Claire Jenny est chorégraphe. Entre 1995 et 2006, elle a organisé avec sa compagnie des ateliers de chorégraphie dans des prisons de jeunes et de femmes, en France et au Québec. Sylvie Frigon est criminologue et s'intéresse depuis plusieurs années à la condition des femmes incarcérées. Leur rencontre a donné naissance à Chairs incarcérées, un ouvrage qui explore « les apports de la danse contemporaine en prison et de la prison sur la danse ». « Parce que cet art est à la fois un magnifique instrument de reconquête de son corps, de soi et un outil d'analyse de la prison. Les femmes y parlent des transformations opérées pendant les ateliers et au-delà, dans le temps et les différentes sphères de leur vie. Et la danse nous éclaire sur les fondamentaux de la prison, ses dimensions spatiales, sonores, temporelles, relationnelles et corporelles », expliquent les deux auteures. Si la première partie présente une réflexion autour du corps enfermé, de la danse contemporaine, puis pose les objectifs et modalités d'une telle pratique créatrice en milieu pénitentiaire, la seconde est plus précisément centrée sur des témoignages des détenues, des danseurs et des créateurs ayant participé aux ateliers. Parmi les principaux enseignements de l'expérience : l'importance des temps d'échanges avec les travailleurs sociaux de la prison et des possibilités de restitution publique du travail réalisé, l'attention particulière portée à la vulnérabilité des personnes incarcérées. Des photos prises au cours des représentations viennent compléter l'ouvrage.
Thierry Machuel est compositeur. Les notes de Paroles contre l'oubli lui ont été inspirées par les textes de dix détenus de la centrale de Clairvaux (Aube). Dans cette abbaye du XIIe siècle transformée par l'Etat en l'une des prisons les plus sécurisées de France, le documentariste Julien Sallé a posé sa caméra. Son film Or, les murs retrace le travail du compositeur durant tout le processus de création de l'oeuvre chorale. Ecrits au cours d'ateliers d'écriture, les textes des détenus parlent de leur part d'ombre : la souffrance de l'incarcération, la façon dont on perd le contact avec ses proches et dont on vit les événements par procuration. Mais aussi de leurs moments de lumière : « J'ai passé des années à ne voir que des murs, mais ici on entend des oiseaux, on voit des arbres, ça apaise. Respirer l'odeur des fleurs, c'est un peu redevenir humain », récite l'un des détenus, filmé de dos. « Pour ces personnes condamnées à de longues peines, l'ouverture sur un univers artistique et l'implication dans la création d'une oeuvre destinée à être représentée au-dehors permet la restauration de leur identité d'homme. Cela peut être alors un premier pas sur le chemin d'une reconstruction et d'une possible réinsertion », explique Anne-Marie Sallé, responsable de la programmation du festival Ombres et Lumières, où a été présentée, en septembre dernier, la création musicale.
Chairs incarcérées. Une exploration de la danse en prison - Sylvie Frigon et Claire Jenny - Ed. du Remue-Ménage -
Or, les murs - Julien Sallé - Diffusé au festival Escales documentaires de La Rochelle, les 10 et 11 novembre -