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La barrière administrative, premier frein à l'accès aux soins, témoigne Médecins du monde

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Créer un seul système de couverture maladie pour toutes les personnes vivant sous le seuil de pauvreté, en intégrant l'aide médicale de l'Etat (AME) dans la couverture maladie universelle (CMU), lutter contre les refus de soins et améliorer les dispositifs de prise en charge des publics en situation de précarité, notamment en augmentant le nombre de permanences d'accès aux soins de santé (PASS) et la qualité de leur fonctionnement. Telles sont les revendications que Médecins du monde (MDM) devait réitérer le 15 octobre, à l'occasion de la diffusion du rapport annuel de son observatoire de l'accès aux soins (1), deux jours avant la journée mondiale du refus de la misère.

En 2008, les personnels des centres d'accueil, de soins et d'orientation (CASO) de l'association ont encore constaté des recours tardifs aux soins dans de très nombreux cas : 18 % des consultations, contre 11 % en 2007. 15 % des situations nécessitaient, par le caractère urgent des soins, une ouverture immédiate de droits. Or, si 79 % des patients rencontrés sont éligibles à une couverture maladie, seuls 21 % en ont effectivement une. Les difficultés administratives, accrues par le durcissement des conditions d'accès à la CMU et à l'AME ces derniers années, deviennent en 2008 le premier obstacle aux soins, suivies de la barrière linguistique et de la méconnaissance des droits et des structures, auparavant le premier frein identifié. Les justificatifs demandés pour l'ouverture des droits à la CMU et à l'AME continuent notamment de poser des problèmes, la circulaire du 25 février 2008 rappelant le principe déclaratif du domicile n'étant pas toujours respectée (2). « Beaucoup de caisses primaires d'assurance maladie exigent par exemple des personnes qu'elles présentent un justificatif de domicile pour prouver leur présence de trois mois », en contradiction avec la réglementation.

Le problème reste entier pour les personnes sans adresse, qui peuvent se faire domicilier auprès des associations agréées ou des centres communaux d'action sociale (CCAS), qui ne remplissent pas toujours leur rôle en la matière. La loi du 5 mars 2007 sur le droit au logement opposable a, certes, instauré pour les CCAS une obligation de domiciliation pour toutes les prestations sociales... à l'exception de l'AME. Les étrangers, qui constituent la grande majorité du public accueilli, sont donc particulièrement confrontés aux imbroglios administratifs : 89 % des bénéficiaires potentiels de l'AME n'ont pas de droits ouverts. Ils sont en outre 20 % à ne relever d'aucun dispositif parce qu'ils ne remplissent pas le critère de résidence de trois mois en France. La situation des ressortissants de l'Union européenne - au premier rang desquels les Roumains et les Bulgares - est également préoccupante : « La situation s'est dégradée par rapport à 2007, où ils n'étaient que 10 % à ne relever d'aucun dispositif », contre 18 % en 2008.

L'association explique, par ailleurs, que l'accès au dispositif « soins urgents » s'est détérioré du fait d'une interprétation restrictive de la circulaire du 2 mai 2008 (3)qui demande, « le cas échéant » seulement, de joindre le refus d'AME à la facturation adressée par l'hôpital aux caisses de sécurité sociale au titre du fonds « soins urgents et vitaux ». Les assistants sociaux hospitaliers sont dans les faits amenés à monter systématiquement des dossiers pour obtenir un justificatif de refus, ce qui complique énormément leur travail et nuit au fonctionnement du dispositif.

Avec la montée du chômage et de la précarité, le public des CASO change : « On assiste peut-être à la réémergence d'une population de nationalité française, dont les ressources dépassent le plafond de 627 € par mois pour obtenir une complémentaire gratuite et qui sont de plus en plus en difficulté du fait de la crise économique et des difficultés à payer le reste à charge (ticket modérateur et franchises médicales). » Parmi les patients français (11 %), seule un peu plus de la moitié dispose d'une assurance maladie et les deux tiers n'ont que la CMU de base, alors que la moitié étaient dans cette situation en 2007. Avec les difficultés financières, les obstacles administratifs sont là aussi à l'origine des restrictions. Rappelant que le Fonds CMU prévoit une hausse des besoins de CMU complémentaire (4), « souhaitons que l'assurance maladie soit proactive pour rechercher les bénéficiaires potentiels ! », ajoute Médecins du monde.

Le rapport s'intéresse également au cas des mineurs (près de 10 % des personnes reçues, jusqu'à 20 % selon les endroits). Près de 42 % ont moins de 6 ans et parmi eux, seul le tiers est suivi par les services de protection maternelle et infantile. La situation des mineurs étrangers à Mayotte, qui a fait l'objet d'une alerte de la défenseure des enfants et d'une mobilisation des collectifs Migrants Mayotte et Migrants outre-mer au début de l'année 2009 (5), demeure en outre alarmante. Une note de la caisse nationale d'assurance maladie du 15 novembre 2008 « précise qu'en cas de transfert sanitaire vers la Réunion ou vers la métropole, les enfants dépourvus de couverture sociale bénéficieront dès leur arrivée des droits à l'AME pour une période de un an renouvelable », leur prise en charge étant interrompue dès leur retour à Mayotte. Mais cette décision, dont l'impact reste à vérifier, « montre l'impossibilité, même pour les mineurs, de bénéficier de l'AME sur l'île de Mayotte, dénonce Médecins du monde. Ce sont donc des milliers d'enfants qui se retrouvent sans couverture médicale. »

Notes

(1) Rapport 2008 de l'Observatoire de l'accès aux soins de la mission France de Médecins du monde - Médecins du monde : 62, rue Marcadet - 75018 Paris - Tél. 01 44 92 13 87.

(2) Voir ASH n° 2549 du 14-03-08, p. 7.

(3) Circulaire DHOS/F4 n° 2008-150 du 2-05-08, B.O. Santé-Protection sociale-Solidarité n° 6 du 15-07-08.

(4) Voir ASH n° 2622 du 4-09-09, p. 6.

(5) Voir ASH n° 2592 du 16-01-09, p. 22.

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