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Réduction de la pauvreté : les chiffres ne sont pas bons, pointent les associations

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Force est de constater que le premier rapport de suivi de l'objectif gouvernemental de baisse d'un tiers de la pauvreté en cinq ans, rendu public quelques jours avant le 17 octobre, journée mondiale du refus de la misère (1), n'invite guère à l'optimisme. Alors que Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solida-rités actives contre la pauvreté, a jugé l'évolution de ses principaux indicateurs « encourageante mais contrastée », les associations portent sur ces résultats un regard beaucoup plus critique.

A quelques exceptions près, les chiffres, dont les derniers disponibles remontent à 2007, ne sont pas bons. Principale référence retenue par le gouvernement, le taux de pauvreté monétaire « ancré dans le temps » - calculé selon un seuil initial fixé à 60 % du revenu médian en 2006 (876 € ) - a baissé de 5 % en un an (de 13,1 % à 12,5 %). Mais les associations, reprenant les arguments de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, jugent que cet indicateur, qui repose sur une valeur fixe corrigée de l'inflation, n'est pas significatif, car voué à faire réduire « mécaniquement » la pauvreté. Le taux de pauvreté monétaire relatif - calculé avec un seuil fixé à 60 % du revenu médian annuel - a, quant à lui, augmenté de 2 % (de 13,1 % à 13,4 %). « Ce qui veut dire que les pauvres ont globalement vu leurs ressources diminuer », commente la FNARS (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale). L'intensité de la pauvreté a aussi crû de 1 %.

Compte de tenu de ces résultats et des effets de la crise économique, « l'objectif du gouvernement sera très difficile à atteindre, sauf s'il prend de nouvelles mesures d'ampleur », juge l'Uniopss (Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux). Dans une déclaration commune (2), le collectif Alerte et sept organisations syndicales d'employeurs et de salariés, engagés depuis quatre ans dans une réflexion partagée sur la lutte contre l'exclusion, enfoncent le clou avec plusieurs revendications immédiates. Parmi elles : l'adaptation des dispositifs d'accompagnement vers l'emploi aux situations spécifiques des personnes éloignées du marché du travail, l'accès à la formation professionnelle pour les personnes les moins qualifiées et la mise en place des pactes territoriaux d'insertion prévus par de la loi généralisant le revenu de solidarité active (RSA). Plus globalement, « nous nous préoccupons de l'articulation entre l'insertion sociale et l'insertion professionnelle », précise Bruno Grouès, conseiller technique à l'Uniopss, coordinateur du collectif Alerte.

La plupart des indicateurs recueillis avant la crise sont en hausse, ajoute la FNARS, qui cite notamment le taux de pauvreté monétaire relatif des 18-24 ans (+ 6 %), des moins de 18 ans (+ 1 %, avec un taux de 18 % en 2007) ou encore le nombre de ménages surendettés (+ 11 % entre 2003 et 2008). Le seul progrès enregistré concerne le logement, relève ATD quart monde, 33 % des demandes des publics désignés prioritaires par les commissions de médiation « droit au logement opposable » (DALO) ayant abouti.

Les résultats seront-ils meilleurs à l'avenir ? Le gouvernement reconnaît que ses projections établies pour 2007-2009 sont à considérer « avec une grande prudence ». Les associations, elles, les estiment en décalage avec la réalité. D'autant que les effets de la crise vont encore se faire sentir et que les politiques publiques, trop « ciblées », leur paraissent insuffisamment ambitieuses. L'objectif de réduction de la pauvreté « ne vise qu'à permettre à ceux qui sont aujourd'hui proches du seuil de pauvreté de 2006 de le franchir », critique ainsi le Secours catholique, qui s'inquiète de voir au quotidien s'amplifier les renoncements aux droits fondamentaux, comme la santé, le logement, les loisirs. Il s'interroge dans ce contexte sur les « incertitudes qui pèsent sur le budget des communes à travers la suppression annoncée de la taxe professionnelle », dont pourrait à ses yeux pâtir l'action sociale de proximité.

Refusant également des objectifs chiffrés focalisés sur les catégories de population les plus proches du seuil de pauvreté, ATD quart monde compte surveiller de près un autre critère, celui de l'indicateur de pauvreté monétaire au seuil de 40 % du revenu médian (moins de 500 € par mois). Ce taux de pauvreté est resté stable à 3,1 % en 2007 et le gouvernement prévoit une réduction de seulement 5 % d'ici à 2012. Pour les ménages concernés par ce niveau de ressources, le passage du RMI au RSA n'a rien changé, pointe l'association, également vigilante sur les indicateurs non monétaires (accès à l'emploi, au logement, à l'éducation, à l'accès aux soins).

ATD quart monde interpelle également le chef de l'Etat sur la mise en oeuvre des recommandations à la France du Comité des droits de l'enfant de l'ONU. De fait, 30 % des personnes vivant sous le seuil de pauvreté sont des enfants. « 300 000 vivent dans l'errance, d'hôtels en hébergements d'urgence », précise l'association, qui réclame d'ériger la construction de logements sociaux en priorité nationale pour permettre de répondre aux besoins identifiés par la mise en oeuvre du DALO.

Autre revendication : lutter contre la stigmatisation, les discriminations et autres humiliations subies par les enfants des milieux défavorisés, notamment à l'école. Elle souhaite que la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité se saisisse du sujet. Alors que « 150 000 enfants sont séparés de leur famille », en majorité des mineurs en situation de précarité pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, ATD quart monde demande enfin que les alternatives au placement soient multipliées, le soutien aux familles développé et les formations mutuelles entre professionnels et parents défavorisés généralisées « pour mieux se connaître et dépasser les préjugés » (3). Nicolas Sarkozy, à qui l'association a adressé un mémoire « appelant à des choix politiques et citoyens pour qu'aucun enfant ne soit condamné à vivre dans la misère », a accepté de répondre à sa demande d'audience. Rendez-vous devrait être pris avant le 20 novembre, 20e anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant.

Notes

(1) Voir ASH n° 2628 du 16-10-09, p. 5.

(2) Signée par la CFDT, la CGT, l'UNSA, la CGPME, la FNSEA, le Medef et l'UPA.

(3) Voir, sur le « croisement des savoirs », ASH n° 2625 du 25-09-09, p. 22.

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