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E n réponse à la lettre de mission à lui adressée en février par le président de la République, Yazid Sabeg, commissaire à la diversité et à l'égalité des chances, lui a remis, en mai 2009, un programme d'actions et de recommandations comportant 76 propositions articulées autour de trois idées directrices : miser sur la jeunesse, promouvoir la diversité et lutter contre les discriminations, mettre au jour un « new deal » de la politique de la ville(1). Pour importantes et convaincantes que soient les propositions concernant l'emploi des jeunes, la formation en alternance, la validation des acquis, la rénovation des dispositifs d'orientation, l'aménagement de l'accès aux grandes écoles, ainsi que celles qui concernent la prolongation et l'accélération des programmes de rénovation et de désenclavement des quartiers défavorisés, et la promotion du logement social, ce sont les propositions relatives à la diversité et à la lutte contre les discriminations qui constituent la dimension la plus originale de ce programme. Le travail entrepris, conformément aux orientations dessinées par Yazid Sabeg, par le Comité pour la mesure et l'évaluation de la diversité et des discriminations (Comedd), placé sous la présidence de François Héran, directeur de l'INED, devrait permettre de surmonter, au moins en partie, les préventions au nom desquelles on s'est, jusqu'à présent, refusé à mesurer les discriminations à raison des origines, notamment nationales, ou de nature parente. Et cela sans que la République en souffre, car compter, si l'on entend prendre les précautions nécessaires, n'est pas ficher ni stigmatiser. C'est se donner les moyens d'agir. Inscrire les actions en faveur de la diversité dans le bilan social des entreprises fait également partie des démarches qui sont de nature à mettre fin aux jeux de cache-cache, et dont j'avais personnellement conseillé la promotion dans le rapport sur les stratégies institutionnelles de lutte contre les discriminations, remis en 1999 à Madame Aubry.

Il n'est malheureusement pas sûr, c'est un euphémisme, qu'au mûrissement de cette ambitieuse stratégie le « grand débat sur l'identité nationale » - dont une toute récente circulaire, envoyée le 2 novembre aux préfets par le ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire, et assortie d'un guide des débats, a souhaité préciser le calendrier et les modalités - apporte un concours décisif. Ce n'est pas, en effet, en s'appesantissant, comme le fait ce document, sur « les préoccupations soulevées par la résurgence de certains communautarismes, dont l'affaire de la burqa est l'une des illustrations » que l'on pacifiera les crispations et les agressivités auxquelles la différence persiste à donner naissance... Elle persisterait d'ailleurs sans doute moins à le faire sans le « ton manifestement négatif » du « discours » ou du « débat public », comme le commente savoureusement la commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) du Conseil de l'Europe. Ce n'est pas non plus en maniant l'épouvantail de l'immigration clandestine et en n'y proposant d'autres alternatives qu'une immigration totalement maîtrisée et une intégration-adhésion contrainte que l'on aidera l'opinion à mesurer la complexité des stratégies qu'appelle, dans le contexte de la mondialisation, la mise au jour d'un véritable équilibre entre, d'une part, les aspirations migratoires des populations du Sud et les inquiétudes des sociétés du Nord et, d'autre part, les revendications identitaires, également légitimes, y compris dans le contexte migratoire, des unes et des autres.

Est-on bien sûr, au surplus, qu'il soit aisé de faire aujourd'hui prévaloir, aux yeux de l'opinion internationale - celle du Sud aussi, et pas seulement celle du Nord -, que l'on aspire à une immigration choisie, c'est-à-dire élitiste, quand hier, ou avant-hier, celle que l'on recrutait en Afrique du Nord ou en Europe du Sud l'était de préférence en milieu analphabète (il ne fallait pas, au début des années 1960, montrer que l'on parlait français si l'on voulait être recruté par les houillères, on risquait d'être écarté comme potentiel meneur) ? Et, pour que le poids des migrants du Sud contenus à ses frontières n'en vienne pas, un jour, à faire exploser les barrages artificiellement élevés par l'Europe, pour éviter aux générations futures de trop graves affrontements, dont on ne peut dire qui sortirait vainqueur, ne vaudrait-il pas mieux accepter à tout le moins un goutte-à-goutte, une sorte d'exutoire ? Si l'on se résout, à plus ou moins brève échéance, sans beaucoup d'humanisme - ce n'est pas grave -, mais avec un regrettable manque d'esprit prospectif - ça l'est davantage -, à couler au fond les bateaux de migrants clandestins en Méditerranée ou dans l'Adriatique, comme certains en acceptent l'augure(2), il faut savoir quel sera, un peu plus tard, le prix à payer.

Notes

(1) Voir ASH n° 2609 du 15-05-09, p. 16.

(2) A l'image de Nick Griffin, député européen et chef du British National Party.

Le Point de vue de...

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