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Couvre-feu pour les moins de 13 ans délinquants : une idée très contestée

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Un « serpent de mer » qui revient régulièrement sur le devant de la scène depuis les années 90, dans le cadre des débats sur la lutte contre la délinquance. L'« idée » lancée par Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur, le 3 novembre lors des « rencontres de Beauvau », d'instaurer un « couvre-feu » pour les mineurs de moins de 13 ans délinquants, a provoqué une nouvelle passe d'armes politique, tout en suscitant la désapprobation des professionnels de la sécurité, de la justice et de la protection de l'enfance.

Pour justifier sa « réflexion », le ministère de l'Intérieur affirme que la part des mineurs dans la délinquance « a augmenté de 5 % en un an, pour atteindre 18 % » et que cette dernière est « de plus en plus violente, avec l'apparition d'armes blanches et d'armes létales ». Une motivation statistique tronquée, corrige Laurent Mucchielli, directeur du Cesdip (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales) et animateur du groupe Claris (Clarifier le débat public sur la sécurité), puisqu'il s'agit en réalité « de la part des mineurs mis en cause par la police et la gendarmerie ». Cette proportion tourne d'ailleurs « autour de 18 % de manière quasi parfaite depuis 2004 » et a baissé au cours des dix dernières années « puisqu'elle était de 22 % en 1998 ». Les mineurs de moins de 13 ans représentent en outre moins de 0,3 % de l'ensemble des personnes condamnées, relativise le chercheur. Il déplore une « méconnaissance du terrain consistant à croire qu'il existe beaucoup d'enfants de moins de 13 ans arpentant seuls les rues de France, la nuit ». Lorsqu'en outre un phénomène de groupes de jeunes existe, poursuit-il, il est rare que des enfants de moins de 13 ans en fassent partie...

Depuis quelques années, une dizaine de villes prennent un arrêté municipal pour instaurer un couvre-feu pendant l'été pour tous les mineurs de moins de 13 ans, délinquants ou non (1). L'efficacité de la mesure n'en reste pas moins contestée. « On sait que les arrêtés couvre-feu n'ont pas un résultat sécuritaire majeur, relève Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny et de Défense des enfants international-France. Ils se veulent d'abord pédagogiques et symboliques. » A Orléans par exemple, le bilan du dispositif mis en place depuis 2001 est controversé : tandis que Baptiste Chapuis, conseiller municipal socialiste, souligne que « le couvre-feu orléanais n'a concerné qu'un à deux jeunes chaque été depuis 2001 », le maire (UMP), Serge Grouard, estime que la décision, accompagnée de dispositifs de médiation, a eu un « effet de responsabilisation des parents ».

Centrée sur les délinquants, la mesure s'avérerait par ailleurs inapplicable, estiment les syndicats de policiers, qui déplorent la réduction de leurs effectifs, ainsi que les magistrats et les édiles. Qui dira qu'un enfant relève dudit couvre-feu ? Comment savoir que le jeune concerné est délinquant ou non, et selon quel critère, celui de la police ou de la justice ? D'autant, ironise Jean-Pierre Rosenczveig, que selon le projet de code de la justice pénale des mineurs diffusé en mars dernier, les mineurs délinquants de moins de 13 ans « n'existeront plus juridiquement », car ils seront en dessous du seuil de la responsabilité pénale. « Tout cela pose quand même un problème de moyens quant à la mise en oeuvre. Je suis extrêmement réservé », a, quant à lui, déclaré le député (UMP) des Yvelines Pierre Cardo.

Plus globalement, les critiques portent sur l'absence de moyens pour l'accompagnement social des familles. Avec la suggestion du ministre, « c'est le souci du maintien de l'ordre qui prévaut sur celui de la protection », regrette le Syndicat national des professionnels de l'éducation et du social (SNPES)-PJJ-FSU. Or les difficultés et les dysfonctionnement familiaux « nécessiteraient avant tout des dispositifs ambitieux de prévention et d'éducation ». Monique Iborra, député (PS) de Haute-Garonne, a critiqué l'idée du couvre-feu alors qu'une circulaire du 19 octobre « limite la possibilité de recruter des adultes-relais » (2), qui participent justement à la lutte contre les incivilités et au renforcement de la fonction parentale.

Notes

(1) Selon la jurisprudence du conseil d'Etat, un arrêté pris par un maire restreignant la liberté de circulation des mineurs est subordonné à une double condition : être justifié par l'existence de risques particuliers et être adapté dans son contenu à l'objectif de protection (ordonnance du Conseil d'Etat du 27 juillet 2001).

(2) Voir ASH n° 2630 du 30-10-09, p. 15. Cette circulaire précise les conditions dans lesquelles « la signature d'une convention renouvelée pour la troisième fois [entre les employeurs et l'Etat] pourra de manière exceptionnelle être autorisée ».

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