Quels problèmes les personnes handicapées mentales vieillissantes rencontrent-elles dans le parcours de soins ?
En dehors des personnes trisomiques, l'espérance de vie de ces publics rejoint désormais celle de la population en général : les médecins sont donc confrontés à un public qu'ils ne rencontraient pas jusque-là. De plus, alors qu'auparavant ces personnes mouraient bien avant leurs parents, ceux-ci ne vivent plus suffisamment longtemps pour s'occuper d'elles. Aux pathologies liées à l'avancée en âge, s'ajoutent des maladies génétiques ou liées à une présence en institution prolongée. En outre, ces personnes ont du mal à exprimer leurs symptômes. Leurs troubles sont donc sous-diagnostiqués, notamment les affections dentaires, gynécologiques, ophtalmologiques...
Par ailleurs, très peu de structures sont adaptées à l'accueil de ces patients, qui ont besoin de consultations longues et complexes, donc « peu rentables ». Imaginons qu'une personne handicapée mentale arrive aux urgences et qu'elle doive attendre trois heures avant d'être prise en charge : elle aura nécessairement des difficultés d'adaptation et des troubles du comportement ! De même, si elle est hospitalisée et qu'on lui apporte son plateau-repas, elle ne mangera pas... Ces personnes ont besoin d'un accompagnement spécifique.
Y a-t-il néanmoins des avancées ?
Oui, en Provence-Alpes-Côte d'Azur le réseau Handident a été créé. Il regroupe des dentistes proposant des techniques d'accueil adaptées, avec des interventions sous sédation, voire sous anesthésie générale. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) expérimente actuellement l'utilisation de pictogrammes comme support de communication. Ailleurs, dans les hôpitaux marseillais, le plan de formation comprend des sessions sur l'accueil des personnes handicapées, avec l'objectif de former au moins une personne par service. Certains hôpitaux ont également créé des commissions « handicap » réunissant l'ensemble des acteurs concernés. A La Chrysalide, l'association que je préside, nous avons instauré une commission « Santé » au sein de nos établissements médico-sociaux, composée de médecins et d'infirmiers qui proposent aux équipes une information sur la douleur, sur la fin de vie... Enfin, à Marseille, des parents et des bénévoles interviennent dans les écoles d'infirmières afin de former les futurs professionnels à l'accueil des personnes handicapées.
Les agences régionales de santé peuvent-elles améliorer la situation ?
Ayant pour objectif de regrouper sous une même direction le sanitaire et le médico-social, elles devraient faciliter les relations entre les deux secteurs au bénéfice de la prise en charge médicale des personnes handicapées vieillissantes. Mais nous restons vigilants car le médico-social ne représentera qu'une petite partie de leurs actions.
Que doit faire le gouvernement ?
Il peut déjà faire beaucoup par de simples incitations, en demandant, par exemple, que chaque hôpital se dote d'une commission « handicap ». Il faut néanmoins aussi des moyens financiers, notamment pour que les associations gestionnaires d'établissements puissent embaucher des professionnels de santé qualifiés. Enfin, les maisons de retraite, d'une façon générale, ne sont pas adaptées aux personnes handicapées mentales. Quelques structures spécialisées émergent ici et là (La Chrysalide a ouvert trois foyers adaptés) mais comment faire face aux besoins des personnes âgées handicapées mentales pour lesquelles il n'existe actuellement aucune solution (estimées à 15 000 au sein de l'Unapei) ?
(1) Le 15 octobre dernier, l'Unapei organisait un colloque sur le thème « Handicap mental et vieillissement : approche médicale et accompagnement ».