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Accompagnateurs du quotidien

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En charge des personnes les plus dépendantes, les aides médico-psychologiques sont relégués en bas de l'échelle des professions du secteur social. Pourtant, à travers les gestes techniques - et souvent ingrats - de l'accompagnement au quotidien, ils tissent une relation d'aide qui, en alliant thérapeutique et éducatif, est parfois le dernier lien qui rattache les usagers à notre humanité.

Comment préserver la singularité des aides médico-psychologiques (AMP) ? Ce métier, méconnu, souvent mésestimé, occupe une place à part à l'articulation du médical et du social. Sa position charnière, née de la rencontre de deux disciplines aux cultures bien tranchées (la médecine et la psychologie), le rend difficile à classer, même pour sa tutelle, le ministère en charge des affaires sociales. Les textes officiels définissent le diplôme d'Etat d'AMP comme étant la « première qualification de la filière éducative », mais affirment, dans le même temps, son positionnement « à la frontière de l'éducatif et du soin » (1). Cette ambiguïté n'est pas sans réjouir Philippe Chavaroche, formateur et directeur adjoint du centre de formation au travail sanitaire et social de la Fondation John-Bost : « Paradoxalement, le fait que les AMP ne trouvent pas leur place dans cette opposition stérile soin/éducatif est le signe le plus sûr de leur bonne place », note-t-il (2). Selon lui, leur spécificité réside justement dans ce « glissement permanent » du soin vers l'éducatif ainsi que dans le « caractère «transitionnel» de leur fonction, qui fait lien entre le corps et le psychique, entre le thérapeutique et l'éducatif, entre la vie quotidienne et les activités d'animation, entre le lieu de vie et le lieu de soins » (3).

Cette façon d'être inclassable n'est pas étrangère à l'histoire de la profession. Avant d'être reconnue par l'Etat en 1972, elle s'est construite sur le terrain sous l'impulsion de quelques établissements pionniers (notamment le Clos du Nid en Lozère créé par François Tosquelles), qui participaient au grand mouvement de réhabilitation de l'« arriération mentale profonde » ; né dans les années 60, celui-ci visait à mettre fin à la logique asilaire pour humaniser l'hôpital. Educateurs et infirmiers se détournèrent de ces populations « hors normes », laissant la place aux AMP dont l'action s'inscrivait dans une culture du maternage, de la proximité corporelle et de la communication non verbale, et dont le quotidien était le principal terrain d'opération.

Aujourd'hui encore, sous la responsabilité d'un intervenant social ou paramédical, leur travail, peu spectaculaire, est fait de toilettes, de repas, de coucher, de promenades... « Notre métier s'ancre dans ces petits détails de rien du tout qui font une vie », explique Christine Rosolin, qui a exercé cette profession pendant 32 ans. « L'AMP soigne, apaise, répare, réconforte, est attentif à, encourage, veille sur, porte, supporte », complètent Anne Albiero, monitrice d'atelier, et Dany Conesa, AMP à la ferme thérapeutique le Fauron, un foyer d'hébergement accueillant des malades mentaux (4). Il s'agit d'aider un résident à manger convenablement, de changer une personne qui a uriné dans ses vêtements, d'accompagner un malade dans le choix de sa tenue pour la fête de fin d'année, de préparer le moment si délicat et angoissant du coucher... « Ces professionnels se caractérisent par leur grande polyvalence qui les rend adaptables à de multiples situations, note Damien Gillot, directeur des Tamaris, en Corrèze, qui regroupe un foyer occupationnel, un foyer d'accueil médicalisé et une maison d'accueil spécialisée, dont les deux tiers du personnel éducatif sont constitués d'AMP. Ils sont capables d'être à la fois dans l'éducatif, dans l'animation et dans le thérapeutique. »

Pierre angulaire de leur intervention : la toilette, temps privilégié à la fois thérapeutique, éducatif et relationnel, qui exige autant de tact que de respect, une haute technicité des gestes et une compréhension fine de la personne dans le respect de son intimité. Moment de douceur et de bien-être, c'est aussi souvent l'occasion de stimuler la personne aussi bien au niveau physique que psychique tout en sachant reconnaître parfois l'émergence de sa sexualité. Comme le souligne Philippe Chavaroche, la toilette est aussi - surtout ? - la confrontation avec la souillure, une réalité quotidienne de ces professionnels, « souvent occultée, et dont les AMP parlent entre eux, mais peu en dehors » (5). Laver les personnes handicapées qui se souillent régulièrement du fait de déficiences neurologiques ou de souffrances psycho-pathologiques est souvent accompli dans la déconsidération par rapport à d'autres activités jugées plus nobles comme les activités éducatives ou les soins techniques. Aussi, parmi les professions du social, les AMP restent peu considérés, victimes d'une relégation qui les maintient dans la « même marginalité que les patients dont ils s'occupent », note Philippe Chavaroche (6). Il n'en reste pas moins qu'à travers cette façon de se coltiner avec l'« impureté » cet intervenant exécute des gestes fondamentaux qui lui permettent d'instaurer avec la personne qu'il accompagne « une relation qui l'inscrive, avec et au-delà de ses souffrances, dans la communauté humaine » (7).

On est donc loin, ici, du simple gardiennage et de la surveillance. Loin aussi, et a contrario, de l'hyperactivisme où le professionnel propose une multitude d'activités dont l'objectif est surtout de le rassurer lui, plutôt que la personne dont il a la charge et dont il n'a pas pris en considération les désirs. Car, si les AMP s'adressent à des personnes dont l'état de dépendance limite l'autonomie, leur rôle n'est pas - ne doit pas être - de les « normaliser » à tout prix, mais de proposer un cadre et une attitude sécurisants qui reconnaissent pleinement leur singularité. « Il faudra pour cela apprendre à taire les discours des soignants pour aller jusqu'à écouter le silence des soignés », commente Marie-Claude Poujoulet, responsable de formation à l'Institut Saint-Simon de l'Association régionale pour la sauvegarde de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte (Arseaa) (8). En outre, depuis la loi 2002-2, les professionnels sont amenés à tenir compte des droits individuels des résidents, notamment de leur droit à l'expression. Dans cette perspective, ces professionnels sont en première ligne pour recueillir, puis transmettre, les souhaits et désirs des personnes. Ce rôle d'écoute peut être favorisé par l'acceptation de ne rien faire, nonobstant la crainte d'être mal jugé par un regard extérieur sur le mode « il ne sert à rien, il ne fait rien ». De fait, les intervenants doivent composer avec la temporalité des usagers - essentiellement affective et psychique - pour qui regarder la rue est parfois une activité en soi, et le temps de l'établissement marqué par les soins et les contraintes institutionnelles.

Ce qui ne veut pas dire qu'aucune activité ne doit être proposée, bien au contraire. En effet, celle-ci offre des « mises en situations nouvelles pour les résidents », explique Béatrice Aimé, ancienne responsable de la commission AMP de l'Aforts (Association française des organismes de formation et de recherche en travail social) (9). Ce qui facilite « l'émergence de capacités, de comportements de découverte ou d'adaptation, et/ou de difficultés non révélés ou non repérés jusque-là ». En outre, ces activités vont ponctuer le quotidien en donnant des repères temporels aux personnes prises en charge. Pas question, néanmoins, de faire de ces intervenants des animateurs à temps plein. Ils sont avant tout des accompagnateurs du quotidien, qui s'attachent aux détails : pourquoi un tel ne mange pas ? Peut-être a-t-il besoin d'être davantage aidé au démarrage du repas, que l'équilibre sucré/salé soit légèrement modifié... « Ce sont les AMP qui connaissent le mieux les résidents, explique Damien Gillot. Bien qu'ils n'aient pas les mêmes savoirs que les éducateurs spécialisés, ils savent mettre en place, à force de proximité, toutes les astuces de prise en charge nécessaires à leur intervention. C'est pourquoi leurs observations vont être déterminantes pour aider les chefs de services éducatifs et les infirmiers à élaborer le projet individuel des résidents, et les médecins à poser le meilleur diagnostic possible. A ce titre, ils jouent un rôle prépondérant. D'ailleurs, les familles ne s'y trompent pas : elles s'adressent souvent à eux pour s'informer, ce qui est une marque de légitimité et de confiance. »

Au-delà de leur travail d'observation, les AMP doivent avoir acquis un certain nombre de techniques précises. Pour la toilette, par exemple, portage et soins permettent d'éviter les accidents corporels et de prévenir certaines pathologies comme les escarres. De même, pendant les repas, l'AMP doit veiller aux « fausses routes », accompagner au mieux la personne qui a des difficultés de déglutition... Il doit ensuite pouvoir proposer, si nécessaire, des massages abdominaux pour faciliter le transit intestinal. Autant de gestes du quotidien qu'il faut répéter encore et encore. « Chaque jour, avec plus ou moins de lassitude, il faut reprendre notre activité, sans pour autant montrer notre éventuel découragement », raconte Jean Besnier, AMP au foyer d'hébergement Les quatre saisons de l'AJH (Association les jeunes handicapés) à Bois-de-la-Pierre (Haute-Garonne), qui accueille des adultes handicapés mentaux (10). Et de poursuivre : « Quand vous savez que le lendemain sera semblable à la veille, au bout de quelque temps, une certaine «usure» se fait sentir. » A la répétition, centrale dans l'intervention des AMP, s'ajoutent des contrepoints, positifs (un progrès inattendu), mais aussi souvent négatifs : des régressions avec,par exemple, un départ temporaire ou définitif en hôpital psychiatrique et parfois la confrontation à la mort. « On n'est jamais sûr de rien et, pour trouver l'énergie nécessaire au quotidien, il faut parfois se contenter d'une main tenue, d'un sourire », résume Christine Rosolin.

Au-delà de ces formes spontanées de compensation qui rendent le quotidien moins lourd, il existe d'autres remparts face à l'usure : la création de regroupements de professionnels, au niveau régional notamment, afin d'échanger entre collègues et de mieux faire reconnaître ce métier. Mais, faute de temps (entre autres à cause des horaires décalés), ces associations sont souvent éphémères. Aussi est-ce dans les formations et le recours à la théorie que les AMP peuvent le plus sûrement trouver le « bol d'air » qui leur manque pour retourner vers les usagers avec un regard neuf. « Il faut sans cesse se nourrir du travail en équipe et s'alimenter de théories et de colloques, précise Christine Rosolin. C'est dans ce va-et-vient entre la clinique et les réunions interdisciplinaires, entre le terrain et la théorie, que nous sommes à même de faire de nouvelles observations qui aideront à mieux décoder la souffrance du malade. » Encore faut-il que le travail d'équipe interdisciplinaire soit maintenu, malgré les coupes budgétaires, ou simplement mis en place, notamment dans les établissements pour personnes âgées où il était jusque-là peu présent. Lorsqu'il existe, il sert de soupape en permettant aux AMP d'exprimer l'ambivalence de leurs émotions face aux personnes dont ils ont la charge. Sans cela, les professionnels peuvent être amenés à adopter des conduites maltraitantes ou, à l'inverse, à s'enfermer dans des épisodes dépressifs. Car l'AMP « se déplace sur un fil » qui peut l'amener à basculer du surinvestissement à l'indifférence et ne le met pas à l'abri d'une réaction inadéquate face à la violence des pathologies rencontrées, explique Béatrice Aimé (11). « Il faut donc des outils et des lieux pour penser ensemble, ce que l'on nomme habituellement dans les établissements les réunions », dit Philippe Chavaroche, qui affirme que, « dans les institutions où il n'y en a pas [...], les professionnels sont le plus souvent en souffrance » (12). Le risque est grand, alors, de voir s'installer des pratiques plus ou moins graves : vols de vêtements aux résidents, prothèses pénibles posées trop longtemps, souillures non nettoyées, moqueries... Pour les limiter, Jean-Mathias Pré-Laverrière, psychologue et psychanalyste, préconise la mise en place de deux types de réunions, à l'instar de ce qu'il avait proposé dans la maison d'accueil spécialisé « Les Papillons blancs » à Courcouronnes (Essonne) : les premières ont une visée décisionnelle ; les secondes (de réflexion, sur le mode de la supervision) permettent aux AMP de prendre la parole, d'exposer leurs difficultés et de rechercher des solutions avec leurs collègues. Grâce à ce dispositif, il constate que les AMP supportent moins mal la mort, la perte, l'impuissance, la frustration et qu'ils reconnaissent et assument mieux leurs émotions (haine, amour...) vis-à-vis des résidents. Cependant, rien « n'est jamais définitivement gagné », reconnaît le psychanalyste (13), qui a dû affronter des critiques portant sur la tendance à la « réunionite » et qui incrimine le turn-over important des AMP, dû principalement à la pénibilité du travail, à la faiblesse des rémunérations (les AMP sont situés aux échelons les plus bas des grilles indiciaires) et à l'absence de progression de carrière.

Un souci identitaire

Ces professionnels conservent malgré tout ce « souci identitaire qui est signe que, bien qu'ils écrivent et parlent peu, ils résistent et ne veulent pas se fondre dans la masse », affirme Christine Rosolin. Dans cette quête jamais achevée de leur identité professionnelle, la réforme de 2006 a-t-elle fait bouger les lignes ? En remplaçant le certificat d'aptitude aux fonctions d'aide médico-psychologique (Cafamp) par le diplôme d'Etat d'aide médico-psychologique, elle permet l'accession à la formation d'AMP par voie directe, dans le prolongement d'un cursus scolaire - jusque-là il fallait être en cours d'emploi. Beaucoup s'inquiètent de ce changement d'esprit qui a pour conséquence une distanciation par rapport au terrain, malgré la durée des stages qui reste importante (deux stages de 12 semaines). « Les premiers professionnels ayant suivi la formation en accès direct arrivent sur le marché du travail, constate Denis Turrel, directeur d'un foyer de vie et d'un foyer d'hébergement au sein de l'Association les jeunes handicapés. La différence avec les personnes qui ont déjà travaillé 15 ou 20 ans et qui ne font que valider des compétences est bien évidemment importante. Cela pose d'ailleurs des questions en termes de posture professionnelle : à 20 ans, est-on suffisamment mûr pour faire face à la maladie et à la mort ? »

En outre la création de six modules de formation pour rendre possible le recours à la validation des acquis de l'expérience change la donne : « Peut-on sans risque découper, séparer, voire enchâsser une action qui vise des êtres humains ? », s'alarme Arlette Durual, formatrice, responsable de la filière des AMP au sein de l'organisme de formation ADEA pour qui « l'action de l'AMP relève d'un «art de faire», qui ne se résume pas à la maîtrise de certains gestes techniques et supporte mal les «protocolisations» à outrance » (14).

D'autres acteurs voient pourtant dans la réforme une ouverture positive. Au-delà de la reconnaissance du métier avec le passage du certificat au diplôme d'Etat, les AMP peuvent désormais apporter leur savoir-faire dans des champs nouveaux, plus proches de l'intervention sociale traditionnelle (voir encadré, page 30). D'autant que la création de passerelles entre diplômes de niveau V (AMP, auxiliaire de vie sociale, aide-soignant, auxiliaire de puériculture), soit sous la forme d'une validation automatique, soit sous la forme d'allégements de formation, devrait engendrer une plus grande mobilité professionnelle, à l'instar de nombreux AMP travaillant avec les personnes âgées qui entament une formation d'aide-soignant réduite. Les nouvelles perspectives d'emplois qui devraient ainsi voir le jour suffiront-elles à susciter un intérêt nouveau pour cette profession ? Peut-être. Philippe Chavaroche pointe néanmoins deux risques majeurs : d'une part, la perte de spécificité des AMP dont la culture singulière pourrait se dissoudre dans une approche éducative plus traditionnelle et, d'autre part, l'effet d'aubaine pour les employeurs qui auraient tout bénéfice à remplacer leurs éducateurs spécialisés par ces professionnels au coût salarial plus faible. « Qui restera alors auprès des plus fragiles ? », se demande le formateur.

Dans ce contexte, la formation reste centrale pour perpétuer la transmission de cette culture professionnelle particulière. A condition qu'elle continue à s'appuyer sur une approche clinique. Car, bien que le bon sens ne suffise pas et que la théorie soit incontournable, « ce qui fonde le coeur de métier d'AMP, la capacité à construire un espace relationnel qui inscrit les personnes en tant que sujets, ne s'apprend finalement que peu dans les livres ou à l'occasion de conférences », souligne Arlette Durual (15). Selon elle, cette façon d'être et de considérer l'autre peut être incarnée et transmise dans la relation entre formateur et futurs AMP : pour les premiers, il s'agit d'appréhender les seconds « du côté de leurs possibles plutôt que du côté de leurs manques » comme ils auront à le faire avec les personnes dont ils auront la charge. Au-delà de ce travail sur la relation, la formation doit également être le lieu de la valorisation des savoir-faire, impossible sans une confrontation aux réalités de terrain. Lui seul permettra aux AMP, dans le cadre de leur formation, d'appréhender la fragilité qui résulte du décalage entre l'idéal d'aider les autres et la réalité très difficile des personnes dont ils ont à s'occuper et qui fait partie de leur engagement professionnel. Car « les AMP s'engagent. D'ailleurs on ne fait pas ce métier de façon mécanique, estime Philippe Chavaroche. En outre, ces professionnels ont désormais conscience de l'importance de leur profession. » Et de leur enjoindre de conserver leur singularité qui bouscule les approches traditionnelles en recourant à plusieurs champs conceptuels tout en appelant à ce qu'ils soient enfin reconnus à leur juste valeur. « Il n'y a pas de fatalité dans ce travail auprès de ces personnes gravement handicapées mentales, l'usure n'est pas inéluctable, explique-t-il. Ce milieu professionnel peut même révéler de grandes richesses, engendrer de vrais projets professionnels [...] et procurer de réelles satisfactions » (16).

DE L'ENFANCE INADAPTÉE À L'AIDE À DOMICILE

Dès l'origine, les aides médico-psychologiques (AMP) se situent dans les marges du travail social, là où « la souillure, la folie et la mort se côtoient », comme le note Philippe Chavaroche (17), formateur et directeur adjoint du centre de formation au travail social de la Fondation John-Bost. D'abord investis dans le secteur de l'enfance inadaptée, ces professionnels peuvent exercer leur fonction, depuis 1978, dans les centres hospitaliers accueillant des « arriérés profonds » ou des malades dont « l'état nécessite qu'ils soient alités ». Ils travaillent alors dans les établissements du secteur médico-social (maisons d'accueil spécialisées, instituts médico-éducatifs, foyers d'accueil médicalisé, foyers de vie, hôpitaux psychiatriques...) auprès des personnes polyhandicapées souffrant d'invalidité physique et de troubles du comportement. En 1992, leur champ professionnel s'étend à l'ensemble des personnes handicapées ou des personnes âgées plus ou moins dépendantes, ce qui marque la généralisation de leur présence dans les établissements pour personnes âgées - d'autant plus que la pénurie d'aide-soignants dans certains départements pousse les EHPAD (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) à se tourner vers eux pour réaliser le même travail. Leur culture de la relation et de l'écoute entre pourtant en contradiction avec le modèle hospitalier qui existe dans certains établissements pour personnes âgées. Sans compter que la fonction publique hospitalière, en assimilant les AMP à des aides-soignants, les assujettit aux mêmes hiérarchies et les considère souvent comme de simples exécutants d'actes sanitaires. Autant d'éléments qui, sur le terrain, ne sont pas sans provoquer des frictions avec les aide-soignants plus portés sur les actes techniques et la guérison que sur l'accompagnement à la dépendance.

Depuis 2006, leur champ d'intervention s'est encore agrandi en s'ouvrant à l'aide à domicile - notamment aux services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et aux services de soins et d'aide à domicile (SSAD) - et au secteur de l'inadaptation sociale : les AMP peuvent désormais exercer dans les ITEP (instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques), les MECS (maisons d'enfants à caractère social), les CHRS (centres d'hébergement et de réinsertion sociale)... « Qu'il y ait des AMP dans ces nouveaux établissements est tout à fait positif à condition que ce soit dans le cadre d'une équipe pluridisciplinaire, affirme Marie-Hélène Lebatteux, directrice d'un centre de formation au travail social en Bretagne. Or, pour l'instant, ces intervenants sont surtout embauchés à la place d'éducateurs spécialisés ou de moniteurs-éducateurs : malgré le professionnalisme des AMP, il existe un risque d'abaissement de la qualité de l'accompagnement. » Pourtant, il n'y a parfois pas d'autres choix. Dans l'ITEP « Le chantier » situé en Dordogne, il a bien fallu se rendre à l'évidence : contrairement aux éducateurs spécialisés, peu motivés pour travailler en établissement avec ce type de public (des jeunes de 14 à 20 ans souffrant de graves troubles du comportement et de la personnalité), certains employés, recrutés comme veilleur de nuit ou « dame de maison », s'en sortaient plutôt bien. « Du coup, un peu par défaut, parce qu'ils n'avaient pas le bagage scolaire requis pour accéder à la formation d'éducateurs, on leur a proposé une formation d'AMP, raconte Pierre Maly, directeur de la structure. Non seulement ils en ont été très satisfaits mais, pour nous, ça a été une façon de les intégrer dans la convention collective et de faire évoluer leur carrière. »

AMP, AVS ET AIDE-SOIGNANT : VERS UNE HARMONISATION DES FORMATIONS

Ce sont les « OS du social », comme les appelle Philippe Chavaroche. En première ligne face aux situations humaines les plus difficiles, aide médico-psychologique (AMP), auxiliaire de vie sociale (AVS) et aide-soignant exercent des métiers très proches et se côtoient souvent sur le terrain. Si les AMP et les aide-soignants exercent plutôt en établissement et les AVS à domicile, on voit peu à peu les frontières se brouiller. Dans un contexte d'accroissement de la grande dépendance, le travail conjoint est de plus en plus développé avec un impératif de prise en charge globale qui n'a que faire de la frontière entre le secteur sanitaire et le secteur social. « On va tôt ou tard vers un tronc commun des formations d'AMP, d'AVS et d'aide-soignant », explique Denis Turrel, directeur d'un foyer d'hébergement et d'un foyer de vie au sein de l'Association les jeunes handicapés (AJH). Rien n'empêche, en effet, la création d'une plate-forme commune de ces diplômes de niveau V, au moins la première année, suivie par exemple d'une spécialisation (sociale pour les AVS, éducative pour les AMP et orientée vers le soin pour les aides-soignants). Certains organismes de formation, comme le Groupement des institutions médico-éducatives et sociales (GRIMES) en Bretagne, ont déjà commencé à rapprocher ces formations autour de thématiques spécifiques (rapport au corps, alimentation, pathologies...). « Quand la complémentarité entre ces métiers est acquise dès la formation, elle se poursuit sur le terrain, ce qui va tout à fait dans le sens de la loi 2002-2, qui préconise de prendre en compte les besoins de la personne dans sa globalité », note Marie-Hélène Lebatteux, directrice du GRIMES. Au niveau national, une réflexion, pilotée par la direction générale de l'action sociale (DGAS), est actuellement en cours pour remettre à plat l'offre de certification de niveau V visant l'aide et l'accompagnement social des personnes. Le groupe de travail mandaté par la commission professionnelle consultative (CPC) du travail social et de l'intervention sociale devrait aboutir à une simplification de l'offre de certification et à une plus grande lisibilité des diplômes. Un socle commun de compétences a d'ores et déjà été identifié à partir notamment des référentiels des AMP, des aides-soignants et des AVS. Il regroupe sept compétences (instaurer la relation - communiquer avec l'usager, identifier les besoins de l'usager, aider l'usager dans les soins d'hygiène, veiller à la sécurité et au confort de l'usager, développer, stimuler, maintenir ou restaurer l'autonomie de l'usager, aider à la mobilité, s'auto-évaluer et réajuster son action) à partir desquelles il est possible de distinguer une dominante « soin » (aide-soignant) et une dominante « aide et accompagnement social » (AMP, AVS). Au vu de ces résultats, le rapprochement des formations d'AMP et d'AVS est à l'ordre du jour, ainsi qu'une harmonisation avec la formation d'aide-soignant. Il devra pendre en compte les conclusions que vient de remettre ce mois-ci au Premier ministre la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP), qui avait été mandatée au printemps pour travailler à la simplification de l'offre de certification dans le domaine de l'aide aux personnes fragiles - âgées et handicapées notamment.

Notes

(1) Annexe de l'arrêté du 11 avril 2006 relatif au diplôme d'Etat d'aide médico-psychologique - Voir ASH n° 2471 du 29-09-06, p. 17.

(2) In « Les aides médico-psychologiques : prendre soin au quotidien » - Empan n° 70 - Juin 2008 - Ed. érès - 16 .

(3) Dans une tribune libre parue dans les ASH n° 2296 du 31-01-03, p. 29.

(4) In « Les aides médico-psychologiques : prendre soin au quotidien » - Op. cit .

(5) Dans une interview parue dans les ASH n° 2077 du 26-06-98, p. 31.

(6) In « Les aides médico-psychologiques : prendre soin au quotidien » - Op. cit .

(7) Dans une tribune libre parue dans les ASH n° 2296 du 31-01-03, p. 29.

(8) In « Les aides médico-psychologiques : prendre soin au quotidien » - Op. cit .

(9) Ibid.

(10) Ibid.

(11) Ibid.

(12) Lors d'une intervention au colloque « Handicap et enjeux de société » à l'ENS Cachan, les 25 et 26 janvier 2006.

(13) In « Les aides médico-psychologiques : prendre soin au quotidien » - Op. cit .

(14) Ibid.

(15) Ibid.

(16) Lors d'une intervention au colloque « Handicap et enjeux de société », déjà citée.

(17) Dans une tribune libre parue dans les ASH, n° 2296 du 31-01-03, p. 29.

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