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Contestation du bilan officiel du démantèlement de la « jungle » de Calais

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Une opération d'« une illégalité totale, du début à la fin », dont le coût certainement très élevé semble en décalage avec les résultats. L'Association pour la défense des droits des étrangers (ADDE), la Cimade, l'association d'avocats Elena France, le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI), le Syndicat des avocats de France (SAF) et le Syndicat de la magistrature ont vivement fustigé, le 1er octobre, nombre d'irrégularités, sanctionnées par les juges, dans l'opération de démantèlement de la « jungle » de Calais. « L'objectif, qui était de détruire un campement insalubre et une plaque tournante des filières clandestines à destination de l'Angleterre, est atteint », justifiait pourtant Eric Besson, le 28 septembre, six jours après l'opération. Alors que la destruction des campements se poursuivait le 2 octobre, le ministère de l'Immigration annonçait une diminution du nombre de clandestins dans le Calaisis, passé « de 1 500 en avril à moins de 500 aujourd'hui ».

Le bilan des organisations intervenant auprès des étrangers est beaucoup plus sombre. Elles s'élèvent en premier lieu contre l'éparpillement géographique des Afghans interpellés dans neuf centres de rétention à travers la France : « A travers ce choix apparaît la volonté d'éclater la défense », condamne Jean-Louis Borie, président du SAF. Un choix qui n'est pas sans rappeler « ce que le ministère veut faire en divisant l'intervention associative dans les centres de rétention en plusieurs lots », ne manque pas de souligner Stéphane Maugendre, président du GISTI. Dubitatives par ailleurs sur l'impact de l'opération sur le démantèlement des filières clandestines, les organisations la jugent même contre-productive. Ainsi, pour Stéphane Maugendre, « la défense des personnes face à des mafias est inexistante lorsqu'elles sont isolées ».

Selon les associations et les syndicats, sur 140 Afghans placés en centres de rétention, 132 ont été libérés au 1er octobre, dont 66 à la suite de la décision des tribunaux administratifs, qui se prononcent sur l'opportunité de l'éloignement du territoire (alors que le ministère annonçait de son côté 129 placements en rétention et 89 remises en liberté au 28 septembre). Un taux supérieur aux pratiques habituelles, souligne le Syndicat de la magistrature, contredisant là encore les constats officiels. « La plupart des juges ont estimé que l'accès au droit d'asile a été bafoué », commente Laurence Roques, du Syndicat des avocats de France. D'autres libérations ont été prononcées par les juges des libertés et de la détention, notamment en raison de la « violation des droits minimaux des étrangers en centre de rétention » (accès à un avocat, à un interprète...). Dans une soixantaine de cas, les juges ont également invoqué l'âge des personnes interpellées, rapportent encore les organisations, selon lesquelles l'administration est loin d'avoir respecté les procédures pour vérifier la minorité de certains jeunes. « Comme par hasard, beaucoup ont été enregistrés avec une date de naissance au 1er janvier 1991 ! », dénonce Vanina Rochiccioli, présidente de l'ADDE.

Le ministère a, quant à lui, déclaré que, sur 276 ressortissants étrangers interpellés, se trouvaient 125 mineurs étrangers isolés, dont 92 étaient toujours en « centre d'accueil » au 1er octobre, « sous protection de la justice ». Il précise avoir, « compte tenu de l'ampleur de l'opération », mis en place « un dispositif exceptionnel et temporaire de mise à l'abri » pour ces mineurs, financé par l'Etat à hauteur de 700 000 € . Cet accueil prévoit « un suivi personnalisé » et une orientation, selon que ces jeunes « souhaitent rester en France, demander l'asile ou encore rejoindre leur famille dans leur pays d'origine ». Trois centres, à Senlis (Oise), Vitry-sur-Orne (Moselle) et Carvin (Pas-de-Calais), ont été mobilisés. Un dispositif de mise à l'abri que les associations déplorent, alors que ces mineurs devraient relever d'une prise en charge de droit commun au titre de la protection de l'enfance.

Au-delà de la question d'une prise en charge adaptée des mineurs isolés, les organisations demandent plusieurs mesures pour en finir avec ce dossier non réglé depuis la destruction du camp de Sangatte en 2002. Elles souhaitent un plein accès à la demande d'asile pour tous les étrangers en situation irrégulière et un droit au séjour le temps de l'instruction de leur dossier. Ce qui passerait par la révision de la législation européenne, qui permet le renvoi de la procédure dans un autre pays de l'Union. France terre d'asile, qui en appelle à une « chaîne cohérente s'appuyant sur des solutions simples », réclame également des capacités d'hébergement en nombre suffisant. « Or les centres d'accueil pour demandeurs d'asile sont saturés et le budget de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile est notoirement sous-doté », rappelle l'association. Elle juge par ailleurs inacceptable le retour forcé des Afghans dans leur pays, compte tenu de la situation politique.

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