«La question du vieillissement a été prise en compte tardivement dans le champ du logement et de l'urbanisme, et plus précisément dans les quartiers de la politique de la ville où la jeunesse l'a largement occultée », note Férial Drosso, démographe à l'université Paris-XII Val-de-Marne (1). Selon elle, la raison de cet « oubli » est simple : la population âgée des quartiers défavorisés est silencieuse et peu visible. Néanmoins, depuis quelques années, les acteurs de la ville s'emparent de la problématique du vieillissement. Parmi eux, les bailleurs sociaux sont en première ligne. Les personnes âgées (de plus de 60 ans) représentent près d'un tiers des ménages du parc social, une proportion qui devrait encore s'accroître. Face à des difficultés financières grandissantes qui diminuent leur solvabilité par rapport au logement, elles se tournent en effet de plus en plus, lorsque l'autonomie baisse, vers le parc social, plus facile à habiter que la maison individuelle - qui est l'habitat majoritairement possédé par les personnes de plus de 60 ans.
Dès lors, il devient urgent, pour les bailleurs sociaux, d'adapter les logements. L'opération se révèle toutefois délicate. Les personnes âgées ont en effet une capacité d'adaptation amoindrie, ce qui leur rend difficilement supportables les travaux occasionnés par la mise aux normes de confort de leur logement. En outre, il faut parfois trouver une solution de logement temporaire pendant la durée de l'opération, complexifiant encore l'intervention du bailleur social et l'acculant à innover (voir encadré, ci-contre). Sans compter que, dans certains cas, l'adaptation du bâti ne suffit pas et qu'un relogement définitif doit être envisagé. Cela suppose un déménagement, souvent vécu comme un traumatisme par les personnes âgées qui doivent changer de quartier et de voisinage. Car, paradoxalement, si elles sont souvent critiques par rapport à leur lieu de vie qui s'est dégradé au fil du temps, il est fréquent, lorsqu'on leur propose de déménager, qu'elles refusent - en partie parce qu'elles se sentent dépositaires de la mémoire des lieux. « Le changement de domicile voit son coût augmenter avec l'avancée en âge, aussi bien d'un point de vue économique (accumulation de meubles au cours de la vie, faible perspective d'amortissement des frais engagés au regard du nombre d'années restant à vivre), que social (liens tissés avec les voisins, habitudes prises au sein du quartier...), et psychologique (deuil affectif à faire d'un logement souvent occupé depuis longtemps, nécessaire tri à opérer parmi des souvenirs...) », notent Florence Brunet et Pauline Kertudo dans une étude réalisée par Fors-Recherche sociale intitulée Logement et vieillissement : plaidoyer pour une politique de l'habitat en faveur des personnes âgées (voir encadré, page 32). « Les personnes âgées à qui les bailleurs sociaux proposent un logement plus petit, sans doute plus cher et dans un environnement nouveau, sont-elles armées pour transformer cette mobilité forcée en opportunité ? », se demande pour sa part Férial Drosso. Pour que la réponse soit positive, sans doute faudrait-il que le relogement s'accompagne d'un rapprochement familial. Mais cela exigerait, d'après la démographe, « un affinement local des politiques » difficile à mettre en oeuvre.
Certaines opérations de rénovation urbaine, via les déménagements qu'elles entraînent, jouent néanmoins un rôle de révélateur et permettent d'amorcer un travail d'accompagnement vers un logement décent « pour des personnes âgées qui étaient jusque-là restées très discrètes de peur d'être envoyées en maison de retraite », note Olivia Maire, chef de projet à Profession Banlieue. Car une des particularités des personnes âgées est qu'elles sont marquées par une culture de la non-réclamation d'aide « qu'on retrouve aussi chez les immigrés », comme le souligne Férial Drosso. « Les situations les plus compliquées sont les moins décelables », précise Olga Piou, directrice du Cleirppa (Centre de liaison, d'étude, d'information et de recherche sur les problèmes des personnes âgées). Et c'est parfois grâce à l'intervention d'un service d'aide à domicile que sont révélées les situations d'isolement les plus grandes.
Repérer les besoins n'est donc pas une affaire simple - même si, du fait de la densité de population, il est souvent plus facile de constater l'indécence d'un logement et d'actionner les leviers d'accompagnement social dans les quartiers de la politique de la ville qu'en milieu rural. Il suffit parfois, en effet, d'une forte odeur dans une cage d'escalier pour interpeller les voisins et entraîner l'intervention du bailleur social. Ce dernier peut aussi, lors d'une opération technique, découvrir une problématique sociale et « jouer un rôle de catalyseur en s'entourant de professionnels compétents, tout particulièrement pour les services dits à la personne », note Patrick Sommet, directeur du service clientèle de Plurihabitat L'effort rémois (2).
Une chose est sûre, néanmoins : « Avec la montée des situations difficiles chez les personnes âgées, il faudra de plus en plus mettre en place des actions dans la dentelle », explique Férial Drosso. De fait, le relogement ne doit intervenir qu'en dernier recours, après que toutes les autres possibilités ont été étudiées, et, le cas échéant, faire l'objet d'un long travail d'accompagnement. « Ce qui veut dire qu'il faut envisager les choses bien en amont », note Olga Piou. Sinon le risque est grand de voir se produire des « morts ANRU » (3), comme les définit Baptiste Camus, chargé de mission au sein de l'association Delphis. Autrement dit, des personnes âgées qui décèdent à la suite du stress engendré par un relogement, spécifiquement dans le cadre d'une opération de rénovation urbaine.
De fait, il ne suffit pas de repérer les situations difficiles. Encore faut-il faire attention à ce que les propositions d'adaptation du logement ou de relogement soient bien appropriées. Ce qui n'est pas toujours le cas : les bailleurs ont parfois tendance à résoudre le problème par la construction de quelques logements pour personnes âgées au rez-de-chaussée d'immeubles. Or les personnes âgées n'en veulent pas, essentiellement pour des raisons de sécurité. « Les bonnes solutions professionnelles sont rarement celles souhaitées par les personnes concernées, explique Olga Piou. Il faudrait que les travailleurs sociaux se réunissent avec les constructeurs pour mettre au point les adaptations les plus ajustées. » Et de citer l'exemple d'un bailleur social dont le projet consistait à créer de petites unités de vie dans lesquelles seraient regroupées les personnes âgées. Il a été bien inspiré, avant de construire, de réaliser un questionnaire à destination des personnes concernées qui, à sa grande surprise, se sont montrées largement opposées à cette formule trop ségrégative à leur goût. Paradoxalement, en effet, les personnes âgées « veulent un logement banal, et même banalisé, mais qui soit adaptable, avec des services, et qui soit situé dans le tissu urbain », note Férial Drosso.
Sur le terrain, la Société dauphinoise pour l'habitat (SDH) réalise actuellement le recensement de l'intégralité de son parc locatif pour cibler les logements à adapter. Elle réfléchit également aux possibilités de financement par le biais du dégrèvement de la TFPB (taxe foncière sur les propriétés bâties) accordé aux bailleurs sociaux pour la réalisation de travaux d'accessibilité ou d'adaptation des logements à destination des personnes en situation de handicap. A Moirans (Isère), une douzaine de logements en diffus rattachés au logement-foyer Georges-Brassens et appartenant au bailleur devraient ainsi obtenir le label « Habitat Senior Services » (voir encadré, page 33) à la fin de l'année. Avantage : pendant la durée des travaux, les personnes âgées pourront passer leurs journées dans les salles collectives du logement-foyer. « S'il fallait qu'elles déménagent pendant les travaux, la plupart refuseraient le projet », explique Raphaëlle Przybyl, responsable de l'habitat thématique à la SDH. A l'issue de l'amélioration des logements, une convention de partenariat devrait être signée avec une association de petit bricolage et une association d'insertion ainsi qu'avec le centre communal d'action sociale (CCAS) pour faciliter l'échange d'informations et l'accompagnement des personnes âgées.
De fait, au-delà du logement, il semble désormais incontournable, pour les bailleurs sociaux, de mettre en place des politiques spécifiques d'accompagnement orientées vers les personnes âgées. Le recensement précis du public concerné, étape obligée, s'accompagne, dans certains cas, de visites systématiques pour évaluer au mieux les besoins. « Nous menons notamment des campagnes d'information sur les dispositifs de maintien à domicile (auxiliaires de vie sociale, portage de repas...) afin d'éviter isolement et conditions de vie précaires, explique Nathalie Giani, conseillère sociale chez ICF-La Sablière, le bailleur social de la SNCF. Et, lorsque c'est nécessaire, je me mets en relation avec d'autres acteurs (CCAS, centres locaux d'information et de coordination [CLIC]...) pour aller vers une prise en charge globale, qui ne soit pas que technique. »
Pour Férial Drosso, à rebours des idées reçues et au risque de choquer, « c'est un immense atout que de vieillir dans le parc social ». Au-delà des politiques d'accompagnement mises en oeuvre par les bailleurs sociaux, les raisons en sont multiples : les loyers y sont plus faibles, les logements sont généralement confortables, il existe la plupart du temps un gardien qui joue un rôle essentiel dans le maintien à domicile de la personne âgée, la densité de population permet de multiples interactions sociales et génère de la solidarité informelle. En outre, l'habitat social a, « de tout temps, été un lieu d'expérimentation particulièrement innovant au sein duquel les différents partenaires se parlent, malgré leurs cultures parfois divergentes, et où l'adaptation des logements se fait régulièrement, ce qui n'est pas le cas dans le parc privé », poursuit la démographe. Dans les quartiers classés en politique de la ville, les personnes âgées peuvent également bénéficier de la présence renforcée de l'Etat, des collectivités locales et des associations : « Certes les personnes âgées n'en ont pas été les premières cibles mais elles ont bénéficié de tout ce réseau et aujourd'hui, elles sont en train de devenir des publics prioritaires », ajoute la démographe.
Foin d'angélisme, néanmoins ! Vieillir dans les quartiers n'est pas non plus, loin s'en faut, exempt de difficultés : à la précarité économique des personnes âgées (une proportion importante perçoit l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'ex-minimum vieillesse) peut s'ajouter le sentiment que le quartier change tellement qu'elles en deviennent étrangères, alimentant une impression diffuse de mal-être. Selon une étude citée par le sociologue Jean Mantovani (4), il existe une différence entre l'état de santé réel des personnes âgées et la perception qu'elles ont des risques potentiels liés à leur intégrité physique en fonction de leur lieu d'habitation : les personnes âgées du quartier du Mirail à Toulouse se perçoivent ainsi comme beaucoup plus vulnérables que celles qui habitent dans le centre ville. Ce qui, selon le sociologue, est un des nombreux signes trahissant « une exclusion grandissante des plus âgés des espaces publics » des quartiers d'habitat social. « Etre vieux dans un quartier en difficulté, c'est être la proie d'une série de représentations négatives : vieux dans un quartier de jeunes, vieux dans un quartier qu'on n'a pas réussi à quitter, vieux dans un quartier qui s'est beaucoup dégradé... », précise Férial Drosso.
Aussi, au-delà du logement et pour accompagner au mieux le vieillissement des habitants des zones sensibles, faut-il également focaliser le regard sur le quartier. Or, s'il existe de nombreux financements pour adapter les logements, il n'en est pas de même pour adapter la rue. Pourtant, « les politiques de maintien à domicile devraient fonctionner sur deux pieds : le logement et la rue. C'est d'ailleurs ce qu'on entend lorsqu'on utilise la notion de «gérontologie écologique» », explique Férial Drosso. Ce concept permet d'aborder les notions de handicap ou de dépendance de façon non figée, en prenant en compte les interactions entre l'individu et son environnement. A l'image, dans certains quartiers défavorisés, de l'escalier roulant du centre commercial, plutôt pratique pour une personne ordinaire, mais qui se transforme en barrière infranchissable lorsque la mobilité se fait plus chaotique. Dans ce contexte, les commerces de proximité, d'un abord beaucoup plus accessible, sont plébiscités par les personnes âgées. Elles regrettent également la disparition des bancs, parfois enlevés pour éviter la « gêne » occasionnée par les jeunes ou les personnes sans domicile fixe, alors qu'ils sont indispensables lorsqu'il s'agit pour elles de faire une halte sur leur chemin. Se pose également la question de la cohabitation avec d'autres générations : « Au Val-Fourré, on a noté que les personnes âgées ont un créneau pour sortir, entre 10 heures et midi, car elles se sentent plus en sécurité, notamment vis-à-vis des jeunes », explique Olga Piou. Le sentiment d'insécurité, globalement plus élevé chez les personnes âgées que dans le reste de la population, et ce, quel que soit leur lieu de vie, est exacerbé dans les quartiers, ce qui peut se traduire par des exigences d'équipements spécifiques - des chaînes pour entrebâiller les portes, par exemple. « Il y a certes beaucoup de fantasmes, mais il arrive aussi, très concrètement, qu'une personne âgée renonce à se mettre à sa fenêtre de peur que, lorsque la police arrive, les jeunes regroupés en pied d'immeuble pensent que c'est elle qui l'a appelée », relate Claude Laguillaume, médecin et responsable de l'atelier santé-ville (ASV) (5) de Gentilly-Val-de-Bièvre (Val-de-Marne).
Dans cette ancienne ville ouvrière qui comprend cinq quartiers sur six bénéficiant d'un contrat urbain de cohésion sociale (CUCS), le réseau EquilibreS, constitué en 1997, puis intégré à l'ASV de Gentilly-Val-de-Bièvre lors de sa création en 2004, a commencé par proposer des ateliers destinés à la prévention des chutes physiques des retraités pour s'orienter, petit à petit et à la demande des personnes concernées, vers de multiples actions de préservation de l'autonomie sur les plans physique et psychique : ateliers (nutrition, « mémoire », taï-chi), échanges réciproques de savoirs, rédaction d'un journal... A quoi il faut ajouter l'organisation de formations en direction des acteurs de la ville sur les problématiques du vieillissement. Au fil du temps, c'est tout un réseau (services municipaux, médecins de ville, CLIC, hôpital de secteur...) qui s'est constitué et a donné lieu à de nouvelles pratiques : l'attention des commerçants a été attirée sur les difficultés posées par des produits placés trop haut sur les rayonnages ; les conducteurs de bus ont été sensibilisés à la dangerosité des démarrages trop brusques... « A l'échelle de la ville, nous avons mis en place une dynamique extrêmement positive qui implique, dans une relation de partenariat, le centre communal d'action sociale et la maison de retraite », se réjouit Claude Laguillaume.
A l'instar d'autres associations et dispositifs financés par la politique de la ville, l'ASV de Gentilly-Val-de-Bièvre inscrit au coeur de son action la participation des habitants, et notamment des personnes âgées. « On essaie de travailler sur leur citoyenneté en prenant en compte ce qu'elles éprouvent pour faire en sorte qu'elles gardent l'estime d'elles-mêmes », explique Claude Laguillaume. L'enjeu de cette attention spécifique, au même titre que pour d'autres populations vulnérables des quartiers, est de faire émerger une parole qui a du mal à se faire entendre. « L'important, c'est que ces personnes soient actrices et se mobilisent », poursuit le médecin. Une mobilisation d'autant plus vitale que certaines collectivités semblent avoir du mal à anticiper les conséquences du vieillissement. C'est le cas en Ile-de-France. Face à une population âgée moins importante que dans le reste de la France, les départements de la région parisienne tardent à mettre en place des dispositifs d'accompagnement spécifiques, notamment dans les quartiers d'habitat social, et à se doter d'établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) en nombre suffisant. Or, là comme ailleurs, le vieillissement sera général. Et la question sera d'autant plus épineuse dans les départements qui, comme la Seine-Saint-Denis, sont peuplés de personnes âgées captives du fait de la faiblesse de leurs ressources.
Pour répondre aux besoins des personnes âgées lors de la réhabilitation de leur logement, la société HLM Batigère Nord-Est a inventé une nouvelle fonction, celle de « gouvernante ». Par sa présence journalière, elle est chargée de faire le lien entre les personnes âgées, les aidants (associations d'aide à domicile, conseil général, CCAS, infirmiers, entreprises d'insertion...), l'entreprise qui exécute les travaux et l'organisme d'habitat social. « C'est la clé de voûte du système, explique Boris Calligaro, responsable des activités locatives et des relations clients chez Batigère Nord-Est. En plus d'assurer la coordination des différents acteurs, elle réalise de menues tâches ménagères, aide au déménagement de certaines personnes âgées vers des logements temporaires pendant la durée des travaux, gère les logements de jour qui accueillent ceux qui le souhaitent durant la journée pour échapper aux désagréments de la réhabilitation et s'occupe parfois de la prise des repas des personnes les plus fragiles. » Ce travail de prévention et de veille sociale, souvent réalisé par une auxiliaire de vie sociale, permet également de détecter des situations à risque - dénutrition, isolement extrême, etc. Mise en place pour la première fois lors de la réhabilitation de 46 logements situés rue de Marseille à Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle) en 2006, la formule a été reproduite avec succès en 2007 pour un programme de réhabilitation de 250 logements à Strasbourg, dont 66 ont été adaptés. C'est désormais au site des jardins de Vauban, à Longwy (Meurthe-et-Moselle), de bénéficier d'une « gouvernante » dans le cadre d'une opération de requalification urbaine financée par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) qui concernera 380 logements, dont 70 seront adaptés pour les personnes âgées ou à mobilité réduite.
Dans une étude réalisée dans le cadre de sa contribution annuelle au rapport sur l'état du mal-logement en France publié par la Fondation Abbé-Pierre (6), Fors-Recherche sociale dresse un tableau du mal-logement des personnes âgées. A partir d'entretiens effectués par l'intermédiaire de travailleurs sociaux de centres locaux d'information et de coordination (CLIC) et d'associations comme Les petits frères des pauvres ou SOS Taudis (Fondation Abbé-Pierre), l'organisme d'étude et de conseil bat en brèche certaines idées reçues. L'image d'une vieillesse relativement privilégiée est ainsi largement nuancée par la réalité rapportée par les travailleurs sociaux confrontés à des personnes âgées en grave difficulté financière, notamment par rapport à leur logement. En outre, l'étude montre que le passage à la retraite s'accompagne rarement d'une mobilité de confort, mais plutôt d'une mobilité « d'ajustement » liée à la perte d'un conjoint, à la baisse des revenus ou à des difficultés de santé. Si l'enquête distingue plusieurs cas de figure du mal-logement - logement inadapté (dégradé ou insalubre), logement inadéquat (pour des raisons familiales, liées à l'état de santé de la personne...), non-logement (vie à la rue ou dans des formes d'habitat précaire) -, elle précise que le mécanisme qui y conduit est relativement similaire, conjuguant isolement social, fragilité psychologique et précarité économique. Un triptyque négatif renforcé par le vieillissement. Des migrants vieillissant dans les foyers de travailleurs ou en hôtels meublés aux personnes âgées souffrant du « syndrome de Diogène » (ou syndrome de « décompensation sénile », qui correspond à une situation extrême alliant négligence de l'hygiène corporelle et domestique, accumulation d'objets, déni de la réalité et refus de toute aide qui conduit à des conditions de logement insalubres) en passant par les personnes âgées à la rue, l'enquête montre combien le relogement des personnes âgées en situation de mal-logement doit faire l'objet d'une réflexion approfondie. Il n'est en effet qu'un outil dans la palette du travailleur social, mais en aucun cas la solution à tous les maux : adaptation du logement, services d'aide à domicile... sont des solutions complémentaires. Surtout, l'étude met l'accent sur la nécessité de mettre en place un accompagnement global sous la forme d'une intervention sur mesure, dans le cadre du projet de vie de la personne âgée. Ce qui suppose d'être à l'écoute de ses besoins et d'inscrire l'intervention dans la durée. « Il faut agir avec souplesse et au cas par cas, ce qui ne correspond pas au cadre de l'action publique traditionnelle », résume Florence Brunet, co-auteure de l'étude avec Pauline Kertudo. La sociologue pointe également la question épineuse du degré d'ingérence des travailleurs sociaux. Nombre de personnes âgées, en effet, refusent toute aide. « Or, souvent, la situation s'améliore et une dynamique sanitaire et psychologique se met en place quand un lien social se crée », note-t-elle.
« Face aux multiples demandes individuelles d'aménagement des logements, les bailleurs n'ont d'autres choix que de mettre en place une stratégie globale », explique Baptiste Camus, chargé de mission chez Delphis (7). Pour les aider, cette association de recherche et développement regroupant 17 bailleurs sociaux a créé, en 2004, un label intitulé « Habitat Senior Services » en partenariat avec l'UNA (Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles). S'appuyant sur les résultats d'une étude réalisée par l'association Isatis (Association pour l'intégration, le soutien, l'accompagnement au travail et l'insertion sociale) (8) auprès des personnes de plus de 60 ans de quatre patrimoines locatifs sociaux situés à Echirolles, Reims, Ronchin/Wattrelos et Yvetot, le label allie adaptation du bâti et proposition de services adaptés aux personnes âgées en lien avec les associations d'aide à domicile qui existent sur le territoire. Pour l'obtenir, les parties communes, les abords des immeubles et les logements des personnes de plus de 65 ans doivent être aménagés de façon à réduire les obstacles et les risques, et un arrêt-minute doit être mis en place devant l'immeuble. En outre, la labellisation requiert que les logements soient situés à proximité des commerces, des transports et des services publics. Il est également prévu qu'une formation des personnels des société HLM, dont les intervenants de terrain (gardiens, femmes de ménage, personnel de gestion locative), soit dispensée sur la problématique du vieillissement pour mieux comprendre au quotidien les besoins des personnes âgées et détecter les situations à risques. Parallèlement, des services spécifiques sont amenés à être développés : aide administrative, petit bricolage, animation sociale... C'est une petite révolution pour les bailleurs sociaux obligés de s'ouvrir sur les acteurs de proximité afin de travailler de façon transversale « en prenant en compte la complexité », souligne Baptiste Camus. De 4 000 à 5 000 logements devraient être labellisés en 2015. D'ici là, le label, toujours en cours d'expérimentation avec quatre organismes pilotes (le Foyer rémois, Habitat du Nord, Seine Manche Immobilière et la Société Dauphinoise pour l'Habitat-SDH), devrait être évalué et certifié.
(1) Lors d'un cycle de qualification sur le thème « Le vieillissement dans les quartiers », organisé par Profession Banlieue les 5, 12 et 19 juin 2009 - Contact : 15, rue Catulienne - 93200 Saint-Denis- Tél. 01 48 09 26 36 -
(2) Cité dans le dossier « Vieillissement et handicap : des enjeux nouveaux pour l'habitat » - Habitat et Société n° 52 - Décembre 2008.
(3) ANRU : Agence nationale pour la rénovation urbaine.
(4) Dans le chapitre « Les paradoxes du vieillir en habitat social » in La ville des vieux. Recherche sur une cité à humaniser - Coordonné par Joël Yerpetz - Ed. de l'Aube, 1998.
(5) Les ateliers santé-ville sont chargés de coordonner, dans le cadre de la politique de la ville, tous les acteurs de santé engagés dans les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS).
(6) Intitulée « Logement et vieillissement : plaidoyer pour une politique de l'habitat en faveur des personnes âgées » - A paraître dans la revue Recherche sociale : 47, rue Chabrol - 75010 Paris - Tél. 01 48 24 79 00.
(7)
(8) Label Habitat Senior Services. Synthèse des quatre sites pilotes. Besoins en services des locataires âgés - Florence Dupagne et Sylvie Tartesse, novembre 2005 -