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La Cour des comptes, un appui pour obtenir des moyens pour la protection de l'enfance ?

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Pour les professionnels du secteur, le rapport de la Cour des comptes rendu public le 1er octobre (voir ce numéro, page 7) a le mérite de mettre le doigt sur plusieurs réalités, dont, en premier lieu, la non-parution du décret créant le Fonds de financement de la protection de l'enfance. A ceci près qu'il omet de préciser qu'il s'agit d'un refus de l'Etat, affiché publiquement. Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille, avait ainsi expliqué au mois de juin au Sénat : « La création d'un fonds supplémentaire viendrait complexifier, brouiller les financements déjà existants. » Face à cette fin de non-recevoir, l'Assemblée des départements de France (ADF) a d'ailleurs, le 6 octobre, après la mobilisation de plusieurs conseils généraux (1) et après avoir saisi elle-même le Premier ministre début septembre, adopté une délibération visant à saisir le Conseil d'Etat d'« un référé injonction ». Objectif : contraindre le gouvernement à publier, dans un délai de trois mois, le décret portant création du fonds. Son absence, explique l'ADF, « cause un préjudice de 30 millions d'euros par an pour les conseils généraux », soit 90 millions d'euros depuis la création de la loi.

Si elle se félicite que le rôle de l'Etat soit rappelé, Fabienne Quiriau, directrice générale adjointe de l'Unasea, regrette néanmoins que la Cour des comptes porte une appréciation en demi-teinte sur le « groupe d'appui » de la réforme de la protection de l'enfance, piloté par l'association. Tout en appréciant cette mobilisation associative, les sages de la rue Cambon estiment en effet qu'il revient à l'Etat d'assurer le suivi de la réforme. Mais « son rôle n'est pas tant d'être dans la réflexion sur les pratiques que de porter une politique nationale en direction de l'enfant et la famille », commente-t-elle, ajoutant que l'initiative associative correspond à « l'esprit de la décentralisation ». Elle déplore à ce titre que la cour n'ait dit mot du rôle de l'Etat dans l'application des textes sur les droits des enfants, à un moment où « le sort réservé à la défenseure des enfants laisse penser que le sujet est accessoire » (2).

La protection de l'enfance étant un sujet éminemment politique, difficile à isoler des autres thématiques sociales, certains reprochent à la Cour des comptes une vision trop parcellaire. « Elle ne fait pas l'analyse de l'environnement, de la situation de crise qui augmente le nombre d'enfants à prendre en charge », critique Claude Roméo, co-auteur du Guide de la protection de l'enfance et initiateur, avec Jean-Pierre Rosenczveig, président de Défense des enfants International (DEI)-France et du tribunal pour enfants de Bobigny, de l'« Appel des 100 pour le renouveau de la protection de l'enfance » en 2005. Autres oublis : le rappel des compétences des services déconcentrés de l'Etat, qui a fait l'objet d'une circulaire interministérielle en 2001, la situation de la santé scolaire, notamment en raison des suppressions de postes de médecins scolaires et le statu quo pour la prise en charge des mineurs étrangers isolés. Surtout, ajoute-t-il, le rapport aurait dû insister sur « l'absence de politique nationale en matière de formation » initiale et continue des professions sociales. De façon générale, constate Claude Roméo : « On a voulu une loi d'avant-garde, sans se donner les moyens de la mettre en oeuvre. »

Sur ce sujet, les départements apprécieront moins les critiques de la Cour des comptes qui, tout en reconnaissant leurs initiatives, pointe leur manque de vision stratégique dans le pilotage de la protection de l'enfance. « Il y a 102 départements, donc 102 situations et spécificités », répond Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France et du conseil général des Côtes-d'Armor. Les politiques menées, qui impliquent directement les présidents de conseils généraux, sont, réplique-t-il, « globalement bonnes », voire « excellentes », même si certaines demandent à être améliorées. Les audits, pratiqués dans le cadre du renouvellement des schémas de la protection de l'enfance, conduisent déjà à « une remise en cause des pratiques ».

Pour les départements, nuance pourtant Fabienne Quiriau, le défi est désormais « d'être en situation de vrais pilotes, avec les moyens nécessaires, mais aussi en associant tous les acteurs pour faire émerger les innovations et valoriser les ressources possibles ». En outre, du chemin reste à parcourir pour diversifier les réponses du département, notamment en coordonnant les services de l'ASE, de l'aide sociale et de la protection maternelle et infantile, commente pour sa part Jean-Pierre Rosenczveig. C'est à ce prix, insiste-t-il, que le recours au juge, utilisé « quand la protection administrative est défaillante », pourra diminuer. Et le président de DEI-France de regretter, une fois encore, que le rapport n'ait pas comptabilisé les enfants bénéficiant d'aides financières parmi ceux relevant de la protection de l'enfance.

Notes

(1) Voir ASH n° 2626 du 2-10-09, p. 21.

(2) 30 organisations, dont ATD quart monde, l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, DEI-France, ou encore le Secours catholique, ont d'ailleurs adressé, le 5 octobre, une lettre ouverte au chef de l'Etat pour lui demander quelles suites il envisage de donner aux récentes observations du Comité des droits de l'enfant des Nations unies. Elles réclament notamment la mise en place d'un groupe de travail interministériel avec les associations et les institutions concernées pour examiner les conditions de mise en oeuvre des recommandations du comité.

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