Le 26 novembre, les parlementaires ont définitivement adopté la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2010. Une adoption qui intervient, pour la deuxième année consécutive, dans un contexte de crise financière. Si aucun effort supplémentaire n'est demandé aux assurés, le gouvernement entend malgré tout limiter l'aggravation du déficit du régime général de la sécurité sociale - qui devrait s'élever à 30,5 milliards d'euros l'année prochaine -, en particulier en renforçant ses politiques de lutte contre la fraude et de maîtrise médicalisée des dépenses.
Globalement, les dispositions du projet de loi initial (1) n'ont été que peu modifiées. Ainsi, comme prévu, le taux de progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie a été fixé à 3 % en 2010 (contre + 3,4 % en 2009), celui de ses sous-enveloppes (soins de ville, médico-social...) restant également inchangé. Pas de bouleversement majeur non plus en ce qui concerne les autres mesures, telles que la majoration de durée d'assurance pour les mères (2). En revanche, le texte, dont le nombre d'articles a tout de même doublé au cours des débats, s'est enrichi notamment de dispositions en faveur des personnes handicapées et des établissements d'accueil de jeunes enfants (EAJE) détaillées ci-après.
A noter : les députés socialistes ont saisi le Conseil constitutionnel d'un « recours blanc » contre la loi, lui laissant le soin de soulever les dispositions susceptibles d'être censurées.
La LFSS pour 2010 prévoit que les frais de transport entre le domicile et l'établissement des personnes adultes handicapées fréquentant en accueil de jour les maisons d'accueil spécialisées (MAS) et les foyers d'accueil médicalisé seront désormais inclus dans les dépenses d'exploitation de ces établissements et financés par l'assurance maladie. Objectif : « sécuriser la prise en charge de ces transports et en limiter le reste à charge pour les familles ». Jusqu'à présent, en l'état des textes, les frais de transport ne pouvaient en effet être pris en charge par les caisses primaires d'assurance maladie qu'à titre dérogatoire.
Dans l'optique de préserver le reste à vivre des personnes handicapées, le texte stipule que le paiement du forfait journalier dont elles doivent s'acquitter pour être accueillies dans les MAS ne pourra conduire à faire descendre leurs ressources au-dessous d'un minimum fixé par décret et par référence à l'allocation aux adultes handicapés.
Au-delà d'un certain nombre de mesures concernant les assistants maternels, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 contient quelques dispositions relatives aux conditions d'agrément des établissements d'accueil de jeunes enfants (moins de 6 ans). Leur création est actuellement soumise à l'autorisation du président du conseil général, la demande étant instruite par les services de la protection maternelle infantile (PMI) qui fixent notamment les modalités d'accueil, les prestations proposées, les conditions de fonctionnement ainsi que les capacités d'accueil de l'établissement. En pratique, explique un rapport parlementaire, « dans certains départements, la PMI définit des capacités d'accueil uniformes, sans tenir compte des variations prévisibles de la présence des enfants en fonction des périodes de l'année, de la semaine ou de la journée. Or la participation financière des caisses d'allocations familiales aux frais de fonctionnement des EAJE est conditionnée à un taux de remplissage moyen fixé à 70 %. » Aussi les gestionnaires de crèches ont-ils été incités, « pour des raisons de rentabilité financière, à n'ouvrir l'établissement qu'aux heures de forte affluence, ce qui les a conduit à limiter l'amplitude horaire de l'accueil ». Pour pallier cette difficulté, la LFSS pour 2010 stipule donc que l'autorisation requise pour créer un tel établissement ou service doit prévoir, à la demande de son responsable, des capacités d'accueil différentes suivant les périodes de l'année, de la semaine ou de la journée, compte tenu des variations prévisibles des besoins d'accueil. Une disposition qui permet la délivrance d'« agréments modulés » et favorise ainsi l'élargissement des horaires d'accueil tout en respectant le taux de remplissage (Rap. Sén. n° 90, tome VII, Vasselle, page 218).
Par ailleurs, la loi harmonise les critères d'autorisation des EAJE. Jusqu'alors, la demande d'autorisation devait répondre à des critères énumérés à l'article L. 2324-1 alinéa 4 du code de la santé publique (qualification ou expérience professionnelle, moralité et aptitude physique des personnels, conditions d'installation et de fonctionnement). Mais ces critères pouvaient être adaptés par les services de PMI, ce qui a conduit certains d'entre eux à « relever les exigences de sécurité, d'une manière parfois contestable » et a eu pour effet de « renchérir le coût de fonctionnement des EAJE, et donc de limiter le développement des capacités d'accueil de ces structures » (Rap. Sén. n° 90, tome VII, Vasselle, pages 219-220). Aussi la LFSS pour 2010 précise-t-elle que désormais les seules conditions exigibles pour obtenir l'autorisation sont celles fixées par décret. Autrement dit, seuls les critères définis au niveau national pourront être opposables aux responsables de crèches. A cette occasion, la loi clarifie les missions du médecin responsable du service départemental de PMI, chargé du contrôle des EAJE, en précisant qu'il devra s'assurer du respect de l'application de ces critères d'agrément.
Au cours des débats au Parlement, le dispositif de lutte contre les fraudes, notamment à l'assurance maladie, a été renforcé. Ainsi, par exemple, la LFSS pour 2010 transfère aux caisses primaires d'assurance maladie, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, le contrôle des arrêts de travail dus à une maladie d'origine non professionnelle de certains agents titulaires des fonctions publiques territoriale, hospitalière et de l'Etat (3). Objectif : mieux lutter contre les arrêts de travail injustifiés dans ce secteur où la politique de contrôle est « moins développée », relève le gouvernement. Cette expérimentation s'appliquera aux arrêts prescrits pour une durée inférieure à six mois consécutifs et n'ouvrant pas droit au régime des congés de longue maladie ou de longue durée prévue dans la fonction publique. Le contrôle portera à la fois sur le critère médical des arrêts et sur les heures de sortie autorisées. Ainsi, lorsque les caisses constateront que l'arrêt de travail n'est pas ou plus médicalement justifié ou que l'intéressé s'absente de son domicile en dehors des heures de sortie autorisées pour des raisons non justifiées par des soins ou des examens médicaux, elles en informeront l'administration concernée, leur avis s'imposant à elle. Dans le premier cas, l'administration pourra enjoindre le fonctionnaire de reprendre sans délai ses fonctions sous peine d'interruption du versement de sa rémunération. Dans le second cas, elle pourra retenir une partie de sa rémunération, dans la limite de 50 % (4).
Enfin, dans le droit-fil du plan national contre le travail illégal 2010-2012 dont les grandes lignes ont été récemment présentées par le ministre du Travail et des Relations sociales (voir ce numéro, page 14), la LFSS pour 2010 instaure des sanctions en cas de dissimulation d'emploi salarié et d'activité. L'employeur s'exposera en effet à l'annulation - dans les conditions de l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale - des exonérations et réductions de cotisations et contributions sociales applicables aux rémunérations versées aux salariés employés pour chacun des mois au cours desquels il est constaté qu'il a participé au délit de travail dissimulé en qualité de complice de son sous-traitant.
(3) Pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière, l'expérimentation s'appliquera aux agents titulaires relevant d'établissements de santé publics ou de collectivités territoriales volontaires pour y participer et répondant aux critères du nombre de fonctionnaires minimal fixé par une convention-cadre nationale conclue entre le ministre chargé de la sécurité sociale et celui des collectivités locales ou de la santé.
(4) Ces décisions pourront être contestées par les voies de recours gracieux ou hiérarchique et de recours contentieux devant la juridiction administrative compétente.