L'entrée en vigueur au 1er décembre du traité de Lisbonne aura-t-elle un impact sur la reconnaissance des services sociaux dans le cadre du marché intérieur de l'Union ? Du fait du refus de la Commission européenne de proposer une directive spécifique sur les services sociaux d'intérêt général (SSIG), ceux-ci sont soumis au droit communautaire applicable aux services d'intérêt économique général (SIEG). Et tout l'enjeu pour le collectif SSIG est d'obtenir une adaptation de ce droit aux spécificités d'organisation et de financement des services sociaux. En ce sens d'ailleurs, sa stratégie diffère de celle de l'association MP4-champ social, qui milite pour obtenir au niveau communautaire le reclassement des SSIG dans la catégorie des services non économiques d'intérêt général (SNEIG).
« Le nouveau traité contribue à renforcer la protection des missions de service public des seules forces du marché », se félicite le collectif SSIG. Tout d'abord, il donne pouvoir au Parlement européen et au Conseil, sur proposition de la Commission, d'établir, par voie de règlements, les principes et les conditions permettant aux SIEG d'accomplir leurs missions d'intérêt général (voir ce numéro, page 19). Le traité reconnaît par ailleurs, dans la charte des droits fondamentaux de l'Union, que l'accès aux SIEG est un droit fondamental de même valeur que les règles relatives à la concurrence et au marché intérieur. Enfin, le protocole annexé (de même valeur que le traité) vient limiter l'action de l'Union européenne en matière de SIEG. Il affirme « le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser ces services d'une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs ».
Alors que la France doit transposer la directive « services » avant fin décembre, cette disposition apparaît particulièrement importante. La directive exclut en effet de son champ les services sociaux relatifs au logement social, à l'aide à l'enfance et à l'aide aux familles et aux personnes dans le besoin à condition qu'ils soient assurés dans le cadre d'un acte de mandatement. Ainsi certains services comme les établissements d'accueil de jeunes enfants ne peuvent, du fait que leur autorisation d'ouverture est délivrée par le conseil général, être considérés comme mandatés. Et devraient donc être soumis aux règles du marché intérieur, comme s'en était inquiétée l'Uniopss (1). Or, avec le traité de Lisbonne et son nouveau protocole, rien n'empêche un conseil général d'adopter une délibération (2) visant à qualifier explicitement les établissements d'accueil de jeunes enfants de son département de « services sociaux d'intérêt général » et à mandater expressément leurs opérateurs (3). Le collectif SSIG appelle donc les autorités nationales, régionales et locales à faire bon usage de « leur large pouvoir discrétionnaire ». Par ailleurs, il demande à l'Etat, dans le cadre de la transposition de la directive « services », d'exclure a priori de celle-ci tous les services sociaux relatifs au logement social, à l'aide à l'enfance, aux familles et aux personnes dans le besoin au motif qu'ils peuvent être mandatés au niveau territorial ou local ou dans le cadre, par exemple, des financements obtenus de la CNAF. Ce qui va au-delà des propositions formulées par la DGAS.
Cette exigence de mandatement est également incontournable pour permettre à la France de se mettre en conformité avec la réglementation européenne des aides d'Etat, qui impose que les aides versées aux services sociaux se limitent à compenser les coûts des obligations de services publics. Ce qui n'est pas le cas avec le système de subventionnement. C'est pourquoi le gouvernement devrait présenter, le 17 décembre, lors de la Conférence nationale de la vie associative, une convention de partenariat d'intérêt général, qui introduit la notion de contrôle de juste compensation. Ses modalités sont encore en discussion entre le cabinet du Premier ministre et les associations.
(1) Sur ses inquiétudes et la réponse de la DGAS, voir ASH n° 2634 du 27-11-09, p. 24.
(2) Le collectif a par ailleurs mis en ligne une délibération-type téléchargeable sur
(3) Le mandatement impose des obligations plus fortes que le régime d'autorisation et laisse moins d'autonomie aux prestataires, qui doivent fournir le service conformément aux obligations de service public.