Les contrats conclus entre les personnes publiques et les structures porteuses d'ateliers et de chantiers d'insertion (ACI) sont-ils soumis aux obligations de publicité et de mise en concurrence fixées par le code des marchés publics ? Non, affirme la direction des affaires juridiques des ministères de l'Emploi et du Budget dans une note du 30 octobre adressée au directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Ce dernier avait en effet saisi la direction à la suite du lancement d'appels à projets devant permettre de sélectionner des associations susceptibles de porter de nouveaux ateliers et chantiers d'insertion. La création d'une centaine d'ACI est en effet prévue dans le cadre de l'enveloppe exceptionnelle de dix millions d'euros débloquée en juin dernier en faveur de l'emploi dans les quartiers de la politique de la ville (1).
L'administration rappelle, en premier lieu, que les marchés publics de services dont l'objet est l'insertion des publics en difficulté relèvent en principe de l'article 30 du code des marchés publics. Celui-ci prévoit une procédure adaptée - détaillée à l'article 28 du même code - qui se caractérise « par la liberté laissée au pouvoir adjudicateur (2) dans la détermination des modalités de publicité et de mise en concurrence qui lui semblent à même de garantir les principes fondamentaux de la commande publique ». Toutefois, « par exception, poursuit-elle, les contrats conclus avec les structures porteuses des ACI ne relèvent pas du droit des marchés publics [dans la mesure où] ces structures ne peuvent être qualifiées d'opérateurs économiques ».
Selon la direction des affaires juridique, « les prestations offertes par les ACI se distinguent [en effet] des prestations à caractère purement marchand, aisément disponibles sur un marché ». Les ateliers et chantiers d'insertion « visent un public particulièrement éloigné de l'emploi, des personnes n'ayant jamais travaillé ou n'ayant plus exercé d'activité professionnelle depuis une longue période, difficilement employables par des opérateurs soumis à un objectif de rentabilité économique », explique-t-elle. Et les travaux de rénovation urbaine pour lesquels ils vont être mis en place « ne constituent que le support technique d'une activité de nature sociale ». En conséquence, les prestations des ACI « peuvent être considérées comme des services sociaux non marchands », exclus du champ d'application de la directive « services » du 12 décembre 2006. En outre, indique l'administration, « la mise en oeuvre des ACI n'est pas ouverte à la concurrence ». Les entités ou organismes auxquels le préfet peut déléguer leur mise en place sont en effet limitativement énumérés par l'article D. 5132-27 du code du travail (organisme de droit privé à but non lucratif ayant pour objet l'embauche de personnes en difficulté, centre communal ou intercommunal d'action sociale, commune...). Et ces organismes n'ont pas de but lucratif. « Le coût global des dépenses engagées pour la mise en place d'un ACI (salaires des personnes embauchées, coût de l'accompagnement, coût des fournitures acquises pour les travaux de rénovation urbaine) sera compensé par des subventions pour les deux tiers, et par le prix du marché pour un tiers. La structure porteuse de l'ACI ne réalisera pas un bénéfice d'ordre financier sur les prestations facturées. Or la Cour de justice des communautés européennes a admis que «l'absence de but lucratif est un critère pertinent pour apprécier si une activité a ou non un caractère économique». »
Pour la direction des affaires juridiques, l'ensemble de ces indices « amènent à penser que les structures porteuses des ACI ne peuvent être qualifiées d'opérateurs économiques, eu égard à la nature de l'activité en cause et aux conditions dans lesquelles elles l'exercent ». En conséquence, les contrats conclus pour la mise en place des ACI ne sont pas soumis aux obligations de publicité et de mise en concurrence fixées par le code des marchés publics.
Disponible dans la docuthèque, rubrique « infos pratiques », sur www.ash.tm.fr}
(2) La notion de pouvoir adjudicateur est utilisée pour désigner l'acheteur public en tant que personne morale. Elle remplace dans le code des marchés publics français de 2006 la notion de personne responsable des marchés qui ne représentait que les personnes physiques. Sont notamment considérés comme pouvoirs adjudicateurs : l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics nationaux et locaux, hors établissements publics industriels et commerciaux qui ne sont pas soumis au code des marchés publics.