La commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes une enquête sur l'articulation entre les dispositifs de la politique de la ville et de l'éducation prioritaire dans les quartiers sensibles. Le président de la troisième chambre de la Haute Juridiction financière, Jean Picq, a présenté le fruit de ce travail le 3 novembre, au cours d'une audition au Palais du Luxembourg (1).
Le magistrat a rappelé, en préambule, les enjeux de la politique de l'éducation prioritaire, soulignant que, « à l'entrée du collège, un élève sur deux relevant de l'éducation prioritaire ne maîtrise pas les compétences de base en français contre un sur cinq hors éducation prioritaire, ces chiffres étant respectivement de un sur trois et un sur dix pour les compétences en mathématiques ». Jean Picq a ensuite résumé l'ensemble des conclusions et des recommandations de la Cour des comptes, laquelle a passé au crible l'ensemble des dispositifs d'intervention éducative de l'Etat en direction des quartiers sensibles.
Principal constat de l'enquête menée par les magistrats : même si « aucun exemple majeur n'a été relevé, dans les trois sites analysés par la Cour, où une action à caractère éducatif relevant de la politique de la ville aurait été bloquée par un dispositif mis en oeuvre par l'Education nationale, et vice-versa », l'articulation entre le volet éducatif de la politique de la ville et les dispositifs de l'Education nationale mis en oeuvre dans les quartiers sensibles est « perfectible ».
Les objectifs des deux politiques sont différents : la résorption de la difficulté scolaire dans un cas, la réduction des inégalités territoriales dans l'autre. En outre, la démarche de l'Education nationale en matière de lutte contre la difficulté scolaire ne repose plus sur une approche territoriale, mais sur une approche individualisée des établissements et des élèves. « Il serait donc vain d'imaginer que les territoires d'application de ces deux politiques puissent se recouvrir dans des approches zonales qui se superposeraient exactement », explique le rapport. « Chaque acteur doit intervenir dans le domaine qu'il maîtrise le mieux. » Dans ce contexte de responsabilités partagées, une bonne information réciproque est évidemment la première condition pour parvenir à une coordination satisfaisante. Mais d'autres conditions sont également nécessaires, souligne la Haute Juridiction : la simplification des dispositifs - dont le foisonnement soulève des « problèmes de lisibilité » -, une clarification des conditions de leur mise en oeuvre, une définition des obligations de service des enseignants intégrant plus explicitement le soutien des élèves en difficulté, et enfin une évaluation systématique des actions mises en oeuvre. Sur ce dernier point, la Cour des comptes déplore que l'efficacité de ces différents dispositifs, qu'ils relèvent de l'une ou de l'autre politique, ne soit pas suffisamment analysée, et que leur efficience soit ainsi « menacée par un empilement continu d'actions non évaluées ». L'enquête des magistrats fait en effet ressortir « les lacunes considérables de l'évaluation des interventions scolaires et éducatives en direction des quartiers sensibles ». Pour la Haute Juridiction, « seules la généralisation de l'évaluation et la diffusion de ses résultats peuvent permettre de rendre régulièrement des arbitrages clairs et justifiés sur le choix des dispositifs les plus efficaces, parmi ceux qui sont mis en oeuvre sur le plan scolaire et éducatif dans les quartiers sensibles ».
Disponible dans la docuthèque, rubrique « infos pratiques », sur www.ash.tm.fr}
(1) L'articulation entre les dispositifs de la politique de la ville et de l'Education nationale dans les quartiers sensibles - Cour des comptes - Rapport n° PA 56207 - Septembre 2009.