Plus d'un an après sa présentation en conseil des ministres, et alors que l'urgence avait été déclarée, la loi pénitentiaire a enfin été adoptée par le Parlement. Elle reconnaît un ensemble de droits aux détenus, développe les alternatives à l'incarcération, facilite le recours aux aménagements de peine et consacre le principe de l'encellulement individuel. Malgré tout, pour ses détracteurs, il ne s'agit que d'une loi a minima.
Tour d'horizon des principales nouvelles dispositions de ce texte - qui pourrait être déféré devant le Conseil constitutionnel - et de celles qui ont suscité la polémique.
Pour tenir compte d'un récent rapport de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale (1), la loi contient désormais un certain nombre de dispositions relatives à la prise en charge des femmes détenues. Ainsi, l'établissement pénitentiaire et le département dans lequel il se situe doivent non seulement proposer un accompagnement social aux mères détenues avec leurs enfants, mais aussi prévoir un dispositif permettant la sortie régulière des enfants à l'extérieur de l'établissement pour permettre leur socialisation. En outre, le texte exige qu'une prise en charge sanitaire adaptée aux besoins des détenues soit assurée et ce, qu'elles soient accueillies dans un quartier pour femmes ou dans un établissement dédié. Dans ce cadre, tout accouchement ou examen gynécologique devra désormais se dérouler sans entraves et hors la présence du personnel pénitentiaire, afin de leur garantir le droit au respect de la dignité, stipule la loi, qui toutefois ne précise pas, comme l'avait suggéré la délégation, que l'accouchement ait lieu en milieu hospitalier.
Toujours sur le plan sanitaire, signalons que la loi impose à l'établissement pénitentiaire de proposer aux détenus, lors de leur incarcération, un bilan de santé confidentiel relatif à sa consommation de produits stupéfiants, d'alcool et de tabac.
Par ailleurs, tout détenu handicapé moteur au sens de l'article L. 1111-6-1 du code de la santé publique peut désormais désigner un aidant de son choix, choix auquel l'administration pénitentiaire ne peut s'opposer que par une décision spécialement motivée.
S'agissant du maintien des droits familiaux, la loi permet aux prévenus, pour lesquels l'instruction est terminée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement, de demander à bénéficier d'un rapprochement familial jusqu'à leur convocation devant la juridiction. Elle prévoit également que tout détenu peut bénéficier à sa demande d'au moins une visite trimestrielle dans une unité de vie familiale ou un parloir familial, et non pas d'une visite par semaine comme le stipulait le projet de loi initial. Jean-Paul Garraud, rapporteur de la loi à l'Assemblée nationale, a précisé qu'il ne s'agit pas d'un recul du texte mais de la prise en compte de la réalité en matière d'organisation de ces parloirs : « il serait grave en effet d'inscrire dans la loi une disposition qui ne pourrait pas être respectée ». Il appartient ensuite aux établissements d'en organiser plus s'ils le peuvent.
La loi étend les critères de recours, lors du prononcé de la peine, à certains aménagements de peine, tels que la semi-liberté, le placement à l'extérieur ou le placement sous surveillance électronique. A l'origine, le texte prévoyait que les magistrats pouvaient y recourir dès lors qu'il existait un « projet sérieux d'insertion ou de réinsertion », une formulation que la commission des lois de l'Assemblée nationale a toutefois jugé « un peu floue ». C'est pourquoi, au final, la loi indique que le recours aux aménagements de peine sera possible dès lors qu'il existe des « efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive ». Une rédaction qui, selon la garde des Sceaux, « favorisera à la fois la souplesse nécessaire à l'application de la loi par la jurisprudence, puisque le juge aura le dernier mot et qu'aucun aménagement de peine ne saurait être automatique, et la lutte contre la récidive » (2). En outre, sur proposition des députés, le Parlement permet aux récidivistes condamnés à une peine inférieure ou égale à un an de bénéficier des aménagements de peine ouverts aux personnes relevant d'une peine inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement. Une disposition qui répond aux inquiétudes, notamment, de l'Observatoire international des prisons (3).
En matière d'alternatives à la détention, les parlementaires ont adopté de nouvelles modalités d'exécution des fins de peine en l'absence de tout aménagement de peine. Ainsi, pour les peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, lorsque aucune mesure d'aménagement n'a été ordonnée six mois avant la date d'expiration de la peine, le condamné à qui il reste quatre mois de prison à subir ou, pour les peines inférieures ou égales à six mois, auquel il reste les deux tiers de la peine à effectuer exécutera désormais le reliquat de la peine dans le cadre d'un placement sous surveillance électronique. Toutefois, cette mesure ne sera pas mise en oeuvre en cas d'impossibilité matérielle, de refus de l'intéressé, d'incompatibilité entre sa personnalité et la nature de la mesure ou de risque de récidive.
A noter : le texte facilite la libération conditionnelle des personnes âgées de 70 ans, et non pas de 75 ans comme le projet de loi le stipulait.
Sans changement, les condamnés restent soumis, dans les maisons d'arrêt, à l'emprisonnement individuel du jour et de nuit et, dans les établissements pour peines, à l'isolement de nuit seulement, après avoir subi éventuellement une période d'observation en cellule. Mais la loi modifie les exceptions à ce principe. Jusqu'à présent, l'article 717-2 du code de procédure pénale disposait qu'il ne pouvait y être dérogé qu'en raison de la distribution intérieure des locaux de détention ou de leur encombrement temporaire ou des nécessités d'organisation du travail. La loi prévoit désormais qu'il sera possible de déroger au principe de l'encellulement individuel « si les intéressés le demandent ou si leur personnalité justifie que, dans leur intérêt, ils ne soient pas laissés seuls, ou en raison des nécessités d'organisation du travail ». Lors de la commission mixte paritaire, Michèle Alliot-Marie a assuré aux parlementaires qu'elle ferait « le maximum de ce qui sera possible » pour respecter ce principe.
Bien qu'ayant maintenu le principe de l'encellulement individuel, les parlementaires ont toutefois voté une disposition permettant au gouvernement d'y déroger dans les maisons d'arrêt pendant cinq ans à compter de la publication de la loi, en raison de la distribution intérieure des locaux ou du nombre de personnes détenues. Bien que la suppression de ce moratoire ait été demandée à plusieurs reprises, il a malgré tout été maintenu car, explique Jean-René Lecerf, rapporteur de la loi au Sénat, « on compte, aujourd'hui, environ 63 000 détenus et 35 000 cellules individuelles. Autrement dit, si le moratoire [avait été] supprimé, il [aurait fallu], pour respecter le principe de l'encellulement individuel, libérer près de 30 000 personnes ». Notons toutefois une atténuation à cette dérogation puisque le texte garantit au condamné ou au prévenu qui demandera un placement en cellule individuelle d'être transféré dans la maison d'arrêt la plus proche le permettant.
(1) Rapport d'information n° 1900 - Septembre 2009 - Disponible sur
(2) En dehors de la conclusion d'un contrat de travail, Michèle Alliot-Marie estime que cela pourrait correspondre à la situation d' « une personne [qui décide] de s'impliquer dans des actions humanitaires [...]. Il peut aussi s'agir d'une jeune femme enceinte, qui est transformée par la grossesse et prépare activement la venue de l'enfant. On peut trouver là des éléments qui montrent la volonté de réinsertion. C'est le choc psychologique. »