L'action des parquets « se doit d'être ferme, déterminée et lisible » et doit « tendre à la cohérence sur l'ensemble du territoire national », indique la garde des Sceaux dans une récente circulaire générale de politique pénale. Un texte où elle fixe un « cap clair » à l'action quotidienne des magistrats du ministère public, « sans préjudice des nécessaires ajustements locaux auxquels il [leur] appartient de procéder afin de l'adapter au mieux aux particularités de [leurs] ressorts ».
Pour que l'action judiciaire soit efficace, les politiques pénales doivent être déclinées localement, indique Michèle Alliot-Marie, ce qui suppose des échanges réguliers entre les différents acteurs. Dans ce cadre, l'utilisation des groupes locaux de traitement de la délinquance doit être un « instrument privilégié de la mise en oeuvre d'une action publique intensifiée sur un territoire défini ». Aussi la ministre de la Justice demande-t-elle aux procureurs de la République de les mettre en place dans des sites identifiés comme prioritaires en termes d'action publique, « soit dans le cadre d'un contrat local de sécurité, soit à la suite d'événements particuliers, tels que les violences urbaines ». En outre, ils devront porter une attention particulière aux actions pouvant être mises en oeuvre dans les ressorts des tribunaux de grande instance (TGI) comportant des quartiers sensibles ou sur lesquels des unités territoriales de quartier ont été constituées (1).
Par ailleurs, la garde des Sceaux souhaite que les efforts réalisés en vue d'améliorer le délai de la réponse pénale soient poursuivis. Elle suggère ainsi aux parquets de donner un « nouvel élan » à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, « l'existence d'une partie civile ne [devant] pas constituer un frein » à son développement. Michèle Alliot-Marie demande aussi aux procureurs de la République de dresser un inventaire des procédures en cours depuis trois ans ou plus au sein de leur juridiction, pour lesquels une « stratégie procédurale » devra être définie de façon à permettre une clôture de la procédure « dans les meilleurs délais ».
Sur le plan de la prévention de la récidive, Michèle Alliot-Marie requiert l'application de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (instauration des peines planchers pour les récidivistes notamment) (2) et, pour le suivi des condamnés dangereux, de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental (3). En outre, conformément à la loi pénitentiaire adoptée en octobre dernier (4) - qui fait actuellement l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel -, la ministre de la Justice insiste pour que les parquets multiplient les recours aux aménagements de peines, une mobilisation qui doit notamment s'intensifier au sein des conférences régionales semestrielles d'aménagements de peine et d'alternatives à la détention et, le cas échéant, à l'occasion de la mise en oeuvre de l'expérimentation du placement sous surveillance électronique pour les détenus en fin de peine.
Dans le cadre de sa mission de protection des libertés publiques, la chancellerie enjoint les procureurs de la République de visiter les locaux de garde à vue « régulièrement, et en toute hypothèse au moins une fois par an », en particulier ceux qui ont été jugés indignes par le contrôleur général des lieux de privation de liberté (5). Objectif : vérifier tant les conditions matérielles des gardes à vue que la bonne tenue du registre de ces mesures et le strict respect des droits des personnes qui en font l'objet.
Toujours dans le cadre de cette mission, la ministre de la Justice estime qu'il est « indispensable » que les victimes soient accompagnées tout au long de la procédure, de leur dépôt de plainte jusqu'à l'audience de jugement, voire jusqu'au stade de la saisine de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions. Un accompagnement dont l'effectivité doit aussi être assuré dans le cadre des procédures rapides, par exemple « en facilitant leur accueil au sein du TGI par des associations habilitées ». D'ailleurs, insiste-t-elle, les coordonnées de ces dernières doivent figurer dans le récépissé de dépôt de plainte. Dans les cas les plus graves et lorsque la victime ne peut pas agir elle-même, les services ayant pris la plainte doivent d'eux-mêmes communiquer ses coordonnées aux associations d'aide aux victimes.
Dans le cadre de son action publique, la ministre de la Justice entend tout particulièrement lutter contre les infractions qui touchent les plus faibles, à savoir les victimes de violences intrafamiliales et les personnes âgées. Comme elle l'a indiqué récemment (6), la prise en charge des auteurs de violences conjugales doit être améliorée. A cette fin, « les mesures tendant à [leur] éviction du domicile conjugal et les partenariats permettant [leur] accueil dans les structures d'hébergement et d'accompagnement psychologique [...] doivent être généralisés ». De façon plus générale, Michèle Alliot-Marie souhaite que les enquêtes diligentées par les services portent sur l'ensemble de la famille et non sur les seules violences conjugales, pour tenir compte de la situation des enfants du couple. Par ailleurs, pour combattre la maltraitance des personnes âgées, les parquets devront demander et communiquer au juge des tutelles toute information utile permettant d'apporter une réponse adaptée à ces situations.
La chancellerie rappelle que doit être poursuivie l'action tendant à donner à chaque acte de délinquance commis par un mineur une réponse pénale et à rendre effective, « dans un laps de temps bref », la mise à exécution des mesures ordonnées et des peines prononcées. Sur ce dernier point, doivent être privilégiées les mesures de composition pénale et d'activité de jour. Pour renforcer le suivi individuel des mineurs, Michèle Alliot-Marie préconise aussi la constitution d'un « trinôme judiciaire de coordination », composé du juge des enfants, du ou des substituts du procureur chargés des affaires de mineurs et des services de la protection judiciaire de la jeunesse. Une organisation qui doit d'autant plus trouver sa place dans les ressorts de TGI comprenant des quartiers prioritaires, souligne-t-elle. Objectifs de ce trinôme : identifier et examiner régulièrement la situation des mineurs qui apparaissent lourdement inscrits dans la délinquance. Concrètement, ces professionnels devront se concerter sur les stratégies judiciaires et éducatives adaptées (par exemple, prévoir un circuit prioritaire d'audiencement des dossiers concernant ces mineurs) et s'assurer de la mise en oeuvre effective et rapide des mesures ordonnées à l'égard des multirécidivistes.
(1) Il s'agit d'unités de la direction centrale de la sécurité publique de la police nationale faisant partie d'un dispositif de lutte contre les violences urbaines. Implantées en milieu urbain, elles travaillent en qualité de police de proximité en milieux sensibles.