Fêter le 20e anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant, certes, mais que sait-on de sa portée, notamment auprès de ceux qui participent à l'élaboration des politiques publiques ? Pour y répondre, la Fondation pour l'enfance et l'Unicef ont demandé à l'institut TNS Sofres de réaliser un sondage auprès du grand public ainsi que deux études auprès des parlementaires (1). Si la quasi-totalité des députés et sénateurs (98 %) ayant répondu à l'enquête connaît la convention (contre 32 % du grand public), 43 % y ont déjà fait référence, mais 55 % ne la connaissent que de nom. Peu la maîtrisent dans ses détails : le texte est davantage perçu comme un repère que comme un outil. Le processus d'évaluation de l'application de la convention est en outre plus méconnu : 54 % des répondants ne sont pas informés de son existence. « Ce qui apparaît comme le plus dommageable, car ils assurent ce rôle de contrôle de l'application de la convention », commente Nathalie Serruques, responsable « mission Enfance en France » à l'Unicef. La plupart ignorent d'ailleurs que la France a été auditionnée en mai dernier par le Comité des droits de l'enfant de l'ONU.
Seule une minorité de députés et de sénateurs classe les droits de l'enfant au rang de priorité. Ceux-ci arrivent en onzième position, derrière les autres préoccupations économiques et sociales, comme le chômage et l'emploi, les inégalités sociales, le logement, les déficits publics. « Ce qui n'est pas très étonnant au vu du contexte actuel, mais aussi parce que certains sujets sont croisés, poursuit Nathalie Serruques. Cela montre aussi que les droits de l'enfant, sujet différent de celui de la protection de l'enfance, sont difficiles à approcher en droit interne. » Alors que 22 % des parlementaires estiment que les droits de l'enfant sont mal respectés en France, 68 % jugent la situation satisfaisante (dont 8 % tout à fait), davantage que pour les droits des étrangers, des personnes homosexuelles, la liberté de la presse, mais moins que pour les droits de l'Homme (80 %). Parmi les droits jugés les mieux appliqués : le droit d'aller à l'école (92 %). Les droits d'être protégé, d'être entendu dans les procédures judiciaires, de vivre dans des conditions décentes figurent en revanche en bas du classement.
La prise en compte des droits de l'enfant dans les travaux parlementaires est jugée suffisante pour 61 % des députés et parlementaires, dont seuls 7 % jugent que ces droits sont tout à fait pris néanmoins en considération. 32 % estiment qu'ils ont déjà eu à arbitrer entre les droits de l'enfant et d'autres exigences. Paradoxalement, alors qu'ils ne connaissent pas les mécanismes de contrôle de son application, ils sont 31 % à se trouver mieux placés pour garantir l'application de la convention, devant le défenseur des enfants (27 %), le Parlement européen (26 %), les associations (26 %) et les magistrats (26 %).
Les élus ont été aussi interrogés sur l'opportunité de créer une délégation parlementaire aux droits de l'enfant. 75 % sont favorables à cette idée. « Conserver l'institution du défenseur des enfants est incontournable, le comité des droits de l'enfant de l'ONU demande d'ailleurs un renforcement de son rôle (2), explique Nathalie Serruques. Mais une délégation parlementaire serait un autre instrument garant de l'application de la convention. Elle permettrait d'optimiser le travail parlementaire, notamment en préparant le travail des commissions, et d'alerter les pouvoirs publics. » Elle constituerait donc un outil pour mettre en oeuvre la stratégie nationale recommandée par le comité onusien. Après qu'une proposition de loi dans ce sens a été adoptée à l'unanimité en février 2003 à l'Assemblée nationale, sans avoir jamais été inscrite à l'ordre du jour parlementaire, un autre texte « tendant à la création d'une délégation parlementaire aux droits de l'enfant », présenté par Joëlle Garriaud-Maylam (UMP), a été déposé au Sénat le 6 octobre.
(1) Une consultation par courrier auprès des 920 parlementaires, pour laquelle 135 questionnaires (de 90 députés et 45 sénateurs, dont 50 % de la majorité et 48 % de l'opposition) ont été renvoyés entre mai et juillet 2009, et une étude qualitative à partir de 14 entretiens individuels entre le 10 juin et le 9 juillet.
(2) Alors que deux projets de loi prévoient de supprimer l'institution du défenseur des enfants pour créer une fonction de « défenseur des droits » aux compétences plus larges, le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale s'apprête à réaliser une étude d'évaluation sur les autorités administratives indépendantes, dont celle du défenseur des enfants.