La concertation a incontestablement porté ses fruits, même si tout reste à faire pour la mise en oeuvre et que d'autres défis majeurs sont à relever, notamment en matière de prévention et de logement. C'est en substance le sentiment des acteurs du terrain, après l'annonce des 20 mesures pour refonder l'accueil des personnes sans abri ou mal logées, le 10 novembre, par le secrétaire d'Etat au logement (1). Ils estiment que la définition d'un schéma qu'ils appelaient de leurs voeux ne doit pas dédouaner le gouvernement d'avoir une ambition globale pour lutter contre l'exclusion du logement, avec des moyens suffisants.
« Pour réussir, une telle réforme doit pouvoir s'appuyer sur l'ensemble des ministères et sur un consensus des élus locaux », a réagi Nicole Maestracci, présidente de la FNARS (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale) dans Le Monde du 12 novembre. Un pilotage interministériel, la prévention des situations de précarité et l'élaboration d'un plan stratégique pluriannuel font partie, selon elle, des conditions de réussite de cette « refondation ». Pour l'association, cette ambition nécessiterait aussi de fixer « des objectifs réalistes de résultat ».
La logique de « logement d'abord » promue par le secrétaire d'Etat ne pourra être effective, ajoute Christophe Robert, directeur des études de la Fondation Abbé-Pierre, « si l'hébergement continue de jouer le rôle d'amortisseur » à la crise du logement. « Mobiliser davantage les partenaires, comme le contingent préfectoral et le 1 %, pourra être un levier mais ne créera pas de logements supplémentaires », commente-t-il, pointant la diminution de la contribution de l'Etat au logement social : « pour 2010, sa subvention aux logements PLUS [prêt locatif à usage social] passe de 2 700 à 1 000 € . » Inutile, face aux carences en matière de logement, d'instaurer un travailleur social « référent » comme le préconise le plan ministériel, proteste même le « collectif des mal-logés en colère » : « L'immense majorité des mal-logés sont suivis par des travailleurs sociaux [qui] ne peuvent que constater la pénurie de HLM. »
Les moyens de l'hébergement ne sont en outre pas jugés suffisants. Si « les bonnes questions sont posées, estime Didier Cusserne, délégué général d'Emmaüs, il n'y a aucune appréciation des besoins ». Il en veut pour preuve les 5 481 places d'urgence prévues cet hiver, qu'il faudrait à ses yeux pérenniser. Alors que le SAMU social a été confronté l'hiver dernier à une augmentation de 30 % des demandes d'hébergement sans solution, « l'Etat reconduit son plan hivernal sans augmentation significative des capacités d'accueil dans la capitale », pointe, quant à elle, la Ville de Paris.
L'idée de recourir à 2 000 jeunes en « service civique volontaire » pour les missions d'accueil et d'urgence est, elle, très contestée, car en contradiction avec la nécessité de professionnaliser le secteur. Reste encore, pointe Jeanne Dietrich, conseillère technique à l'Uniopss, des inquiétudes sur le terme de « service public de l'hébergement et de l'accès à l'hébergement », malgré les assurances du secrétaire d'Etat, selon lequel il ne s'agira pas de transformer les associations en délégataires de service public, mais de leur confier des missions d'intérêt général (2). « Nous resterons attentifs à ce que cette notion politique ne glisse pas vers une notion juridique », souligne-t-elle.