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La CMU : une réforme à savoir dépasser

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Qui se souvient encore aujourd'hui du climat dans lequel fut votée la loi du 31 juillet 1999 créant la couverture maladie universelle, ou CMU ? L'affiliation généralisée à la sécurité sociale de ceux qui ne disposaient d'aucune prise en charge ne fit alors guère débat : elle se situait dans le prolongement des initiatives de nombreuses collectivités pour moderniser l'aide médicale et mettre fin à une « médecine des pauvres ». En revanche, fut plus âprement discutée la création d'une couverture complémentaire santé ouverte gratuitement et largement à tous ceux que la modestie de leurs ressources empêchait de recourir à une mutuelle ou à une assurance individuelle. Et la possibilité, au-delà des organismes traditionnels de protection complémentaire, de souscrire cette CMU-C directement auprès du régime de base auquel on est rattaché fut considérée par certains comme une innovation dangereuse.

C'est dire que l'apparition, pour la première fois dans notre système de protection sociale, d'un bouclier sanitaire en fonction des revenus n'alla pas de soi, loin s'en faut. Bien sûr, ce ne fut pas, il y a dix ans, l'opposition exacerbée à laquelle se heurte aujourd'hui le président Obama pour faire passer son projet d'assurance maladie universelle. Les enjeux n'étaient pas les mêmes, parce que les lacunes de la protection sociale n'étaient heureusement pas de même ampleur. Pourtant, malgré l'objectif du Conseil national de la résistance de mettre en oeuvre une véritable assurance maladie universelle, repris, on l'a trop vite oublié, par le plan Juppé en novembre 1995, ce sont bien alors des divergences idéologiques profondes qui s'exprimèrent, au-delà même des classiques oppositions partisanes. Autant la gratuité des soins en fonction de la gravité des affections ne soulève guère d'objections de principe, autant la déconnexion entre une protection très large et une contribution nulle semblait à certains remettre en cause les fondements mêmes de la protection sociale, sans préjudice des éternels débats sur les risques de trappe à pauvreté et de fraude. Et la mission élargie à la couverture complémentaire des caisses des régimes de base apparaissait à d'autres comme une véritable transgression de la barrière des espèces, remettant en cause le Yalta social de la Libération. Cette réforme a été pourtant célébrée il y a peu dans le plus parfait consensus, comme l'a montré le colloque d'anniversaire organisé par le Fonds CMU et Sciences Po. Chacun a reconnu son apport majeur dans l'accès aux soins des plus fragiles. Tous sont convenus de sa contribution importante à la réduction des inégalités de santé. Le rôle déterminant d'un tel dispositif de protection sociale a été souligné à l'envi dans le contexte de la crise économique qui, depuis mars 2009, pousse continûment à la hausse le nombre de bénéficiaires. Reste, certes, la difficulté majeure du refus de soins opposé fréquemment par certains professionnels de santé aux bénéficiaires de la CMU, qu'ont mis en évidence divers « testings ». Mais hormis cette ombre lourde, dont les débats à propos de la loi HSPT ont montré que l'on est scandaleusement prêt à s'accommoder, pour une fois, la France aurait réussi, à bas bruit, une grande réforme sociale.

Elle reste pourtant presque entièrement à faire. On ne peut plus longtemps se contenter d'un bouclier sanitaire pour les seuls plus démunis quand la part de prise en charge par les régimes d'assurance maladie obligatoire se réduit aussi vite que ces dernières années : le nombre de ceux qui sont pris en charge à 100 % pour longue maladie ne cessant d'augmenter, ce désengagement pèse de plus en plus lourdement sur le reste de la population, fragilisée pour une grande part, voire en risque de déclassement du fait de la crise. Il est désormais indispensable de dépasser une réforme en réalité limitée et en quelque sorte de bonne conscience, pour refonder l'ensemble d'un dispositif d'assurance maladie devenu gravement inéquitable.

Il n'est que temps de redéfinir une assurance maladie pour notre temps qui généralise le bouclier sanitaire dont la CMU est la première illustration. Une assurance maladie qui revisite certains de ses principes pour s'affirmer vraiment universelle. Universelle réellement par ses bénéficiaires, certes ; universelle toujours dans ses prestations, assurément, pour que chacun soit soigné selon ses besoins ; mais universelle surtout dans ses financements, pour substituer aux injustices de prise en charge et de financement actuelles la prise en considération des revenus ; voire universelle peut-être même un jour davantage par ses acteurs, dès lors que la mise en concurrence des caisses publiques et des organismes complémentaires acceptée pour la gestion de la couverture complémentaire CMU finirait par s'étendre dans l'avenir, comme en Allemagne, à la gestion des régimes de base.

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