Recevoir la newsletter

Des maisons sans toit pour les malades Alzheimer

Article réservé aux abonnés

Annoncées par le plan Alzheimer 2008-2012, les maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer (MAIA) commencent à sortir de l'imprécision qui les entourait. Expérimentées dans 17 sites pilotes, elles bousculent le modèle de la coordination pour y substituer celui de l'intégration des acteurs dans un même dispositif local. Une remise à plat des pratiques de collaboration entre les professionnels du sanitaire et du social.

Les familles le savent : la maladie d'Alzheimer cristallise la plupart des difficultés observées dans les situations de perte d'autotomie. Aussitôt le diagnostic posé, la demande d'aide du patient et de son entourage se dilue dans un espace incertain, investi par une multitude d'acteurs aux priorités, aux logiques et aux savoirs différents : du médecin généraliste aux services de neuro-psychiatrie, en passant par tous les paliers des services sociaux et médico-sociaux privés comme publics. Plusieurs dispositifs ont été mis en place au cours des dernières années pour tenter d'apporter quelques éléments de cohésion, notamment les centres locaux d'information et de coordination (CLIC) et les réseaux gérontologiques. Mais d'orientation principalement sociale pour les premiers et sanitaire pour les seconds, leur domaine d'intervention reste encore trop cloisonné pour prétendre mettre fin au désarroi des familles.

C'est donc sous la pression des associations d'usagers que le troisième plan Alzheimer pour 2008-2012 s'est fixé comme priorité de s'attaquer aux racines du mal (1). Il propose notamment d'installer sur le territoire des « guichets uniques » ouvrant sur les secteurs du sanitaire et du social : les maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer (MAIA). Si le nom sacrifie à la mode des « maisons » qui a envahi l'espace des politiques publiques, les missions font en revanche table rase des logiques d'organisation suivies jusqu'alors. Une MAIA, précise le plan Alzheimer, vise au « rassemblement des dispositifs » autour d'un même objectif d'amélioration de la prise en charge des patients. Pour cela, les professionnels du sanitaire et du social sont invités à s'engager dans « l'interdisciplinarité », à se doter d'outils commun et à mettre en place des « coordonnateurs » qui, sur le modèle canadien du case management, seront chargés d'articuler les aides autour des personnes. Le tout, « sur la base de l'existant et sans superposition de nouvelle structure ».

Afin d'étudier comment la démarche pouvait se décliner sur le terrain, une expérimentation dans 17 sites pilotes a démarré en mars 2009 (2) sous la supervision de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Objectif : retirer le maximum d'informations sur les stratégies adoptées par les acteurs pour se conformer aux exigences du nouveau dispositif, avant de passer à la phase de généralisation prévue pour 2012. Pour Olivier Dupont, médecin gériatre et responsable de l'équipe projet nationale à la CNSA, l'occasion est enfin donnée de remettre à plat « sans tabou ni a priori » les pratiques collaboratives entre les professionnels du sanitaire et du social. « Dans chaque dispositif, un pilote est chargé d'analyser l'appareil sanitaire et social local dans son ensemble. On a pour la première fois un acteur mandaté pour étudier la fragmentation du système et les convergences possibles et pour travailler sur la réorganisation des pratiques. »

Passer à la vitesse supérieure

Un nombre impressionnant de feux verts entourent cette expérimentation, aux niveaux tant national que local. Une enveloppe de près de 5 millions d'euros par an a été affectée à son financement. Les 17 sites, sélectionnés parmi 113 autres sur la base d'un appel à projets lancé en juillet 2008, ont quant à eux dû recueillir l'engagement conjoint du conseil général et de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de leur secteur. Situés sur des territoires très différents, tous incarnent la volonté des partenaires locaux de se rapprocher pour faciliter l'accès des familles aux ressources disponibles. « Certains avaient déjà cherché à coordonner les professionnels à partir de la santé des usagers ou de leur accès aux droits, d'autres avaient tenté de structurer les réponses sur un territoire où rien n'existait, sinon les centres communaux d'action sociale. L'appel à candidatures a alors représenté une occasion de passer à une dimension supérieure », observe la CNSA.

« Sous l'appellation des «maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer», un mot fondamental est celui d'intégration, explique Olivier Dupont. Cela fait des années que les plans se succèdent pour tenter d'organiser les acteurs «autour» de la personne, sans que l'on parvienne à passer à l'étape suivante, c'est-à-dire à ce que ces acteurs s'organisent et travaillent «pour» la personne. L'intégration signifie alors que l'ensemble des intervenants s'insère dans un même dispositif, en se posant la question du partage et de l'analyse commune. » L'idée prend à contre-pied nombre de réflexes d'organisation. A commencer par l'image d'une structure en dur dont il a fallu dépouiller le dispositif. Quand Cyril Thomas, responsable adjoint du service personnes âgées-personnes handicapées du territoire Nancy couronne, s'est vu nommé pilote de la MAIA de Meurthe-et-Moselle, l'idée de « maison » brouillait encore l'esprit de la démarche. La MAIA, qui était portée par le conseil général en partenariat avec les réseaux gérontologiques de Nancy et de Lunéville, deux réseaux au territoire d'intervention non contigus, incarnait une volonté de rapprochement des acteurs de la dépendance. « Les premières réunions avec la CNSA ont provoqué une lecture de l'intégration, témoigne le pilote. Il est apparu que nous étions en réalité plus dans l'articulation entre institutions que dans l'intégration proprement dite. Ce qu'il est important de comprendre, c'est que la MAIA est une maison qui n'a pas de toit, un guichet unique accessible en plusieurs endroits, et qu'elle représente en fait l'organisation du système. » Difficile à concevoir d'un bloc. Dans les ateliers de travail mis en place à destination des pilotes et des promoteurs de projet, Catherine Perisset, experte à la CNSA en organisation des services intégrés, constate le frein que peut représenter le modèle de la coordination, présent dans tous les esprits. « La plupart des acteurs cherchent comment mieux fonctionner avec le service voisin, sans envisager pour autant une remise en cause de leur façon de travailler en fonction des besoins de la population. Du coup, ils ont du mal à repenser le système car ils ne vont pas l'analyser dans son ensemble. Il est intéressant de voir à quel point la pensée de la coordination impacte l'organisation sanitaire et sociale locale, en maintenant finalement sa fragmentation. »

Pour favoriser le développement d'une analyse collective, des « tables de concertation » sont organisées à différents niveaux. Des groupes de travail réunissant les professionnels autour de situations individuelles permettent d'échanger sur la clinique et d'organiser le suivi des personnes. Une concertation des responsables des services et institutions membres de la MAIA se charge d'organiser la cohérence du système en entretenant la mobilisation autour des besoins exprimés ou à venir. Enfin, des tables de concertation réunissant les décideurs et les financeurs locaux assurent leur engagement conjoint dans l'évolution du dispositif et la levée des obstacles rencontrés. « Nous essayons de construire une cohérence entre ces trois niveaux de concertation en visant la création d'un «nous» collectif, explique Catherine Perisset. C'est à cette condition que les acteurs pourront dépasser la coordination pour aller vers la co-responsabilisation. Ce mot d'intégration prend alors tout son sens, car on se met autour d'une table pour s'intégrer à un ensemble, et non pour être assis à côté de ses homologues. »

Les pilotes des sites expérimentaux prennent une part essentielle dans l'invention de cette culture. « Le point de départ d'une MAIA consiste à rencontrer les partenaires du territoire pour dresser avec eux un état des lieux de ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas dans la prise en charge des personnes atteintes d'Alzheimer, raconte Valérie Bassi, pilote de la MAIA de Gironde portée par le CLIC de la communauté urbaine de Bordeaux. Le projet s'élabore donc véritablement en commun alors que, jusqu'à présent, le CLIC tentait plutôt d'impliquer des partenaires dans quelque chose que nous avions construit au préalable. » Dans son département, les informations collectées dans cette première phase montraient des failles dans l'orientation des usagers, entraînant des ruptures de parcours alors même que l'offre de service était jugée importante. Aussitôt l'expérimentation engagée, la pilote a donc cherché à identifier comment chaque intervenant renseignait un malade et sa famille, jusqu'où il le faisait et selon quels critères un relais était passé à un autre acteur. « Ce qui a permis de comprendre les circuits suivis par les usagers et de découvrir, par exemple, qu'ils pouvaient rencontrer jusqu'à six interlocuteurs différents avant d'obtenir la bonne orientation. » Différents comités techniques se sont mis en place dans la foulée pour organiser une cohérence des pratiques. Mais, pour la pilote de la MAIA girondine, le fait qu'un état des lieux collectif ait pu être dressé représente en soi un changement. « On s'aperçoit que les missions des uns et des autres ne sont pas toujours clairement établies ou, pour le moins, connues par tous les intervenants sur un territoire donné. Rien que de remettre à plat tout cela en laissant s'exprimer les professionnels permet d'avancer vers une harmonisation des pratiques. »

Trouver le juste périmètre d'intervention

Stéphanie Fache, pilote de la MAIA du Cher, voit, quant à elle, dans la démarche « une légitimité pour pouvoir se poser les bonnes questions et se réunir autour de la table ». De fait, la MAIA dont elle supervise l'implantation représente en soi une gageure. Issue du regroupement de deux projets distincts (un réseau gérontologique à orientation sanitaire porté par une association sur le bassin de vie de Vierzon et un projet départemental de création de plusieurs CLIC inscrit dans le schéma gérontologique du Cher), elle est portée par le conseil général du Cher, tandis que son territoire d'intervention englobe cinq cantons répartis sur deux départements (Cher et Loir-et-Cher). « Le premier effet est de provoquer un dédoublement de certains acteurs, en particulier au niveau des conseils généraux, des DDASS et des caisses de retraite, ce qui renforce le cloisonnement. Un des enjeux de l'expérimentation est donc de créer les conditions d'une cohérence des institutions », explique Stéphanie Fache. Dans ce contexte, l'impératif d'intégration se traduit par une réflexion sur les réponses à organiser autour d'une prise en charge en fonction de sa complexité. « Il s'agit de trouver le juste périmètre d'intervention des dispositifs existants, en s'accordant sur le moment à partir duquel ils peuvent être actionnés sans redondance ni conflit d'intérêt », précise-t-elle. Ce changement de pratiques s'accompagne d'une approche pédagogique auprès des professionnels de terrain, qui devront identifier les situations compromettant le maintien à domicile et solliciter l'acteur le plus à même de les aider (équipe APA [allocation personnalisée d'autonomie], infirmière du réseau de santé, gestionnaire de cas). Côté famille, c'est un maillage des orientations qui est visé. « Les petites mairies rurales serviront de portes d'entrée sur le dispositif, par le biais de la secrétaire de mairie qui communiquera les premiers éléments d'information sur les services disponibles sur le territoire. Si la demande est plus complexe, les personnes seront orientées sur des points d'accès à la MAIA où la situation sera étudiée de manière plus globale. »

Dans la partie d'organisation qui se joue autour des MAIA, la volonté des acteurs de mettre fin aux dysfonctionnements qu'ils perçoivent, souvent depuis des années, est déterminante. Une autre pilote de projet, Stéphanie David de la MAIA du Nord, constate ainsi une « adhésion » des professionnels bien plus grande qu'elle ne l'imaginait. « Dans notre département, la MAIA a rapidement débordé de son cadre initial en recevant un grand nombre de soutiens, non prévus initialement, en provenance de la filière gériatrique, des médecins et des personnels paramédicaux libéraux, des pharmaciens, des services à domicile, souligne-t-elle. Au point que nous saurons ce qu'elle est une fois seulement l'expérimentation achevée. » Portée par l'association Eollis, gestionnaire d'une plate-forme gérontologique comprenant un CLIC, un réseau de gérontologie et un réseau de soins palliatifs, cette MAIA s'implante sur un territoire très hétérogène, partagé entre la métropole lilloise, des cantons ruraux et un bassin minier. D'où la priorité donnée à la régulation de l'information. « L'installation du guichet unique nécessite que l'information sur la situation d'une personne soit repartagée vers les points d'accès au dispositif et que chacun s'accorde sur les mêmes outils d'orientation », explique Stéphanie David. Dans un milieu où le secret du dossier médical voisine avec le secret professionnel, une réflexion est engagée sur ce qui peut être transmis, jusqu'où et vers qui. « Dans le cas d'un patient qui présenterait des troubles du comportement par exemple, c'est au neuropsychiatre de faire le choix de ce qu'il entend communiquer en fonction de l'environnement familial et professionnel de la personne. L'information doit, dans tous les cas, être donnée soit en termes d'objectifs déclinés pour chaque catégorie professionnelle, soit en termes assimilables pour la majorité des intervenants », détaille Stéphanie David. L'adaptation des outils d'évaluation est un autre casse-tête. Si l'association Eollis utilise déjà le SMAF (Système de mesure de l'autonomie fonctionnelle), celui-ci n'est pas forcément connu d'autres évaluateurs. Un travail de rapprochement des évaluations est engagé avec les équipes APA du département. « L'intérêt de cette expérimentation, c'est qu'on s'est rendu compte qu'une collaboration était envisageable, et qu'on pouvait concevoir que le futur gestionnaire de cas fasse parfois l'évaluation ouvrant sur la prestation. Sa présence auprès du patient pourrait, de plus, déboucher sur des réévaluations rapides des situations en cas d'hospitalisation ou de retour à domicile. »

Plusieurs outils d'évaluation sont proposés par la CNSA, notamment le SMAF, le RAI (Résident Assessment Instrument) et le GEVA (guide d'évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées) utilisé par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). « Mais tous devront être adaptés », assure Cyril Thomas, pilote de la MAIA de Meurthe-et-Moselle. En septembre dernier, les membres de celle-ci ont fait le choix de s'appuyer sur le GEVA. « La MDPH étant impliquée dans le projet, cette solution s'est imposée naturellement, commente Cyril Thomas. Pour autant, il ne faut pas se leurrer, un outil permettant d'analyser la réalité sociale, médico-sociale et sanitaire d'un individu restera très lourd. Tout dépendra donc de la répartition des rôles entre acteurs. » Dans ce département, des discussions se sont ainsi engagées entre la consultation mémoire et le réseau gérontologique pour que les tests effectués par le réseau soient pris en compte par la consultation mémoire. De même, la caisse régionale d'assurance maladie et les équipes APA du conseil général tentent de rendre compatibles leurs évaluations, supprimant ainsi un nombre important de doublons. Autant d'acquis que le pilote note avec satisfaction. « Le moteur du changement, c'est cette volonté de mieux travailler ensemble et cette impression de ne jamais être très loin du but sans toutefois jamais l'atteindre. Du coup, j'ai l'impression que, depuis le jour où on a répondu à l'appel à projets, les choses se sont liées naturellement. »

Du côté de la CNSA, on assure suivre ces évolutions en se gardant bien d'être prescriptif. La manière dont les sites structurent leurs groupes de travail, les outils qu'ils élaborent, les contraintes qu'ils rencontrent dans le partage de l'information, sont étudiés avec attention. « Dans cette expérimentation, nous soutenons les pilotes dans ce qui nous semble être l'émergence d'une nouvelle fonction de pilotage local. Ce qui se produit est intéressant, car on met en infusion dans le dispositif un nouvel acteur qui est légitimé à tous les niveaux, du professionnel de terrain jusqu'aux financeurs locaux », explique Olivier Dupont.

Le gestionnaire de cas, bras armé de la MAIA

Passé la phase d'intégration conduite par les pilotes, le rôle du gestionnaire de cas sera expérimenté avec la même minutie. Bras armé du dispositif, celui-ci interviendra sur les cas les plus complexes nécessitant une prise en charge globale. Il analysera pour cela la situation d'un malade sous tous ses angles (santé, psychisme, autonomie fonctionnelle, économique et environnementale) et sera garant de l'articulation des acteurs autour d'un projet personnalisé. « On voit bien l'intérêt du travail d'intégration conduit en amont. Un saupoudrage de gestionnaires de cas ne servirait à rien si leur transversalité et leur légitimité n'étaient pas assurées. C'est cette légitimité qui permet au gestionnaire de cas d'être bénéficiaire des informations sur la personne et d'intervenir aux côtés des professionnels », explique Catherine Perisset.

C'est pourquoi les profils et fonctions des gestionnaires de cas ne sont pour l'instant que pressentis mais pas encore expérimentés, précise-t-on à la CNSA. La crainte serait en effet qu'ils ne disposent que d'un dispositif insuffisamment structuré sur lequel s'appuyer. « C'est particulièrement vrai lors du maintien à domicile, où les gestionnaires de cas risquent d'être confrontés à des besoins non couverts, anticipe Catherine Perisset. Si ces besoins doivent nécessiter des prises de décision au niveau des financeurs, il est important qu'un porte-voix reconnu de tous puisse se faire entendre dans les différent échelons pour aider à trouver une solution. »

Le calendrier fixé dans le plan Alzheimer est néanmoins serré. Prévue pour durer deux ans, l'expérimentation devra conduire en 2012 à la généralisation. Entre temps, en 2010 on devrait tirer les premiers enseignements sur les méthodes de construction d'une MAIA (voir encadré ci-contre). Mais pour la CNSA, la mobilisation qui s'établit autour des sites expérimentaux laisse déjà entrevoir ce que pourrait être une convergence des dispositifs sanitaires et sociaux. « C'est une chance inouïe d'être dans un statut expérimental, car cela permet de tester de nouvelles organisations. Mais cette chance pourrait ne pas se représenter, c'est pourquoi chacun y va à fond en se disant que c'est maintenant ou jamais, affirme Olivier Dupont. Déjà, j'ai la conviction que, si nous disparaissions, ce travail aura servi de déclencheur. »

UN « ESPACE » À GÉOMÉTRIE VARIABLE

Le plan Alzheimer 2008-2012 a fixé les missions de la MAIA, tout en restant très vague sur sa forme. Il énonce un « espace identifié d'accueil » ouvert aux familles, en même temps qu'un « lieu repère unique » dans lequel les professionnels assurent une « permanence ». Or la volonté simultanée du législateur de ne pas superposer une nouvelle structure sur les dispositifs existants conduit à suivre une logique inédite dans les champs du sanitaire et du social.

Pour la CNSA (caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), la MAIA est en effet à géométrie variable. En fonction du contexte local, elle pourra reposer indifféremment sur un acteur de la santé ou du social - qu'il soit incarné par un réseau ou une institution - pourvu qu'il offre les meilleures dispositions pour assurer la convergence des dispositifs autour de lui. De même, l'organisation du guichet unique d'information, mission essentielle dévolue à la MAIA, devra s'appuyer sur les lieux repérés par la population afin de les transformer en autant de points d'entrée dans le dispositif. Conséquence : non seulement la MAIA ne peut prétendre à une forme définie, mais elle restera la plupart du temps virtuelle aux yeux d'une famille. Tout au plus, seront labellisés « MAIA » le porteur du projet, ainsi que les différents services ou établissements siégeant dans les tables de concertation et partageant des outils communs.

Logiquement, aucun modèle n'accompagnera la généralisation du dispositif prévue pour 2012. La CNSA déclare s'acheminer plutôt vers la construction d'un label et d'un accompagnement qui tiendra compte des configurations locales types. « Leur ambition sera d'éclairer un futur promoteur sur les moyens de construire sa MAIA en lui fournissant des éléments méthodologiques. Par exemple, qu'est-ce qu'un dispositif MAIA s'il doit s'implanter dans une mégapole urbaine ou en milieu à dominante rurale ? Quels soutiens un promoteur issu d'un réseau de santé devra-t-il rechercher en priorité par rapport à un porteur de projet issu d'un CLIC, etc. ? », illustre-t-on à la CNSA. Un panel d'outils techniques recommandés, tant en termes de partage de procédures que d'évaluation multidimensionnelle, sera constitué à partir des solutions expérimentées par les 17 MAIA.

Un besoin de clarification identique existe pour le gestionnaire de cas. Annoncé dans le plan Alzheimer sous l'étiquette de « coordonnateur », ce nouveau venu sur la scène sanitaire et sociale est présenté comme un chef d'orchestre de la prise en charge des malades. Les missions qui lui sont conférées sur le papier sont en effet très larges. Notamment, « il participe à l'évaluation des besoins, planifie les services et assure un suivi de leur réalisation, fait le lien avec les intervenants [...], apporte un soutien aux aidants en étudiant avec eux les solutions de répit et d'hébergement temporaire afin de prévenir les situations de crise ». Ce professionnel « sera basé à la MAIA et sera joignable par l'intermédiaire d'un numéro national qui orientera vers la structure la plus proche ». Là encore, l'éclairage du terrain a montré que cette fonction ne pouvait être réservée qu'aux cas les plus lourds. Chaque « gestionnaire de cas » - terme sur lequel s'accorde plus volontiers les partenaires des expérimentations - sera chargé de suivre une file active d'une quarantaine de patients. Un quasi-tutorat en comparaison avec la moyenne de 300 dossiers d'une conseillère en gérontologie dans une équipe APA. Autre enseignement du terrain : une famille ne pourra pas solliciter directement l'intervention d'un gestionnaire de cas. Celui-ci sera physiquement rattaché à des structures très diverses et ne déclenchera son action que sur la base d'une décision collégiale.

Enfin, il restera à un référentiel de la gestion de cas de dissiper les dernières zones d'ombre. Inscrit dans le cadre du plan global sur les métiers du médico-social et élaboré par la direction générale de l'action sociale en lien avec la CNSA, ce référentiel devra notamment trancher la question : la gestion de cas relève-t-elle d'une nouvelle fonction ou d'une compétence métier spécifique ? Les quelques professionnels ayant déjà endossé cet habit viennent pour l'instant d'horizons différents (infirmier de SSIAD, assistant social, ergothérapeute, psychologue). Mais la convergence entre le sanitaire et le social pourrait conduire à privilégier les profils issus de la santé dans un premier temps, estiment nombre de pilotes de MAIA. « Dans la mesure où le parcours et la personnalité des gestionnaires de cas seront essentiels, il faut des professionnels qui passent auprès du milieu médical », explique Cyril Thomas, pilote de la MAIA de Meurthe-et-Moselle. « Un profil sanitaire facilitera le lien avec les infirmières de réseau ou les médecins coordonnateurs et permettra de mieux travailler avec les médecins libéraux », complète Stéphanie Fache, pilote de la MAIA du Cher. Après, précise-t-elle, « il sera possible d'étoffer l'équipe de gestion de cas avec des profils différents, pour jouer sur la complémentarité ».

Un millier de gestionnaires de cas devraient être formés à mesure que les MAIA se généraliseront sur l'ensemble du territoire français.

M. P.

Notes

(1) Voir ASH n° 2544 du 8-02-08, p. 5. Deux premiers plans l'ont précédé, les plans Alzheimer 2001-2005 et 2004-2007, qui sont venus principalement mettre l'accent sur le renforcement de l'information aux familles, le développement du diagnostic précoce avec les consultations mémoire, le développement de l'accueil de jour et la formation des personnels.

(2) Portés par les institutions suivantes : Institut de la maladie d'Alzheimer de Marseille (Bouches-du-Rhône), conseil général du Cher, réseau de santé Alzheimer du canton de Saint-Pol-de-Léon (Finistère), CLIC de la communauté urbaine de Bordeaux (Gironde), conseil général de l'Isère, conseil général de la Haute-Loire, conseil général de Meurthe-et-Moselle, CLIC de l'agglomération clermontoise (Puy-de-Dôme), Mondial Assistance et réseau gérontologique de Survilliers (Val-d'Oise), association d'action gérontologique du bassin burgien (Ain), MDPH du Gers, association Eollis (Nord), CLIC de Montreuil et réseau Méotis (Pas-de-Calais), conseil général du Haut-Rhin, CIDPA de la Sarthe, GCSMS du XXe arrondissement de Paris, réseau gérontologique du Val-de-Marne.

DÉCRYPTAGE

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur