«Différencier clairement la politique du vieillissement de celle de la vieillesse, qui est un risque couvert par la protection sociale, offrir des partenariats aux acteurs du logement [...] en complément de ceux de la santé ou du secteur médico-social, valoriser le bénéfice social de proposer des logements adaptés et évolutifs comme élément de prévention, susciter et encourager l'approche design pour tous [...], organiser la relation intergénérationnelle au sein des instances de démocratie représentative, professionnaliser les nouveaux métiers, valoriser les nouveaux modes de vie. » Tels sont les objectifs qui sous-tendent les 32 propositions du rapport sur l'adaptation de l'habitat à l'évolution démographique (1), remis le 7 octobre à Benoist Apparu par Muriel Boulmier, présidente du groupe de travail « changement démographique et vieillissement » à la Fédération européenne du logement social et membre exécutif de l'Union sociale pour l'habitat. Un travail bien accueilli par le secrétaire d'Etat au logement qui a assuré que, avec son homologue chargé des aînés, Nora Berra, ils allaient « s'engager dans une volonté commune en faveur de l'autonomie, de la mobilité, de l'accessibilité et de la participation des aînés à la vie de la cité », regrettant que les politiques de l'habitat se soient « beaucoup centrées jusqu'à présent sur le quantitatif, sans suffisamment prendre en compte les besoins des habitants ».
Après avoir rappelé des projections démographiques bien connues - 20 millions de Français de plus de 60 ans en 2030, population des plus de 75 ans et des plus de 85 ans respectivement multipliée par trois et quatre d'ici là -, Muriel Boulmier considère qu'il faut donc « promouvoir l'adaptation de l'habitat au vieillissement comme un axe fort de la politique du logement ». Cela passe notamment par le renforcement du volet « habitat » du plan « Bien vieillir » (2) afin d'y accueillir, ès qualité, les acteurs de l'habitat et de les convier à participer au jury du label « Bien vieillir - Vivre ensemble » (3).
Parce que l'adaptation du logement existant exige, de la même manière que le logement neuf, « la maîtrise de la règle de l'art », et qu'il « constitue le plus grand nombre des chantiers », l'auteure estime par ailleurs nécessaire de « professionnaliser les interventions » dans ce champ d'activité. Elle préconise notamment de soutenir les démarches de labellisation de l'accessibilité du logement social aux personnes âgées et d'assouplir les règles d'accès au chèque emploi-service universel (CESU) pour les entreprises artisanales, permettant ainsi à leur clientèle âgée de bénéficier du crédit d'impôt afférent.
Autre axe majeur à développer, selon Muriel Boulmier : la mobilisation des professionnels et les partenariats. Il faut, selon elle, soutenir les recherches sur la fluidité de l'accessibilité des trois espaces (privé, partagé et public) en organisant des partenariats souples entres élus, urbanistes, architectes, professionnels du bâtiment, fournisseurs et services de transports, usagers, bailleurs, syndics de copropriété. Autres recommandations, pêle-mêle : veiller à ce que les documents d'urbanisme prennent en compte les évolutions démographiques du vieillissement dès le schéma de cohérence territoriale ; réactiver les « plans locaux habitat service » développés au début des années 1990 à l'initiative des bailleurs sociaux pour coordonner des interventions sur le bâti et les services à domicile, et ainsi favoriser le maintien à domicile des personnes âgée.
Muriel Boulmier mise également sur le développement de l'intergénérationnel au sein de l'habitat. Elle propose notamment la mise en place d'un cadre structuré et professionnalisé permettant la rencontre des partenaires intéressés - les villes, les personnes âgées et les jeunes - sur la base d'un contrat clairement défini.
L'auteure suggère, par ailleurs, une série de mesures pour aider les personnes âgées à financer les travaux nécessités par l'adaptation de leur logement. Tout d'abord, elle préconise de généraliser le CESU préfinancé par l'allocation personnalisée d'autonomie mais aussi par les autres financeurs (caisses de retraite, assurances...), et de flécher son utilisation pour financer les travaux de mise en sécurité et d'adaptation des logements. Elle souhaite également adapter l'accès au microcrédit aux besoins de financement du coût résiduel des travaux d'adaptation pour les personnes âgées à revenus modestes. Rappelant que les seniors, propriétaires à 75 % de leur logement, ont, pour 57 % d'entre eux, des revenus inférieurs au seuil de pauvreté, elle recommande également de réformer les règles du prêt viager hypothécaire pour en développer l'usage comme financement de l'adaptation du logement.
(1) L'adaptation de l'habitat à l'évolution démographique : un chantier d'avenir - Muriel Boulmier - Disp. sur