Huit mois tout juste après le dernier texte adopté en la matière (1), une nouvelle proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit est actuellement soumise au Parlement. Adopté en première lecture, le 2 décembre, par l'Assemblée nationale, ce texte ne comporte pas moins de 158 articles. Porté, comme à l'accoutumée, par le député (UMP) des Ardennes, Jean-Luc Warsmann, il s'appuie notamment sur un rapport que le parlementaire a remis en début d'année sur ce sujet (2). Présentation de certaines de ses dispositions intéressant le secteur social.
La proposition de loi entend autoriser les administrations à échanger entre elles toutes informations ou données strictement nécessaires pour traiter les demandes présentées par les usagers, sous réserve d'en informer ces derniers. Dès lors, ils n'auront pas à fournir d'informations qu'ils auront déjà produites auprès de la même administration ou d'un autre participant à ce système d'échanges. Ils devront simplement leur indiquer le lieu et la période de la première production du document sollicité (3).
En outre, lorsqu'une demande adressée à l'administration sera affectée d'un vice de forme ou de procédure faisant obstacle à son examen et qu'il sera possible d'y remédier dans les délais légaux, l'administration devra inviter l'usager à le régulariser. A défaut de décision expresse du service saisi, le délai au terme duquel la demande est réputée rejetée sera suspendu pendant le délai imparti pour régulariser (4). En l'absence de régularisation dans ce délai, aucune décision implicite d'acceptation ne pourrait intervenir.
La proposition de loi veut encore permettre aux autorités administratives d'organiser, à la place des consultations d'organismes prévues par certaines dispositions législatives ou réglementaires, une consultation ouverte permettant de recueillir, principalement sur un site Internet, mais aussi par tout autre moyen, les observations des personnes concernées. Les organismes devant être consultés pourront faire connaître leur avis dans le cadre de cette consultation ouverte. Selon l'exposé des motifs du texte, « cette mesure permettra d'améliorer les modalités d'adoption de certaines décisions administratives et d'accélérer certains délais de traitement en évitant à l'autorité administrative de devoir attendre - parfois plusieurs mois - la réunion d'une commission consultative » (5).
La proposition de loi procède également à l'harmonisation des dispositions de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Ainsi, tout comme les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI), ceux du revenu de solidarité active (RSA) devront respecter un délai de préavis de un mois en cas de congé donné au bailleur (contre trois mois pour les autres).
Par ailleurs, dans une circulaire du 26 juin dernier, la chancellerie indiquait que la dispense de justifier de l'insuffisance des ressources accordée aux titulaires du RMI pour bénéficier de l'aide juridictionnelle n'était pas étendue à ceux du RSA, la loi du 1er décembre généralisant ce dernier n'ayant pas prévu cette extension. Le secteur s'était alors insurgé face à cette injustice (6). Pour réparer ce « couac », la proposition de loi modifie donc la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique afin que les bénéficiaires du RSA dont les ressources n'excéderaient pas le montant forfaitaire (454,63 € par mois jusqu'au 31 décembre) (7) soient aussi dispensés de justifier de l'insuffisance de leur ressources pour bénéficier de l'aide juridictionnelle.
La loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures
a prévu de confier au juge aux affaires familiales à compter du 1er janvier 2010 les fonctions de juge des tutelles des mineurs, actuellement dévolues au juge d'instance. En septembre dernier, la chancellerie décidait de reporter ce transfert de compétences au 1er janvier 2011 en raison des difficultés matérielles qu'il était susceptible d'occasionner (redéploiements d'effectifs, déménagements de dossiers et d'archives, aménagements de locaux...). Décision que la proposition de loi entend aujourd'hui entériner. En toute cohérence, cette dernière prévoit également de différer à cette même date la modification de l'article L. 221-9 du code de l'organisation judiciaire qui fixe les nouvelles fonctions du juge des tutelles (8).
En outre, selon la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, les personnes physiques qui étaient précédemment habilitées pour exercer la tutelle ou la curatelle d'Etat, la gérance de tutelle en qualité d'administrateur spécial et la tutelle aux prestations sociales avaient au plus tard jusqu'au 1er janvier 2011 pour se conformer aux conditions d'agrément désormais nécessaire pour exercer les fonctions de mandataire judiciaire à la protection des majeurs. La proposition de loi porte cette échéance au 1er janvier 2012.
Aujourd'hui, les personnes handicapées doivent s'adresser aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) pour l'évaluation de leurs besoins de compensation et de leur incapacité permanente, évaluation au regard de laquelle les MDPH leur proposent un plan personnalisé de compensation du handicap. La rédaction actuelle de l'article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles, qui prévoit cette procédure, laisse entendre que la réalisation de ce plan s'impose dans tous les cas où une personne vient solliciter un droit ou une prestation. Aussi la proposition de loi veut-elle rendre optionnel la réalisation de ce plan, en stipulant qu'il pourra être établi soit à l'initiative de la MDPH, soit sur demande de l'intéressé ou de son représentant légal.
Par ailleurs, une carte d'invalidité peut actuellement être délivrée à titre définitif ou pour une durée déterminée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est au moins de 80 % ou qui a été classée en 3e catégorie de la pension d'invalidité de la sécurité sociale. Afin, selon le rapporteur de la loi, Etienne Blanc, de « simplifier la vie des personnes handicapées et de leur famille en évitant de soumettre à renouvellement la carte d'invalidité lorsque leur handicap n'est pas susceptible de connaître une évolution favorable » (Rap. A.N. n° 2095, tome I, Blanc, page 114), les députés proposent de la délivrer à titre définitif, notamment lorsque le handicap peut être considéré comme définitif suivant des référentiels définis par décret.
Enfin, la proposition de loi facilite la délivrance de la carte de stationnement pour les personnes handicapées, en prescrivant désormais un délai maximal de deux mois au préfet pour la leur délivrer. Jusqu'à ce jour, aucun délai ne lui était fixé, occasionnant, dans la pratique, de longs délais d'instruction des demandes (environ quatre mois pour les adultes et trois mois pour les enfants). A défaut de réponse du représentant de l'Etat dans le délai imparti, précise encore le texte, la carte sera délivrée au demandeur.
Malgré la grogne du secteur (9), les députés ont adopté un amendement visant à faciliter la création des fichiers de police. Alors qu'une loi est aujourd'hui nécessaire pour les créer, la proposition de loi précise que les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et qui intéressent la sûreté de l'Etat ou la défense pourront l'être par arrêté. En outre, les traitements relatifs à la sécurité publique ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou des mesures de sûreté ne pourraient, quant à eux, être autorisés qu'à la condition de répondre à l'une ou plusieurs des 11 finalités listées par la proposition de loi.
(3) Toutefois, lorsque ce document ne pourra être obtenu directement auprès d'une autre autorité administrative, l'usager devra le lui communiquer.
(4) La régularisation de la demande avant l'expiration de ce délai met fin à cette suspension.
(5) Demeureront toutefois obligatoires les consultations concernant une autorité administrative indépendante, celles qui requièrent un avis conforme, celles qui concernent l'exercice d'une liberté publique, celles qui constituent une garantie d'une exigence constitutionnelle, celles qui traduisent un pouvoir de proposition et celles mettant en oeuvre le principe de participation.
(7) Sur les montants applicables depuis le 1er juin, voir ASH n° 2616 du 3-07-09, p. 45.
(8) C'est-à-dire la sauvegarde de justice, la curatelle, la tutelle des majeurs et la mesure d'accompagnement judiciaire ; les actions relatives à l'exercice du mandat de protection future ; les demandes formées par un époux, lorsque son conjoint est hors d'état de manifester sa volonté, aux fins d'être autorisé à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de ce dernier serait nécessaire, ou aux fins d'être habilité à le représenter ; la constatation de la présomption d'absence.