L'inspection générale des affaires sociales (IGAS) a récemment rendu publique une étude sur la gestion de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) (1), menée sur la base de contrôles effectués dans quatre départements (Ain, Bouches-du-Rhône, Eure-et-Loir, Haute-Corse). Une étude qui se justifiait, selon l'IGAS, au regard de l'importance du dispositif : au 31 décembre 2007, on dénombrait en effet près de 1,1 million de bénéficiaires de l'APA, pour un coût d'environ 4,5 milliards d'euros. Pour la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui participe au financement de la prestation (2), cette réflexion était en outre nécessaire dans la perspective de la mise en place du « cinquième risque ».
L'IGAS pointe tout d'abord les difficultés qu'ont les départements à respecter les procédures et le délai d'instruction de deux mois des demandes d'APA. Dans les départements contrôlés, ces délais varient de 51 à 158 jours. Aussi l'inspection propose-t-elle de réduire les délais procéduraux, d'une part, en excluant des deux mois la phase de demande d'acceptation écrite du plan d'aide, préalable à la décision finale et, d'autre part, en supprimant l'examen systématique des demandes de la commission de proposition qui participe à l'examen des propositions d'aide. Aujourd'hui, à défaut de réponse dans le délai de deux mois, la demande d'APA est réputée accordée pour un montant forfaitaire jusqu'à ce qu'une décision soit notifiée au demandeur. Or cette compensation forfaitaire n'est que rarement mise en oeuvre, constate l'IGAS, qui suggère donc de la systématiser lorsque le délai global de décision n'est pas respecté.
L'IGAS critique en outre l'« instruction administrative plus ou moins exigeante » des demandes d'APA (notion de « dossier complet » qui varie selon les départements, etc.). Elle s'est aussi penchée sur les délais de renouvellement des aides qui, sur le terrain, diffèrent et ne sont pas modulés en fonction des besoins réels du demandeur. Par exemple, illustre-t-elle, « en sortie d'hospitalisation, l'APA n'est pas renforcée lorsque cela apparaît utile, pour une durée limitée, en fonction d'un besoin temporaire, à la différence de l'action sociale de la caisse nationale d'assurance vieillesse [CNAV] qui a mis au point une prestation adaptée dans ce cas pour ses retraités des groupes iso-ressources [GIR] 5 et 6 ». L'inspection recommande donc de « moduler la durée du droit et du niveau de l'APA pour tenir compte d'une dépendance temporaire ».
Elle en a aussi profité pour s'interroger sur la coexistence des systèmes de gestion des aides à domicile des départements (pour les GIR 1 à 4 dans le cadre de l'APA) et de la CNAV (pour les GIR 5 et 6), qui laissent notamment apparaître des systèmes d'évaluation distincts, des « risques de chevauchement et de double paiement ou, au contraire de dénis de droit ». Si ce partage actuel des compétences en fonction du niveau de dépendance était maintenu, indique le rapport, il faudrait « envisager d'étendre l'action sociale des caisses de retraite à l'ensemble de leurs assurés » (3) et de « mettre en place [...] un système commun d'évaluations médico-sociales [ainsi que] des liaisons administratives et financières adaptées pour garantir les droits des assurés, la continuité de ces droits et l'absence de doublons ».
Hormis la télégestion ou le chèque emploi-service universel (CESU), il n'existe « pas de contrôle rigoureux de l'effectivité des aides à domicile », déplore le rapport. Avec le CESU, seule l'aide réalisée et payée sera débitée au conseil général. Ainsi, « plus de contrôle d'effectivité à faire, ni d'indu à récupérer », constate l'IGAS, ce qui représente des « gains de gestion importants à la fois humains et financiers, [...] des économies qui couvrent largement les frais de gestion dus à l'émetteur de CESU ». Aussi suggère-t-elle, entre autres, de permettre au conseil général de déterminer des modalités de règlement présentant des garanties d'efficience et d'effectivité telles que le CESU dans le cadre d'un emploi direct ou la facturation directe au prestataire.
Pour l'IGAS, les règles de tarification des services d'aide à domicile sont trop complexes, une situation qui s'explique du fait de la coexistence des procédures dites de l'agrément (délivré par l'Etat) et d'autorisation des services (effectuée par le conseil général). En pratique, les services agréés sont libres de leurs prix alors que, pour les services autorisés, un tarif administré est pratiqué, ce qui entraîne des conséquences différentes sur le remboursement des prestations d'APA. Dans le cas du service agréé, il se fait en effet sur la base d'un tarif de référence fixé par le conseil général. Le service autorisé peut, lui, obtenir un tarif individualisé, sur la base duquel le conseil général rembourse les prestations d'APA. Dès lors, le bénéficiaire de l'APA peut avoir à supporter un reste à charge plus important s'il a recours un service agréé. Or il n'est pas toujours en mesure de savoir à qui il a à faire et de comparer tous les prix, les services d'aide à domicile ne jouant pas toujours la transparence. A cette fin, l'IGAS recommande « a minima, de changer les appellations «services agréés» et «services autorisés» au profit de termes plus conformes à la réalité, par exemple «services agréés pour des publics vulnérables» pour les premiers et «services agréés pour des publics vulnérables au tarif conventionné par le conseil général» pour les seconds ». Plus généralement, elle suggère d'unifier les deux procédures d'agrément et d'autorisation (voir aussi, sur ce point, le rapport de l'IGAS consacré aux services d'aide à domicile pour les personnes âgées, ci-dessous).
S'agissant du droit à l'APA accordé au bénéficiaire lorsqu'il est accueilli dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), il n'est ouvert que sur la base d'un dossier complet, ce qui, en pratique, a l'« inconvénient de pousser les établissements à la fixation précoce d'un GIR, alors que la situation de la personne âgée, généralement affectée par son entrée en établissement [...], n'est pas stabilisée avant deux ou trois semaines. A défaut, la personne âgée ne se verrait accorder l'APA que tardivement, ce qui poserait des problèmes financiers à la fois à l'établissement et à la personne âgée », constate l'inspection. Aussi préconise-t-elle de « ne pas exiger l'évaluation préalable de la dépendance pour considérer le dossier comme complet », ce qui permettra à la fois la fixation d'un niveau correct de dépendance et l'ouverture des droits à l'entrée dans la structure.
(1) La gestion de l'allocation personnalisée d'autonomie - Synthèse des contrôles de la mise en oeuvre de l'APA réalisés dans plusieurs départements - IGAS - Juillet 2009 - Disponible sur
(2) Plus précisément, 3 milliards sont financés par les départements et 1,5 milliard par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
(3) L'attribution de l'aide sociale à domicile pourrait être ainsi limitée aux personnes âgées ne relevant pas d'un régime d'assurance vieillesse mais de l'allocation spéciale versée par la Caisse des dépôts.