Quand la cora rencontra le biniou

Collectif de chercheurs travaillant depuis vingt ans sur les représentations et les imaginaires coloniaux et postcoloniaux, ainsi que sur les immigrations des « Suds » en France, ACHAC a récemment publié une anthologie de l'histoire des migrations coloniales sur le territoire hexagonal, soit huit ouvrages rassemblés dans un coffret(1), conçus en partenariat avec de nombreuses institutions, collectivités territoriales, associations, etc. Riche de cette matière, ACHAC a mis au point des expositions itinérantes retraçant un siècle d'immigration dans les régions françaises. Actuellement présentée à Rennes, « Bretagne, porte des outre-mers » propose, sur douze panneaux de 2 x 2 mètres, à travers une riche iconographie (photographies, affiches publicitaires, cartes postales, etc.) et des textes rédigés par des historiens, un regard sur les vagues migratoires qui ont traversé deux conflits et les Trente Glorieuses, et sont aujourd'hui une composante essentielle de l'identité de la Bretagne. Qui fut le premier maire noir ? Qu'ont Bécassine et Banania en commun ? Où furent installés les « villages noirs » ? « Parler de l'immigration de façon pédagogique permet de casser des tabous, explique Pascal Blanchard, d'ACHAC. Un important travail a été réalisé par des historiens pour être à la fois précis et facile d'accès. Les Bretons vont découvrir une histoire commune dont la plupart ont oublié les traces. » En effet, la Bretagne est liée depuis des siècles aux outre-mers. Depuis le XIX^e siècle, lignes de commerces, produits coloniaux et voyageurs traversent les principaux ports de la côte Atlantique. Très vite, cette présence se double de l'arrivée, dans les villes, les campagnes et sur les quais, de femmes et d'hommes venus de l'Extrême-Orient, du Maghreb, du Levant, des Caraïbes et d'Afrique noire. Toutes les identités et les destins se croisent dans cette péninsule qui a connu des flux migratoires certes moins importants et plus tardifs qu'ailleurs, mais aux particularismes forts.