dénué de lien avec les soins ou la préservation de la santé des personnes détenues ;
ni une expertise médicale.
D'après les débats parlementaires, l'objectif de cette disposition est de faciliter l'établissement de la relation de confiance entre le patient et le médecin intervenant dans l'établissement pénitentiaire en empêchant l'accomplissement par ce dernier, à la demande de l'administration pénitentiaire, d'actes sans liens avec les soins. En effet, « malgré la loi du 18 janvier 1994 (2), l'administration pénitentiaire cherche souvent à obtenir des médecins et autres personnels soignants présents dans les unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) et les services médico-psychiatriques régionaux (SMPR) qu'ils apportent une caution médicale aux sanctions disciplinaires, voire participent à des activités sans lien avec les soins, comme les investigations corporelles [...]. Pareilles demandes sont de nature à rompre la nécessaire confiance entre le médecin et son patient », a expliqué Nicolas About (Avis Sén. n° 222, About, février 2009, page 45).
Lors des débats au Sénat, la garde des Sceaux de l'époque, Rachida Dati, s'est fermement opposée - sans succès - à l'adoption de cet article. Selon elle, avec cette nouvelle règle, « les médecins ne seront plus obligés de participer aux commissions pluridisciplinaires [qui ont été très difficiles] à mettre en place dans les établissements pénitentiaires et qui contribuent à la réinsertion des personnes détenues en donnant un avis au magistrat, notamment au juge de l'application des peines, lorsqu'un aménagement de peine est envisagé ou en éclairant les conseillers d'insertion et de probation ainsi que les associations » (J.O. Sén. [C.R.] n° 28 du 5-03-09, page 2477). A l'initiative de l'amendement ayant introduit cette disposition dans la loi, Nicolas About a quant à lui fait valoir au contraire qu'elle n'empêcherait en rien les médecins de participer à des réunions portant, par exemple, sur la prévention du suicide ou d'échanger avec les personnels de l'administration pénitentiaire des informations professionnelles et non pas médicales. Et, au final, l'amendement a été adopté.
La loi pénitentiaire prévoit que les personnes intervenant dans le cadre des dispositifs d'accompagnement médical prévus par le code de la santé publique doivent désormais obtenir un permis de visite pour s'entretenir avec les personnes détenues hors de la présence du personnel pénitentiaire.
Sont concernés :
les bénévoles intervenant auprès des personnes malades en fin de vie. Plus précisément, il s'agit des bénévoles d'associations, formés à l'accompagnement de la fin de vie et qui peuvent, avec l'accord de la personne malade ou de ses proches, et sans interférer avec la pratique des soins médicaux et paramédicaux, apporter leur concours à l'équipe de soins en participant à l'ultime accompagnement du malade et en confortant l'environnement psychologique et social de la personne malade et de son entourage ;
les titulaires de l'autorité parentale pour une personne mineure malade ou, en cas d'opposition du mineur à leur consultation, une personne majeure choisie par le mineur ;
la personne de confiance (parent, proche, médecin traitant) que peut désigner toute personne majeure et qui sera consultée au cas où cette dernière serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Cette personne de confiance peut également, si le malade le souhaite, l'accompagner dans ses démarches et assister aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions ;
la tierce personne dont la présence est recommandée par le médecin en vue de l'exercice par le patient de son droit d'accès à son dossier médical, pour des motifs tenant aux risques que la connaissance de certaines informations sans accompagnement ferait courir à ce patient ;
la personne majeure choisie par une femme mineure non émancipée en cas d'interruption volontaire de grossesse pour accompagner sa démarche lorsqu'elle entend passer outre le défaut de consentement de ses parents ou souhaite garder le secret.
La loi pénitentiaire prévoit qu'une prise en charge sanitaire adaptée à leurs besoins doit être assurée aux femmes détenues, qu'elles soient accueillies dans un quartier pour femmes détenues ou dans un établissement dédié. Ce faisant, le législateur prend en compte un récent avis de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale qui souligne les insuffisances de la prise en charge sanitaire et médicale des femmes détenues, notamment sur le plan de la santé psychique. « Confrontées à la détention, les femmes semblent réagir beaucoup plus difficilement que les hommes. Elles supportent plus mal cette atteinte à leur intimité physique et psychologique et ont des réactions somatiques très fréquentes » au point que « très souvent, leur état de santé psychique se dégrade », explique ainsi la délégation. Or, poursuit-elle, « la demande de soins ne peut pas toujours être correctement satisfaite » dans la mesure où, « sur les 26 services médico-psychologiques régionaux (SMPR), un seul d'entre eux est habilité à recevoir des femmes atteintes de pathologies psychiques ou de dépressions » (Rap. Information A.N. n° 1900, Huet, septembre 2009, page 5).
La loi pénitentiaire prévoit que tout accouchement ou examen gynécologique doit se dérouler sans entraves et hors la présence du personnel pénitentiaire afin de garantir le droit au respect de la dignité des femmes détenues.
Avec cette disposition, le législateur va au-delà de ce qui était prévu par une circulaire du 18 novembre 2004 en ce qui concerne les examens gynécologiques. En effet, selon ce texte, les femmes détenues enceintes ne devaient déjà en aucun cas être menottées pendant l'accouchement, c'est-à-dire tant dans la salle de travail que pendant la période de travail elle-même. Et la surveillance pénitentiaire ne devait pas s'exercer à l'intérieur même de la salle d'accouchement. En revanche, les examens gynécologiques étaient soumis aux mêmes règles que tout examen médical, ce qui ne sera désormais plus le cas. Pour mémoire, pour chaque détenu devant faire l'objet d'une consultation médicale, le chef d'établissement ou l'un de ses adjoints décide par écrit du port ou non de menottes ou entraves et, le cas échéant, d'une chaîne d'accompagnement à l'hôpital en fonction des risques d'évasion, de l'état de dangerosité du détenu pour lui-même ou pour autrui, ainsi que de son état de santé. Le chef d'escorte peut toutefois modifier le dispositif initialement arrêté lorsqu'il l'estime nécessaire en raison du comportement du détenu ou de la survenance d'éléments nouveaux durant le temps de séjour à l'hôpital. Trois niveaux de surveillance sont par ailleurs possibles : soit la consultation s'effectue hors la présence du personnel pénitentiaire avec ou sans moyen de contrainte ; soit la consultation se déroule sous la surveillance constante du personnel pénitentiaire mais sans moyen de contrainte ; soit la consultation se déroule sous la surveillance constante du personnel pénitentiaire avec moyen de contrainte.
La loi pénitentiaire accorde à toute personne détenue se trouvant en situation de handicap le droit de désigner un aidant de son choix. Elle répond ainsi aux préoccupations mises en avant par le contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son premier rapport public (3). « L'intimité des personnes handicapées physiques nécessitant une aide est difficilement assurée, dans la mesure où les aidants sont encore des codétenus volontaires, expliquait Jean-Marie Delarue. Faire reposer sur un tiers détenu l'aide au lever, à la toilette ou à l'habillement est aujourd'hui clairement inacceptable, sauf à concevoir un mécanisme (aujourd'hui inexistant) de sorte que les codétenus placés en position d'aide à la personne soient volontaires, formés à cette tâche et rémunérés en conséquence. » C'est précisément à la mise en place d'un tel mécanisme que tend l'article 50 de la loi.
Sont concernées les personnes dans la situation de handicap prévue par l'article L. 1111-6-1 du code de la santé publique. A savoir les personnes durablement empêchées, du fait de limitations fonctionnelles des membres supérieurs en lien avec un handicap physique, d'accomplir elles-mêmes des gestes liés à des soins prescrits par un médecin.
L'administration pénitentiaire peut toutefois s'opposer aux choix du détenu handicapé par une décision spécialement motivée. Dans « la mesure où l'aidant sera, dans la majorité des cas, une autre personne détenue, il ne faudrait pas que puisse être désignée en qualité d'aidant une personne ne présentant pas les qualités requises en termes de compétence ou de probité, ou encore une personne ayant exercé sur le détenu handicapé une pression pour être désigné et bénéficier de la rémunération que l'administration pénitentiaire verse, dans certains établissements, aux aidants », explique Jean-Paul Garraud (Rap. A.N. n° 1899, Garraud, septembre 2009, page 241).
La loi pénitentiaire vise à encadrer les fouilles des cellules et des détenus en délimitant les motifs de ces fouilles et leurs modalités de réalisation.
Jusqu'à présent, leur régime était fixé par voie réglementaire aux articles D. 269, D. 275 et D. 294 du code de procédure pénale. Pour l'essentiel, ces dispositions prévoient que les fouilles sont obligatoires lors des entrées et sorties et à l'occasion de tout contact avec l'extérieur, et que les détenus peuvent également être fouillés sur décision du chef d'établissement, sans que le recours à la fouille ait été motivé. Ce dispositif a fait l'objet de nombreuses critiques. Il lui a tout d'abord été reproché d'être insuffisant et de ne pas être régi par la loi alors qu'il s'agit d'un droit fondamental, celui du droit à l'intimité. Autre critique : les modalités de déroulement des fouilles donneraient lieu à d'importantes disparités entre les établissements pénitentiaires. Enfin, le caractère intrinsèquement humiliant des fouilles a été reconnu par la Cour européenne des droits de l'Homme, valant à la France plusieurs condamnations (4). Par la suite, le Conseil d'Etat a également jugé que ces fouilles devaient, pour être conformes aux normes applicables, et particulièrement à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, réunir des conditions de nécessité, d'adaptation au motif poursuivi et de proportionnalité des moyens employés (5).
Tenant compte de ces critiques et de ces évolutions jurisprudentielles, la loi pénitentiaire introduit donc un nouveau cadre législatif.
Désormais, les fouilles doivent être justifiées :
par la présomption d'une infraction ;
ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement.
Le législateur introduit, par là, les principes de nécessité et de proportionnalité dans les motifs justifiant une fouille.
En outre, un caractère subsidiaire est conféré aux fouilles intégrales. Ces dernières ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation de moyens de détection électronique sont insuffisantes.
De manière générale, la nature et la fréquence des fouilles des cellules et des détenus doivent être strictement adaptées aux nécessités et à la personnalité des personnes détenues.
Les investigations corporelles internes sont désormais proscrites. Seul un impératif spécialement motivé peut les justifier. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n'exerçant pas au sein de l'établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l'autorité judiciaire.
La loi pénitentiaire prévoit que des caméras de surveillance peuvent être installées dans les espaces collectifs présentant un risque d'atteinte à l'intégrité physique des personnes au sein des établissements pénitentiaires.
Cette faculté deviendra une obligation pour l'ensemble des établissements pénitentiaires dont l'ouverture est postérieure au 26 novembre 2009 (date d'entrée en vigueur de la loi).
La loi pénitentiaire rappelle que l'administration pénitentiaire doit garantir aux mineurs détenus le respect des droits fondamentaux reconnus à l'enfant par les dispositions nationales et internationales, notamment l'article 37 de la Convention internationale des droits de l'enfant relatif au mineur privé de liberté.
Autre principe posé : les mineurs, lorsqu'ils ne sont plus soumis à l'obligation scolaire, sont tenus de suivre une activité à caractère éducatif.
Un décret doit préciser les règles d'application de ces dispositions.
La loi pénitentiaire entend clarifier les missions du service public pénitentiaire et les conditions de son exercice, en distinguant celles relevant de la compétence propre de l'administration pénitentiaire de celles nécessitant le concours d'autres partenaires. Elle reprend, en les actualisant et en les complétant, les missions définies par la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire.
L'article 2 de la loi énonce que le service public pénitentiaire participe à l'exécution des décisions pénales.
Il contribue également, dans le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et des droits des personnes détenues :
à l'insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire ;
à la prévention de la récidive ;
à la sécurité publique.
La loi du 24 novembre 2009 modifie donc la liste des missions du service public pénitentiaire qui résulte de l'article 1er de la loi du 22 juin 1987 en y incluant la prévention de la récidive. Cet article est parallèlement abrogé (art. 63 de la loi).
La loi énonce que le service public pénitentiaire doit être organisé de manière à assurer l'individualisation et l'aménagement des peines des personnes condamnées (art. 2 de la loi). Il est assuré par l'administration pénitentiaire, sous l'autorité du garde des Sceaux, avec le concours des autres services de l'Etat, des collectivités territoriales, des associations et d'autres personnes publiques ou privées (art. 3 de la loi). Le rôle des partenaires de l'administration pénitentiaire est ainsi mis en avant. Il s'agit notamment de l'Education nationale, des services de Pôle emploi, des collectivités territoriales ainsi que des associations.
Le texte réaffirme par ailleurs que (art. 3 de la loi) :
les fonctions de direction, de surveillance et de greffe des établissements pénitentiaires sont obligatoirement assurées par l'administration pénitentiaire ;
les autres fonctions peuvent être confiées à des personnes de droit public ou privé bénéficiant d'une habilitation dans des conditions définies par décret. La loi confirme donc la possibilité de recourir à la « gestion mixte », notamment pour la gestion quotidienne des établissements (prestations de blanchisserie, de restauration, de formation, de travail...).
La loi pénitentiaire instaure un conseil d'évaluation auprès de chaque établissement pénitentiaire. Sa mission est d'évaluer les conditions de fonctionnement de l'établissement et de proposer, les cas échéant, toutes mesures de nature à les améliorer.
Cette mesure avait été annoncée dans l'exposé des motifs du projet de loi initial mais n'était pas, au départ, introduite en tant que telle dans le texte. Au cours des débats, les parlementaires ont souhaité consacrer son existence.
La composition et les modalités de fonctionnement de ce conseil doivent encore être déterminées par décret.
Autre instance mise en place, également annoncée par le gouvernement et non retranscrite à l'origine dans le texte : un observatoire indépendant chargé de collecter et d'analyser les données statistiques relatives :
aux infractions ;
à l'exécution des décisions de justice en matière pénale ;
à la récidive et à la réitération.
Il doit également établir un rapport annuel et public comportant les taux de récidive et de réitération en fonction des catégories d'infractions et des peines prononcées et exécutées, ainsi qu'une estimation de ces taux par établissement pour peines. Le rapport doit aussi comprendre le taux de suicide par établissement pénitentiaire. Et présenter une évaluation des actions menées au sein des établissements pénitentiaires en vue de prévenir la récidive et la réitération, de favoriser la réinsertion et de prévenir le suicide.
La création de cet observatoire vise à pallier l'insuffisance de l'appareil statistique du ministère de la Justice.
Un décret doit préciser l'ensemble du dispositif.
Parallèlement à la création du conseil d'évaluation et de l'observatoire à visée statistique, la loi prévoit qu'un décret doit fixer les modalités selon lesquelles les divers partenaires de l'administration pénitentiaire - collectivités territoriales, représentants des associations et autres personnes publiques ou privées - pourront participer à ces instances ainsi qu'au suivi des politiques pénitentiaires. Sur ce dernier point, le gouvernement a en effet annoncé la création d'une commission départementale de suivi des politiques pénitentiaires.
La loi pénitentiaire instaure, à titre expérimental du 1er janvier 2010 et jusqu'au 31 décembre 2012 (6), la possibilité pour l'Etat de confier par convention aux régions (ou à la collectivité territoriale de Corse), sur leur demande, l'organisation et le financement des actions de formation professionnelle continue des personnes détenues dans un établissement pénitentiaire situé sur leur territoire. Toutefois, précise la direction de l'administration pénitentiaire, pour s'assurer d'une mise en oeuvre effective et concrète de ces conventions, il est apparu, en accord avec la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, que cette déconcentration ne serait réalisable qu'au 1er janvier 2011 (note DAP du 25 novembre 2009).
Le gouvernement devra adresser au Parlement, le 1er juillet 2012, un rapport sur la mise en oeuvre de cette expérimentation.
DANS NOTRE NUMÉRO 2636 DU 11 DÉCEMBRE 2009, PAGE 41
I. La consécration des droits des détenus
DANS CE NUMÉRO
I. La consécration des droits des détenus (suite)
F. La sécurité des détenus
G. La santé des détenus
H. La surveillance des détenus
I. Les droits des détenus mineurs
II. Les missions et l'organisation du service public pénitentiaire
A. Des missions actualisées
B. Une organisation clarifiée
C. L'instauration d'un conseil d'évaluation
D. Un observatoire indépendant à visée statistique
E. L'intervention d'autres partenaires
DOSSIER MÉDICAL ÉLECTRONIQUE (ART. 54)
A partir du 24 novembre 2011 (2 ans à compter de la promulgation de la loi), un dossier médial électronique unique devra être constitué pour chaque personne détenue. L'objectif est de faciliter la coordination des soins psychiatriques et somatiques.
COMPÉTENCE DES ARS EN MATIÈRE DE SOINS EN DÉTENTION (ART. 55)
Afin de remédier à l'insuffisance de l'organisation des soins dans les établissements pénitentiaires, les agences régionales de santé (ARS), nouvelles instances qui entreront en vigueur au 1er juillet 2010 (7), se voient confier la mission d'évaluer et d'identifier les besoins sanitaires des personnes en détention ainsi que de définir et de réguler l'offre de soins en milieu pénitentiaire (code de la santé publique [CSP], art. L. 1431-2, 2° modifié). L'idée est ainsi de renforcer le pilotage régional de la prise en charge des personnes détenues et d'assurer à ces dernières une prise en charge non seulement plus visible, mais également plus efficace.
PRISE EN COMPTE DES SOINS EN PRISON DANS LES SROS (ART. 56)
Dans le même ordre d'idée, les schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) devront, à compter du 1er juillet 2010, fixer les objectifs et les moyens dédiés à l'offre de soins en milieu pénitentiaire (CSP, art. L. 1434-9, 5° nouveau).
Plusieurs articles de la loi du 24 novembre 2009 visent à enrichir et valoriser les fonctions des personnels pénitentiaires et à renforcer leur autorité tout en élargissant leur protection. Ainsi, au-delà de la création d'une réserve civile pénitentiaire destinée à assurer des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la Justice, sont prévues l'élaboration d'un code de déontologie des personnels et l'extension de la protection fonctionnelle.
L'ÉLABORATION D'UN CODE DE DÉONTOLOGIE (ART. 11)
La loi dote les personnels pénitentiaires - surveillance, direction, technique, administratif, d'insertion et de probation - ainsi que l'ensemble des agents et des personnes de droit public ou privé habilitées à intervenir dans les établissements pénitentiaires, d'un code de déontologie du service public pénitentiaire qui sera institué par décret.
L'EXTENSION DE LA PROTECTION FONCTIONNELLE AUX CONCUBINS ET PARTENAIRES DES AGENTS (ART. 16)
La loi étend la protection fonctionnelle dont bénéficient les fonctionnaires et agents publics non titulaires de l'administration pénitentiaire à leurs concubins et aux personnes auxquelles ils sont liés par un pacte civil de solidarité (PACS), lorsque, du fait des fonctions exercées par ces personnels, ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages. Pour mémoire, la protection fonctionnelle consiste en une aide apportée par l'administration dont dépend l'agent, notamment par la prise en charge des honoraires d'avocat, l'apport d'une assistance juridique tout au long de la procédure, l'indemnisation du préjudice subi ou la mise en place de mesures pour favoriser une prise en charge médico-sociale.
L'objectif de cette disposition est de prendre en compte la proximité géographique entre le domicile des agents et l'établissement pénitentiaire, qui expose leurs proches à des menaces ou violences. Mais aussi les évolutions de la structure sociodémographique du personnel de l'administration pénitentiaire, qui connaît une augmentation notable du nombre d'agents liés par un PACS ou en situation de concubinage.
LA CRÉATION D'UNE RÉSERVE CIVILE PÉNITENTIAIRE (ART. 17 À 21)
Afin de renforcer la sécurité et d'assurer des missions de formation des personnes, d'étude ou de coopération internationale, voire d'assister les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation dans l'exercice de leurs fonctions de probation , la loi instaure une réserve civile pénitentiaire exclusivement constituée de volontaires retraités issus des corps de l'administration pénitentiaire. Ces derniers peuvent demander à rejoindre la réserve pendant 5 ans au maximum, dans le cadre d'engagements contractuels de 1 an renouvelable, à compter de la fin de leur lien avec le service, à raison de 150 jours au plus par an. Les périodes d'emploi de ces réservistes, qui doivent remplir des conditions d'aptitude fixées par décret, donnent lieu à indemnisation, selon des modalités qui doivent, elles aussi, être précisées par décret.
Reprenant une récente proposition de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale (8), la loi institue un dispositif d'accompagnement social pour les mères détenues avec de jeunes enfants.
Dans certains départements, il existe des conventions entre le département et l'administration pénitentiaire en vue de définir les mesures d'accompagnement social dont bénéficient ces femmes. Ces conventions permettent notamment de trouver des structures d'accueil de l'enfant (crèche, halte-garderie, assistante maternelle, etc.), de préparer le départ de l'enfant par des séjours progressifs dans son futur lieu de vie, de faciliter les rencontres entre la mère et les accueillants de l'enfant, d'organiser des sorties ou des activités ponctuelles, de prévoir des modes d'accompagnement pour l'enfant afin qu'il sorte de l'établissement et de trouver des financements complémentaires à la participation de la mère.
La loi pénitentiaire reprend le principe de ces conventions et prévoit qu'elles doivent être conclues entre l'établissement pénitentiaire et le département afin de définir l'accompagnement social proposé aux mères détenues avec leurs enfants et de prévoir un dispositif permettant la sortie régulière des enfants à l'extérieur de l'établissement pour permettre leur socialisation.
CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ (ART. 4)
La loi pénitentiaire rappelle le rôle du contrôleur général des lieux de privation de liberté en reprenant, presque mot pour mot, l'article 1er de la loi du 3 octobre 2007 qui l'a institué. L'objectif de cette disposition vise uniquement, selon les rapports parlementaires, à mieux faire connaître l'existence de cette institution.
DÉLÉGUÉS DU MÉDIATEUR DE LA RÉPUBLIQUE (ART. 6)
La loi pénitentiaire dispose que le médiateur de la République désigne, pour chaque établissement pénitentiaire, un ou plusieurs délégués. Les délégués du médiateur de la République sont d'abord intervenus à titre expérimental dans quelques prisons. Puis, une convention, conclue en janvier 2007 entre le ministère de la Justice et le médiateur de la République, a conforté leur rôle en prévoyant la généralisation progressive de leur présence sur tout le territoire (9). Elle a été suivie, quelques mois après, par l'introduction d'un nouvel article D. 187-1 dans le code de procédure pénale, qui prévoit expressément que les délégués du médiateur de la République peuvent exercer leur action auprès de tous les détenus. La loi donne donc valeur législative à l'ensemble du dispositif.
VISITE DES MAGISTRATS DANS LES PRISONS (ART. 10)
La loi pénitentiaire instaure une règle générale et commune selon laquelle le premier président de la cour d'appel, le procureur général, le président de la chambre de l'instruction, le président du tribunal de grande instance, le procureur de la République, le juge des libertés et de la détention, le juge d'instruction, le juge de l'application des peines et le juge des enfants doivent visiter, au moins une fois par an, chaque établissement pénitentiaire situé dans leur ressort territorial de compétence. Jusqu'alors, le code de procédure pénale contenait plusieurs dispositions prévoyant des visites, tantôt obligatoires, tantôt facultatives, d'un certain nombre de magistrats dans les établissements pénitentiaires. Relevons que l'article 727 de ce code, qui prévoyait en partie cette règle, est abrogé (art. 95, IV de la loi).
(1) Les agences régionales de santé, créées par la loi « hôpital, patients, santé et territoires » du 21 juillet 2009, doivent être mises en place au plus tard le 1er juillet 2010 - Voir ASH n° 2629 du 23-10-09, p. 47.
(2) Il s'agit de la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale.
(3) Notamment dans son rapport d'activité 2008 - Voir ASH n° 2606 du 24-04-09, p. 12.
(4) Par exemple, CEDH, 12 juin 2007, requête n° 70204/01, Frérot contre France.
(5) Conseil d'Etat, 14 novembre 2008, requête n° 315622, Philippe Mahmoud El S., disponible sur
(6) Soit 3 ans à compter du 1er janvier suivant la publication de la loi au Journal officiel.
(8) Rap. Inf. A.N. n° 1900, Huet, septembre 2009, disp. sur