Lors de son audition devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, le 3 novembre, la garde des Sceaux a dévoilé les mesures qu'elle entend soumettre au Parlement, par voie d'amendements, pour enrichir le projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale (1). Un texte présenté en conseil des ministres il y a un an déjà et dont l'examen commencera le 17 novembre à l'Assemblée nationale. Les mesures annoncées par Michèle Alliot-Marie - prises notamment sur la base du rapport « Lamanda » (2) - visent à pallier les insuffisances de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale (3) et à répondre aux dysfonctionnements apparus dans de récentes affaires mettant en cause des criminels sexuels multirécidivistes (prise en charge et préparation des sorties de prison).
La chancellerie souhaite tout d'abord renforcer l'efficacité des mesures de sûreté. Pour mémoire, une mesure de rétention de sûreté peut être prononcée à l'encontre des personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à 15 ans pour les crimes d'assassinat ou de meurtre, de torture ou d'actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration, commis sur une victime mineure ou, avec des circonstances aggravantes, sur une victime majeure. Cette mesure est prononcée pour une durée de un an, renouvelable jusqu'à ce que l'intéressé ne présente plus de particulière dangerosité. Lorsqu'elle n'est pas prolongée ou s'il y est mis fin, le condamné peut être placé sous surveillance de sûreté pendant une durée de un an renouvelable. La garde des Sceaux veut élargir les possibilités de recours à cette dernière mesure « soit à l'issue d'une surveillance judiciaire ayant accompagné une libération anticipée, soit directement à la sortie de prison ». En outre, « si une personne est condamnée à une peine de prison pendant l'exécution des mesures de surveillance [de sûreté] ou de rétention, ces dernières ne seront que suspendues. Elles pourront reprendre à l'issue de l'exécution de la peine. » Enfin, Michèle Alliot-Marie a annoncé que « des personnes remises en liberté dans l'attente d'une procédure de révision pourront également être placées sous surveillance de sûreté ».
Pour renforcer le suivi médico-judiciaire des délinquants et criminels sexuels, la ministre de la Justice entend faire inscrire dans la loi la possibilité de prescrire un traitement inhibiteur de la libido (dit « castration chimique ») après l'exécution de la peine et non plus uniquement - comme c'est le cas aujourd'hui - au cours de son exécution. Si le condamné refuse de s'y soumettre, précise la ministre, il pourra encourir « immédiatement » :
le retrait de crédit de réduction de peine ou, s'il est détenu, l'interdiction de bénéficier de réductions de peines supplémentaires ;
l'incarcération s'il exécute sa peine sous surveillance judiciaire ou en milieu ouvert (suivi socio-judiciaire, aménagement de peine ou libération conditionnelle) ;
le placement en rétention de sûreté s'il bénéficiait d'une mesure de surveillance de sûreté.
« Pour donner aux juges les moyens de vérifier la réalité de la prise et du suivi du traitement », Michèle Alliot-Marie proposera un amendement imposant au médecin traitant chargé de prescrire et de suivre l'administration du traitement d'en rendre compte à un médecin coordonnateur. Elle a rappelé à ce propos que « le juge comme le médecin sont astreints au secret professionnel [et] le demeureront. Le médecin aura simplement l'obligation d'informer le juge sur l'exécution de la mesure et non sur le protocole médical suivi ».
Afin d'« assurer une surveillance ciblée » des criminels dangereux, la chancellerie propose que l'identité et l'adresse des condamnés libérés soient « systématiquement communiquées aux services de police et de gendarmerie ». En outre, au-delà des interdictions faites au condamné d'entrer en contact avec les victimes ou de paraître en tout lieu, Michèle Alliot-Marie entend en faire adopter une nouvelle : « l'interdiction de paraître dans un périmètre précisé par la juridiction autour du lieu où travaille ou réside la victime ou sa famille ». Dans ce cadre, a-t-elle précisé, « toute personne condamnée pour un crime sexuel et bénéficiant d'un aménagement de peine devra être obligatoirement soumise à cette interdiction par le juge de l'application des peines [JAP], sauf décision contraire motivée ». En cas de non-respect de cette interdiction, elle souhaite permettre aux forces de l'ordre d'« interpeller l'intéressé, de le retenir pendant 24 heures et, si le JAP l'estime nécessaire, de [...] l'incarcérer ».
Enfin, pour garantir une bonne information des magistrats, la garde des Sceaux veut créer un dossier unique de personnalité regroupant l'ensemble des expertises psychiatriques, psychologiques et autres enquêtes sociales réalisées dans le cadre d'une procédure pénale ou lors de l'exécution d'une mesure de rétention de sûreté.
(3) Voir notamment ASH n° 2545 du 15-02-08, p. 17 et n° 2547 du 29-02-08, p. 5.