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Prise en charge et protection sociale des malades chroniques : les préconisations du HCSP

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Définition restrictive des maladies chroniques, forte progression des dépenses, manque de coordination dans les parcours de soins... sont autant d'obstacles à une prise en charge de qualité des personnes atteintes d'une maladie chronique. Dans un rapport récemment rendu public sur l'amélioration de la prise en charge et de la protection sociale des malades chroniques (1), le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) émet donc une série de recommandations visant à « accompagner, renforcer ou proposer des mesures adaptées au regard [de ces] enjeux ». Des mesures qui sont censées compléter celles du plan pour l'amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladie chronique 2007-2011 (2).

Revoir la définition des maladies chroniques

En France, on dénombrait 15 millions de malades chroniques en 2007 (3), mais environ 9 millions d'entre eux seulement étaient déclarés en affection de longue durée (ALD). Ce dispositif, basé sur l'élaboration d'une liste de pathologies, leur permet de se voir reconnaître le statut de personne atteinte d'une maladie chronique et de bénéficier d'une exonération du ticket modérateur. « Or, regrette le Haut Conseil, si les ALD, simples ou exonérantes, sont presque toujours des maladies chroniques, un certain nombre de ces dernières ne sont pas reconnues comme des ALD, et leur prise en charge est imparfaitement identifiée ». De fait, poursuit-il, la liste des ALD est « hétérogène et dépourvue de cohérence médicale » du fait de la disparité des critères médicaux d'admission dans le dispositif. Aussi l'instance suggère-t-elle d'« utiliser une définition transversale de la maladie chronique telle que proposée par le [plan « maladies chroniques » 2007-2011] ». Ainsi, une maladie ou un état chronique doit se caractériser par : « la présence d'un état pathologique de nature physique, psychologique ou cognitive appelé à durer ; une ancienneté minimale de trois ans, ou supposée telle ; un retentissement sur la vie quotidienne comportant au moins l'un des trois éléments suivants, à savoir une limitation fonctionnelle des activités ou de la participation sociale, une dépendance vis-à-vis d'un médicament, d'un régime, d'un appareillage [ou] la nécessité de soins médicaux ou paramédicaux, d'une aide psychologique, d'une prévention particulière [...] pouvant s'inscrire dans un parcours de soins médico-social. »

Instaurer le bouclier sanitaire pour contenir les dépenses ?

Derrière les problèmes de la qualité et des conditions de la prise en charge, se pose bien sûr la question des enjeux financiers, tant pour l'assurance maladie que pour les assurés. En 2007, les dépenses d'ALD s'élevaient à près de 80 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes et concentraient près de 65 % des remboursements de l'assurance maladie (4). D'ici à 2015, la part des assurés en ALD devrait atteindre 19 % (contre 14 % en 2005) et les dépenses afférentes représenter 70 % des dépenses de l'assurance maladie. En outre, le rapport relève que le dispositif des ALD ne dispense pas leurs bénéficiaires du reste à charge, « parfois très important », relatif aux dépenses sans lien avec l'ALD exonérante. En 2004, il était en moyenne de 1 400 € par an, un montant « supérieur à celui des personnes qui ne bénéficient pas d'un tel régime ». Près de 40 % des personnes en ALD ont toutefois un reste à charge inférieur à 100 € .

Au regard de ces éléments, le HCSP conclut à un « «épuisement» du système actuel » des ALD, un constat déjà établi par la Haute Autorité de santé (HAS) ou encore la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de l'Assemblée nationale (5). Afin de poursuivre les deux objectifs assignés au dispositif des ALD - mécanisme de diminution du reste à charge et outil de la qualité du suivi médical via la protocolisation des parcours de soins -, l'instance estime qu'il est « nécessaire de dissocier les mécanismes d'exonération de reste à charge et les dispositifs de suivi de la prise en charge des personnes atteintes de maladies chroniques. L'élaboration de deux outils distincts devrait, pour le volet social, permettre une juste neutralisation des restes à charge et, pour le volet médical, créer des conditions efficaces d'amélioration du suivi de ces personnes. »

Dans ce cadre, rejoignant la HAS, le Haut Conseil considère que le bouclier sanitaire défendu par Martin Hirsch (5), Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, apparaît comme une « alternative pour la prise en charge financière des personnes atteintes de maladie chronique ». Rappelons que l'idée est de substituer au régime des ALD un plafonnement unique du reste à charge, fonction du revenu de la personne. Ainsi, la prise en charge à 100 % serait déclenchée automatiquement lorsque le reste à charge supporté par l'assuré dépasse un certain montant au cours d'une année civile. Mais à quel niveau serait fixé ce plafond ? L'instance semble pencher pour un plafond ajusté sur les revenus de l'assuré (6), « tout en respectant le principe selon lequel, lorsque la dépense est très lourde, elle reste à la charge de l'assurance maladie à la hauteur de 100 % » (7). Un tel système pourrait permettre, selon elle, de « séparer les aspects financiers et médicaux de la prise en charge » et, par là, de « s'affranchir de la définition de la maladie chronique et de l'élaboration d'une liste exhaustive d'affections pour lesquelles une prise en charge à 100 % est accordée ». Au final, l'ensemble des personnes atteintes de maladie chronique pourrait bénéficier d'une prise en charge dans la mesure où leur reste à charge dépasserait le seuil prévu, « ce qui favoriserait l'équité ». En outre, la charge de travail administratif des médecins s'en trouverait « allégée par la disparition des ordonnanciers bi-zone (8), ce qui devrait libérer du temps pour la prise en charge médicale ». Mais reste à déterminer quelles dépenses pourraient être comptabilisées dans le calcul du reste à charge, souligne le Haut Conseil, considérant la question comme essentielle pour la viabilité de son scénario.

Au-delà, l'instance propose d'autres alternatives, telles que « la gratuité des soins pour certains types de prestations, avec ou sans distinction de public » (9). Elle préconise aussi d'« envisager que l'assurance maladie prenne en charge à 100 % des parcours de soins types établis par pathologie en fonction des recommandations en vigueur ». Ou encore de verser une allocation fixe aux patients, modulée en fonction de la gravité de l'atteinte, « afin de les rendre plus responsables, actifs et libres dans le choix des éléments de prise en charge ».

Mieux coordonner les parcours de soins

Pour le Haut Conseil, « le dispositif ALD ne permet pas toujours une prise en charge médicale optimale des personnes atteintes de maladie chronique », un dispositif devenu « complexe et difficile à comprendre par les personnes concernées ». En outre, « le protocole de soins prévu par le dispositif, qui définit de manière révisable les actes et les prestations nécessaires au traitement de l'affection et précise les obligations imposées à la personne en ALD, est coûteux en temps médical et son contrôle reste mal vécu par les prescripteurs ». L'instance rappelle également que la loi du 13 août 2004 relative à la réforme de l'assurance maladie et la convention médicale des médecins de 2005 ont permis de rémunérer les médecins traitants à hauteur de 40 € par assuré en ALD et par an. Or « ce système de rémunération pousse à l'admission en ALD sans toujours garantir une prise en charge médicale optimale », constate-t-elle. A cela s'ajoute le « manque de coordination dans le parcours de soins », en grande partie lié, selon l'instance, à la « difficulté des médecins généralistes à le mettre en oeuvre », au « manque de partage de l'information » entre les différents professionnels de santé et au « manque d'information et d'éducation de la personne atteinte de maladie chronique ». Le HSCP suggère alors, entre autres, de poursuivre le décloisonnement du système de santé, « notamment en encourageant les expérimentations relatives aux modes de coopération pluridisciplinaires, réseaux et maisons de santé ». Il préconise en outre de développer les activités favorisant l'implication et la maîtrise par le patient de son parcours de soins, en particulier grâce à l'éducation thérapeutique (voir aussi page 14), d'« adapter les protocoles de soins à la sévérité, au stade et à la nature de la maladie » ou encore de renforcer la prévention.

Notes

(1) Rapport disponible sur www.hcsp.fr.

(2) Voir ASH n° 2505 du 27-04-07, p. 5.

(3) Le rapport relève plus largement que 28 millions de personnes reçoivent un traitement médical de manière périodique (au moins six fois par an), pour une même pathologie.

(4) D'après les informations fournies par la caisse nationale d'assurance maladie, le remboursement annuel moyen par personne atteinte d'une maladie chronique en ALD était de 7 068 € en 2004, une dépense sept fois supérieure à celle des autres assurés.

(5) Voir respectivement ASH n° 2535 du 14-12-07, p. 13 et n° 2585 du 5-12-08, p. 15.

(6) Voir ASH n° 2514 du 29-06-07, p. 12.

(7) Selon le Haut Conseil, « avec un bouclier non modulé en fonction des revenus, il apparaît que 70 % des patients en ALD seraient perdants, avec une augmentation de plus de 100 € de leur reste à charge par rapport à la situation actuelle » .

(8) Ce plafond pourrait en outre être fixé « en fonction des besoins de soins des personnes [...] et non directement en fonction de la gravité de l'atteinte puisque le coût de la prise en charge apparaît davantage lié aux recommandations en vigueur qu'à la gravité de l'affection » , souligne l'instance.

(9) L'ordonnancier bi-zone permet de différencier les soins et les traitements en rapport avec une ALD de ceux qui ne le sont pas.

(10) Toutefois, souligne-t-elle, il conviendrait alors de définir le statut de patient atteint de maladie chronique, de mener des réflexions sur les modalités d'entrée et de sortie du dispositif, ainsi que sur le panier de soins.

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