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DESTINS CROISÉS. Pour un cycle baptisé « Territoires de la jeunesse », l'émission de France Culture Sur les docks propose cinq documentaires destinés à interroger le comportement des 15-25 ans dans différents territoires. Il en ressort une dégradation du lien collectif et la montée d'attitudes fermées. Mais chacune des émissions confirme aussi que l'on n'est pas forcément déterminé par le lieu où l'on grandit.

• Dans Cinq frères, un salon de thé (diffusé le 28 octobre), le micro est tendu vers Cherif, Hassan, Mossan, Tarik et Hakim. Agés de 19 à 25 ans, les frères Fatihi vivent à la Grande Borne, à Grigny (Essonne). Trois d'entre eux ont déjà fait de la prison et se souviennent, la voix enjouée, des « conneries » qu'ils ont pu faire quand ils étaient gamins. « On caillassait la police. On jouait au chat et à la souris... », raconte Mossan. Ils ont cessé aujourd'hui, certains parce qu'ils ont fondé une famille ou, pour Tarik, parce qu'il a monté sa propre entreprise. Désormais, les cinq frères travaillent main dans la main à La Chicha, le salon de thé que Tarik a ouvert au pied de la cité. Les habitants de la Grande Borne s'y retrouvent pour fumer le narguilé. « Les jeunes traînent moins dans les halls d'immeuble, témoigne Tarik. A La Chicha, ils sont au chaud, discutent, matent des matchs de foot... » Les frères Fatihi se souviennent, au micro de Mariannick Bellot et Cédric Aussir, de leurs temps en prison, racontent leurs rencontres amoureuses et la misogynie ordinaire. « Maintenant, je mets de côté pour m'acheter un pavillon, ailleurs. Pour que mon fils grandisse dans un autre environnement », avoue Tarik.

• Pour le reportage Ma cité au féminin (le 29 octobre), Johanna Bedeau et Nathalie Battus ont recueilli, à Montreuil et à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), les témoignages de jeunes filles qui ont grandi dans des cités. Plus discrètes que les garçons et peu entendues, elles ont le débit rapide de celles qui ont beaucoup à dire. Confrontées au machisme environnant, elles assurent qu'il suffit d'une attitude perçue comme arrogante ou au contraire trop avenante pour que tout bascule. Mais quel lien entre Fatou qui, à 28 ans, n'a jamais mis le nez dehors, tenue à l'écart de la société par ses grands frères, et Karen, la fashion-victim de la cité Malassis, enceinte à 19 ans, qui revendique : « Je ne supporte pas de me taire parce que je suis une femme » ? C'est aussi le grand écart entre Lætitia, élève de lycée ultrastudieuse, dont le rêve est de quitter la cité, trop bruyante, et Sonia, déprimée et alcoolique, qui cherche un emploi, en vain, et traîne avec les gars en bas des immeubles. « La galère, ça rend folle. Pas savoir quoi faire, c'est le meilleur moyen de faire des bêtises », analyse-t-elle. Cinq destins croisés de jeunes filles de la banlieue est de Paris, qui se débattent avec le statut qu'on leur a donné.