Recevoir la newsletter

Prévention de la délinquance : l'approche exclusivement sécuritaire irrite

Article réservé aux abonnés

Les mesures annoncées sur la prévention de la délinquance n'abordent la dimension du travail social que sous l'angle du partage des informations nominatives au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. D'où l'exaspération des professionnels.

«Rien de nouveau par rapport au plan précédent. Le gouvernement persiste dans son approche sécuritaire », réagit l'ANAS (Association nationale des assistants de service social) après l'annonce par François Fillon du plan de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes (voir ce numéro, page 5, et notre interview, page 24). « Ce n'est qu'un chapelet de dispositions entièrement dévolues au contrôle social et à la surveillance généralisée : vidéosurveillance, sanctuarisation des établissements scolaires et délation », résume le Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP)-FSU.

« Cela ne marche pas »

Il faut dire qu'en revenant à nouveau sur le partage de l'information nominative, le gouvernement ne pouvait qu'irriter les professionnels. D'autant que le Conseil national des villes (CNV) avait dressé un bilan très critique de l'application de la loi du 5 mars 2007, relevant qu'en voulant faciliter l'échange d'informations sociales confidentielles, elle avait mis les élus en porte-à-faux et renforcé la méfiance à leur égard (1). « On a donc bien vu que cela ne marche pas, juge Françoise Léglise, présidente de l'ANAS. Il faut arrêter de croire que les travailleurs sociaux auraient des informations que n'auraient pas les policiers. S'il y a un problème, rien n'empêche le maire de convoquer l'usager ! »

La ligne de l'association est claire : le travailleur social peut dire si telle famille fait l'objet d'une mesure, mais pas au-delà, et surtout pas donner des informations personnelles que celle-ci lui aurait confiées. Dans la réalité, explique-t-elle, bon nombre d'administrations rechignent à envoyer des travailleurs sociaux au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance pour éviter toute confusion sur le rôle et la place de chacun. Ce sont les responsables de service, qui ne sont pas au contact direct des familles, qui y participent et font le lien avec les professionnels, « ce qui ne pose généralement pas de problème », souligne l'ANAS. Elle juge, en outre, pernicieuse l'idée d'élaborer une charte déontologique avec le Conseil supérieur du travail social (CSTS) « pour le partage de l'information nominative dans le respect du secret professionnel ». « C'est un label visant finalement à dégager les professionnels du secret professionnel, qui semble ennuyer tout le monde », commente Françoise Léglise. « L'ajout d'une charte supplémentaire viendrait apporter plus de confusion », renchérit l'Unasea (Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes). Du côté du CSTS, si on est plutôt satisfait de voir reconnu celui-ci comme une instance ressources sur la déontologie, on se montre pourtant inquiet sur le risque d'instrumentalisation du travail social à des fins sécuritaires (2). Quant à l'idée de constituer une équipe pluridisciplinaire, composée notamment de travailleurs sociaux, de policiers et de personnels éducatifs, qui aidera, à sa demande, le maire à mettre en place le partage de l'information nominative, elle revient « à mettre à la disposition des municipalités les professionnels, qui deviennent ainsi de simples «sous-traitants» », estime l'ANAS. « Qui seront ces professionnels ? Quel lien hiérarchique avec le maire ? », s'interroge, dans le même sens, l'Unasea.

L'irritation des professionnels est d'autant plus compréhensible que le gouvernement n'évoque le travail social que sous la focale du partage d'informations. Ce qui revient à « nier » le travail de prévention des intervenants « qui cherchent par leur action à insérer socialement et scolairement les jeunes », estime le SNUAS-FP-FSU. Et alors que « les moyens des politiques publiques de prévention sont devenus dérisoires ».

Le plan, par ailleurs, ne facilite guère le développement de relations de confiance entre le maire et les acteurs sociaux, ou les usagers. Il donne ainsi à l'élu municipal « une mission formelle » de rappel à l'ordre et propose à cette fin qu'une convention soit signée dans chaque département. « Comment se feront les rappels à l'ordre : par convocation du maire ? en présence des parents ? Quelle sanction en cas de non-respect ? Cela constituera-t-il un premier échelon dans l'évaluation d'une délinquance potentielle ? », questionne l'Unasea. De même, en incitant les maires à mettre en place des conseils des droits et devoirs des familles - des instances déjà critiquées par le CNV en raison des « risques de confusion entre les autorités » -, on instaure « une forme de surveillance pénale des familles précaires », réagit Claude Bartolone, président (PS) du conseil général de Seine-Saint-Denis. Lequel réunissait, le 2 octobre les élus de droite et de gauche du département pour tirer la sonnette d'alarme sur la montée de l'insécurité.

Des oublis

A ces orientations sécuritaires s'ajoutent plusieurs oublis pointés par l'Unasea. Le secteur associatif habilité, « pourtant acteur de la justice des mineurs », n'est ainsi pas mentionné dans l'instance de coordination (qui réunit le juge des enfants, le parquet et les services de protection judiciaire de la jeunesse) instituée par le plan auprès de chaque tribunal pour enfants. Par ailleurs, la généralisation du contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) en faveur des jeunes sous main de justice, expérimenté dans sept départements par les missions locales, n'est pas suffisant pour lutter contre la récidive. « Les questions de logement, de la santé et de la vie sociale » sont également à prendre en compte.

Enfin le financement de ces mesures (par le fonds interministériel de prévention de la délinquance, les crédits de la politique de la ville et de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie) pose question, alors que le gouvernement refuse de mettre en place le fonds national de financement de protection de l'enfance.

Notes

(1) Voir ASH n° 2605 du 17-04-09, p. 16.

(2) L'un des travaux de la prochaine mandature pourrait d'ailleurs porter sur les questions de transmission de l'information et le secret partagé.

Sur le terrain

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur