Vivre sans lettres

Patrick, 27 ans, a passé son permis de conduire sans savoir lire ni écrire. « J'allais à l'auto-école tous les jours, j'ai mémorisé toutes les diapos, toutes les séries possibles de l'examen du code. Pour moi, c'est plus simple de mémoriser que de lire », explique-t-il. Comme 3 millions d'illettrés en France, il a mis en place des stratégies pour cacher son handicap. Son « système D » lui permet de vivre presque normalement. Pourtant, il est en proie à de grandes frustrations. Comme lui, Mélanie mémorise les emballages avant de faire les courses et se repose beaucoup sur son conjoint. Mais pas question de partir seule dans les rues d'un quartier qu'elle ne connaîtrait pas ! Malgré le manque de confiance en eux, et le découragement qui les accompagne depuis l'école, ces adultes sont suivis par leur mission locale ou par des chargés d'insertion, qui les aident à affronter leurs problèmes de lecture. « Il n'est jamais trop tard », les encourage une formatrice de l'association Devenir en Vermandois (Aisne). Elle leur propose des cours de français, mais aussi des ateliers spécifiques pour apprendre à se repérer et à se déplacer en autonomie.

« Je pense que j'ai pas assez écouté les professeurs, et j'ai jamais osé dire que je comprenais pas », raconte Jean-François, 18 ans, qui a arrêté les études en deuxième année de CAP, parce qu'il n'avait « plus le courage ». Détecté à l'occasion de la journée d'appel de préparation à la défense, le jeune homme est orienté dans un atelier de préparation au code de la route, censé lui faciliter l'accès aux cours classiques dans une auto-école. La mission locale de Saint-Quentin, dans le Nord, lui propose également de suivre des cours de français avec un tuteur bénévole, qui s'occupe de lui à son rythme. Au fil de leurs progrès la caméra d'Olivier Wlodarczyk dévoile, sur les visages de chacun des témoins, la fierté de pouvoir « faire tout comme quelqu'un de normal ».