Il y a deux ans, le gouvernement espérait avoir réglé l'épineux dossier des travailleurs sans papiers avec la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, en ouvrant à ces derniers la possibilité d'obtenir, en faisant notamment valoir des « motifs exceptionnels », une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » pour certains métiers (1). Une nouvelle voie de régularisation par le travail ouverte non seulement aux étrangers non encore employés et munis d'une promesse d'embauche, mais aussi à ceux qui, en situation irrégulière, sont déjà employés, sous certaines conditions d'ancienneté du séjour en France et dans l'entreprise. Mais cet automne, durant plusieurs semaines, des travailleurs sans papiers réunis au sein d'un front syndical et associatif ont multiplié les actions pour dénoncer les disparités de traitement des demandes selon les préfectures. Pis encore pour le gouvernement, le Conseil d'Etat a annulé le 23 octobre dernier la circulaire du 7 janvier 2008 dans laquelle le ministère de l'Immigration précisait les conditions à remplir pour bénéficier de cette nouvelle voie de régularisation par le travail (2). La Haute Juridiction lui reprochait en particulier d'avoir subordonné la recevabilité des demandes de régularisation à la présentation, par l'étranger, d'une promesse d'embauche dans l'un des 30 métiers ouverts aux ressortissants des pays tiers. Une restriction non prévue par la loi. Eric Besson avait toutefois anticipé cette annulation, travaillant à un nouveau texte avec les organisations syndicales. Il a présenté cette circulaire le 25 novembre devant la presse (3). Un « document de synthèse des bonnes pratiques des services instructeurs » l'accompagne (4).
Ce dernier comprend un certain nombre d'indications portant en particulier sur les motifs exceptionnels justifiant une régularisation par le travail et qui, sans être « de nature à restreindre le pouvoir discrétionnaire dont les autorités préfectorales disposent pour procéder, au vu de l'examen individuel de chaque dossier, à l'admission exceptionnelle au séjour » de clandestins, sont susceptibles « d'apporter d'utiles éclairages ». L'objectif affiché est, autrement dit, d'uniformiser l'attitude des préfectures vis-à-vis des demandes de régularisation de salariés sans papiers.
« Il ne s'agit en aucun cas d'une régularisation massive », a insisté Eric Besson. « Il n'y a pas de modification des principaux critères de l'admission exceptionnelle au séjour », lesquels ont simplement été « clarifiés ». Selon le ministre, le dispositif pourrait concerner « entre 500 et 1 000 personnes, embauchées avant le 1er juillet 2008, date à partir de laquelle les employeurs ont eu l'obligation de vérifier les titres de séjour des étrangers qu'ils embauchent ».
Tout en notant des avancées, les syndicats et les associations ont, de leur côté, affiché leur déception (voir ce numéro, page 24).
Les préfectures sont appelées à prendre en considération « avec bienveillance » cinq motifs exceptionnels cumulatifs. Et en premier lieu, « une durée significative de séjour habituel en France ». A cet égard, une période « au moins égale à cinq ans paraît souvent suffisante au regard des autres critères », indique le document de synthèse.
L'exercice, actuel et à venir, d'un emploi déclaré dans un métier et une région caractérisés par des difficultés de recrutement est également regardé généralement « de manière particulièrement bienveillante ». Précision du ministère : un métier figurant sur la liste des 30 métiers ouverts aux ressortissants de pays tiers - déclinée par régions - doit être regardé comme présentant de ce seul fait des difficultés de recrutement justifiant la non-opposabilité de la situation de l'emploi. Il en est de même des métiers mentionnés en annexe des accords de gestion concertée des flux migratoires. En dehors de ces professions, les difficultés de recrutement sont appréciées par les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en fonction de la situation de l'emploi régional, compte tenu du nombre de demandes et d'offres déposées au cours du trimestre, du taux d'écoulement de ces offres et de leur taux de satisfaction, indique le ministère. L'activité concernée « peut figurer, ou non, sur la liste [...] des 150 métiers » en mal de main-d'oeuvre ouverts aux ressortissants des derniers pays à avoir rejoint l'Union européenne. L'examen des demandes de régularisation se fait en tout état de cause « au cas par cas » et « ne saurait reposer sur une liste des métiers arrêtée localement » par les préfectures, souligne la circulaire.
Autre critère de régularisation : l'ancienneté dans l'entreprise. Une ancienneté « égale ou supérieure à 12 mois dans l'entreprise, ou dans une entreprise du même groupe » est ainsi généralement prise en compte tout comme « la circonstance que l'embauche a été antérieure au 1er juillet 2008 », indique le document de synthèse.
La nature du contrat de travail ou d'une promesse d'embauche peut également avoir une influence. Le ministère de l'Immigration explique, à cet égard, qu'une stabilité professionnelle et un niveau suffisant de ressources résultent généralement d'un contrat de travail à durée indéterminée ou d'au moins 12 mois, assorti d'une « rémunération mensuelle respectant les conventions collectives applicables au métier considéré et au moins égale, même en cas d'emploi à temps partiel, au salaire minimal mensuel ».
Enfin, les capacités d'intégration du demandeur sont également prises en compte. « Sans que leur absence soit préjudiciable » à l'intéressé, sont ainsi « souvent considérés comme éléments manifestant une volonté d'intégration les conditions de logement ou d'hébergement, la déclaration de revenus et, en cas d'imposition, le paiement des impôts correspondants, l'acquittement d'impôts locaux, la participation assidue à une formation linguistique en français ou encore toute participation active à une forme de vie sociale ».
Les critères ci-dessus s'appliquent également aux métiers de services aux particuliers et aux collectivités, ainsi qu'aux intérimaires, sous réserve toutefois des précisions apportées dans le document de synthèse.
S'agissant, en premier lieu, des services aux particuliers et aux collectivités (qui couvrent notamment les emplois à domicile et les intervenants auprès d'enfants), le ministère indique qu'il admet la pluralité d'employeurs. Il évoque par ailleurs les professions réglementées et plus précisément les métiers soumis à agrément ou autorisation. La réglementation ne permet pas en principe de régulariser dans ces emplois, sans qu'elles disposent des agréments ou des autorisations requis par les textes, les personnes qui les auraient exercés illégalement (c'est-à-dire sans agrément ni autorisation ou avec agrément ou autorisation obtenus frauduleusement). Néanmoins, indique le document, il est possible, au titre de la procédure de régularisation, de « prendre en compte, pour l'exercice à venir d'une activité non soumise à autorisation, l'exercice passé et déclaré, pendant au minimum 12 mois, d'une activité soumise à autorisation ». Enfin, concernant les intérimaires, les exigences d'ancienneté dans l'emploi sont assouplies. Est ainsi souvent prise en compte une présence personnelle du demandeur, sur une période de 18 mois précédant le dépôt de la demande d'admission exceptionnelle au séjour, dans l'intérim ou dans une autre activité salariée, attestée par des bulletins de salaire correspondant au moins à 12 SMIC mensuels, dont au moins 910 heures de travail dans l'intérim.
(3) Circulaire n° NOR IMIK0900092C du 24 novembre 2009, disp. sur
(4) Ce document de synthèse est disponible sur