Comment permettre aux aidants, ces proches qui apportent une aide informelle aux personnes âgées vivant à domicile, de souffler le temps de quelques heures, d'un week-end, ou de plusieurs jours de vacances ? Si les services d'accueil temporaire existent, ils restent peu développés. En outre, faute de visibilité et par manque de souplesse, ils ne répondent pas vraiment aux attentes des aidants, comme le montre une étude du GRATH (Groupe de réflexion et réseau pour l'accueil temporaire des personnes en situation de handicap), qui a cherché à mieux connaître leurs besoins (1).
Réalisée avec le soutien de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), l'AGIRC et l'ARRCO, en partenariat avec le centre régional pour l'enfance et l'adolescence inadaptées de Bretagne et divulguée, le 12 novembre, à l'occasion de la IVe Conférence nationale de l'accueil temporaire, elle montre que quatre aidants sur dix déclarent « avoir besoin que la personne aidée reçoive davantage d'aide de façon à être soulagés ». Un sentiment d'autant plus fort que cette dernière est très dépendante ou souffre de difficultés psychiques importantes. Il faut dire que la présence de l'aidant ne se limite pas à de simples visites, mais passe souvent par un accompagnement dans les actes essentiels de la vie quotidienne (38 % des aidants). Si, dans plus d'un tiers des cas, celui-ci n'a personne dans son entourage sur qui compter pour le relayer, il se montre souvent également très réticent (surtout lorsqu'il est le conjoint de l'aidé, situation de 75 % des aidants) à déléguer cet accompagnement, ce qu'il assimile à un acte d'abandon.
Comment les aidants perçoivent-ils les solutions de répit proposées actuellement ? Interrogés par le GRATH, 47 % ont recours aux services d'aide à domicile, surtout lorsque la personne est fortement dépendante. Cela n'empêche pourtant pas les aidants de préférer faire appel à l'entourage plutôt qu'à des professionnels, souvent d'ailleurs parce que la personne aidée elle-même refuse l'intervention de tiers. Certains justifient également cette réticence par le coût prohibitif ou le manque de souplesse de tels services, le turnover des intervenants, voire leur manque d'écoute. Autant de points qu'il convient donc d'améliorer, souligne le GRATH, qui préconise de renforcer la stabilité des personnels de ces services et d'adapter les horaires et le temps de présence aux besoins des personnes âgées.
A côté des services d'aide à domicile, l'accueil de jour en établissement, pour quelques heures ou la journée, s'il est connu de la majorité des aidants (69 %), est très peu utilisé (3 %). Là encore, le refus des personnes aidées et la culpabilité des aidants arrivent en tête des raisons évoquées. Suivent le manque de moyens de transport pour se rendre sur le lieu d'accueil ou le coût de la prestation. Le GRATH note d'ailleurs que l'allocation personnalisée d'autonomie est peu demandée par les aidants interrogés. De même, la formule de l'hébergement temporaire (accueil en établissement pour quelques jours ou quelques semaines) est peu utilisée (3 %). Pour rendre l'accueil temporaire plus attractif, le GRATH préconise donc de doubler le nombre de places (on en compte aujourd'hui 7 979 en hébergement temporaire et 6 125 en accueil de jour), de réduire les délais d'attente et de permettre aux familles de réserver une place à l'avance. Il suggère aussi d'assouplir les modalités d'accès des services afin qu'ils puissent accueillir une personne en urgence et de développer des solutions de transport permettant aux personnes âgées d'y recourir sans faire appel à l'aidant. De façon générale, le GRATH estime qu'un effort d'information est indispensable pour que les aidants s'approprient l'accueil temporaire et que les représentations encore trop souvent négatives vis-à-vis des établissements tombent, ce qui permettraient de « déculpabiliser les aidants et de convaincre et rassurer les personnes âgées ». Il suggère également de mettre en place un système d'information permettant de prévoir en temps réel les places disponibles sur le modèle du système d'information « SARAH » dans l'Allier, qui réalise une gestion centralisée à l'échelle départementale des capacités d'accueil d'hébergement temporaire pour les personnes handicapées.
L'option de la famille d'accueil est rejetée par 76 % des aidants, qui l'associent à l'abandon ou au délaissement. Par ailleurs, seule une minorité d'entre eux se disent intéressés par les formules mises en place uniquement la nuit. C'est le cas de l'accueil de nuit proposé par certains établissements (les personnes âgées viennent dormir dans leurs locaux et retournent à domicile la journée) - ou des expériences de garde itinérante de nuit (la personne âgée bénéficie d'une aide au coucher à son domicile et de la visite nocturne d'un professionnel). En revanche, certaines solutions, encore peu développées, mériteraient d'être encouragées, estime le GRATH. 37 % des aidants seraient ainsi favorables à la mise en mise en place de « remplaçants temporaires » à domicile, sur le modèle du « baluchonnage » qui existe au Québec. Reste que ce système - le « baluchonneur » prend la place de l'aidant pendant plusieurs jours - est pour le moment quelque peu bloqué en France par les règles du droit du travail (2). Un autre service, encore en cours d'étude, a retenu l'attention de 38 % des proches de personnes âgées : le projet « Vacances Répit Famille », porté par PRO BTP, un groupe professionnel de protection sociale, pourrait voir le jour en 2011. Il proposera des séjours de vacances accueillant sur un même lieu de villégiature la personne âgée dépendante (en mettant à sa disposition des aides adaptées) et ses proches aidants (qui pourront bénéficier d'une prestation de loisirs). Le GRATH préconise également de soutenir les établissements souhaitant devenir des « plateformes de services » offrant un panel de réponses « à la carte » : hébergement temporaire, accueil de jour, accueil de nuit, services à domicile... Ce qui va dans le sens d'apporter une réponse adaptée et de proximité à une demande qui peut être mouvante car oscillant entre le domicile et des temps de regroupement.
Assurant 70 % des tâches d'accompagnement de la personne âgée, handicapée ou malade, les proches aidants constituent « la première entreprise de santé » de France, affirme l'étude. Il faut donc préserver cette force en permettant à ces acteurs de connaître les services et soutiens disponibles le plus en amont possible des phases de crise « pour limiter les accueils d'urgence et les drames ». Le GRATH juge donc le moment venu de lancer une campagne nationale d'information à leur intention et de leur accorder le label de « grande cause nationale ».
(1) « Enquête nationale sur les besoins et attentes des personnes âgées dépendantes et de leurs proches aidants en matière de relais » - L'enquête comporte deux volets : un volet qualitatif fondé sur 30 entretiens (7 de personnes âgées en situation de perte d'autonomie ; 12 d'aidants et 11 de binômes aidé/aidant) ; un volet quantitatif basé sur 503 questionnaires renseignés par des aidants (par téléphone) - Disponible sur
(2) Il fait cependant l'objet d'expérimentations en France - Voir ASH n° 2592 du 16-01-09, p. 34.