Organiser « un service public de l'hébergement et de l'accès au logement ». Telle est la volonté du secrétaire d'Etat au logement, Benoist Apparu, dans le cadre du « schéma national de la refondation de l'accueil des sans-abri » engagé par son prédécesseur, Christine Boutin, et repris le 21 septembre avec les associations. Un document de travail daté du 6 octobre, élaboré par la mission d'Alain Régnier, préfet délégué général à la coordination du « chantier national prioritaire 2008-2012 pour les personnes sans abri ou mal logées », propose les « éléments constitutifs » d'un tel projet.
Tout service public « doit répondre à trois grands principes fondamentaux : la continuité, l'égalité [notamment territoriale] et la mutabilité » (adaptation aux besoins), souligne-t-il. Il suppose de « replacer l'usager au coeur du dispositif, en tant que citoyen disposant d'un ensemble de droits » et de « créer les conditions d'une meilleure efficacité ». Le document ajoute que le service public suppose « un mode de relation spécifique » entre ses membres : « l'Etat et les délégataires sont liés par des conventions de délégation de service public, fixant les objectifs, moyens, dispositifs de contrôle sécurisant les opérateurs et introduisant une culture de résultat. »
Cette orientation fait réagir l'Uniopss, qui refuse de voir les associations devenir des délégataires de service public et risquer de perdre leur marge d'initiative. Au cours d'une réunion de travail avec les associations, le 13 octobre, « le ministre a répondu qu'il s'agirait plutôt de passer des conventions avec les associations autour de la réalisation de missions d'intérêt général », se félicite-t-elle néanmoins. Pour éviter tout ambiguïté, l'union a tout de même adressé un courrier au secrétaire d'Etat pour s'assurer que ses propos soient bien repris dans les travaux en cours. « Ce n'est pas seulement une question de modalité juridique, précise Jeanne Dietrich, conseillère technique chargée de l'emploi et du logement à l'Uniopss. Les conventions permettraient aux associations de continuer à proposer des projets, de rester force de propositions, tandis que la délégation s'inscrit dans une logique uniquement descendante. » Marie-Françoise Lavieville, adjointe d'Alain Régnier, confirme que le document de travail n'avançait qu'une « hypothèse », sans vouloir remettre en cause la liberté d'action des associations. Mais la création d'un « service public de l'hébergement et de l'accès au logement » passera quoi qu'il en soit par une redéfinition « des missions des opérateurs, qui devraient y gagner en clarté dans leurs rapports avec l'Etat ». Lequel verrait aussi ses responsabilités précisées en termes de détermination des objectifs, d'affectation des moyens et d'évaluation. « Si la notion de service public consiste à définir des missions d'intérêt général mises en oeuvre par un certain nombre d'acteurs et pilotées par l'Etat, dans le cadre d'une politique publique clairement énoncée, nous l'accueillons de façon positive, tout en restant vigilants sur la suite des travaux », commente pour sa part Hervé de Ruggiero, directeur général de la FNARS (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale). Dans cette perspective, le changement de paradigme ne concerne pas seulement l'Etat. Pour les opérateurs aussi, « l'amélioration de la prise en charge des personnes sans abri implique une vraie révolution culturelle », poursuit-il.
Pour mettre en oeuvre cette « refondation », le document de travail de la mission d'Alain Régnier expose les pistes à explorer, notamment au sein des trois groupes de travail qui ont été mis en place avec les représentants de l'Etat et les associations. Un premier volet de mesures porte sur la création d'un « service d'accueil et d'orientation de la rue au logement », qui serait « unifié à chaque étape du parcours ». Celui-ci permettrait, en améliorant notamment la coordination des équipes mobiles et la gestion des attributions de places, d'assurer une mise à l'abri immédiate des personnes, leur évaluation sanitaire et sociale et leur orientation vers une solution adaptée. Un « référent unique » - travailleur social chargé de coordonner l'accompagnement jusqu'à l'accès effectif au logement - devrait être attribué à chaque personne demandeuse d'hébergement ou de logement adapté. Les modalités d'admission dans les hébergements de stabilisation et d'insertion devraient être redéfinies, avec une mutualisation de toutes les places disponibles et l'instauration d'« un réel travail partenarial pour décider de leur affectation » (voir l'expérience de la Maison de la veille sociale, à Lyon, dans ce numéro, page 38). Le document suggère de créer un fichier « nominatif, unique et partagé, de l'entrée et de la sortie de l'hébergement permettant de recenser en temps réel les demandes d'hébergement de stabilisation, d'insertion ou de logement adapté ». Il serait articulé avec le fichier de demandes de logement social. Et son accès limité aux travailleurs sociaux.
Un deuxième volet porte sur la structuration de l'offre d'hébergement. Dans ce cadre, un référentiel « coûts/prestations » devrait être établi, l'offre existante rendue plus lisible, notamment par l'harmonisation des statuts des établissements, et l'évolution de l'offre programmée sur chaque territoire. Dans une logique qualifiée de « logement d'abord » - troisième pilier de ce service public -, un cadre de référence pour l'accompagnement social « vers et dans le logement » devrait être élaboré, précisant entre autres les conditions de son financement. Autres pistes préconisées : améliorer la production de logements sociaux, en prévoyant « un volume élevé et recentré sur les marchés tendus de production de logement social » et « contractualiser » avec les collectivités locales et les bailleurs sociaux afin qu'ils participent au relogement des ménages prioritaires pour le droit au logement opposable. Le document demande également une réflexion sur l'amélioration de la solvabilité des ménages les plus modestes. Sur tous ces sujets, les groupes de travail doivent remettre leurs conclusions à la fin du mois. Le secrétaire d'Etat devrait, quant à lui, se prononcer début novembre.