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Sécurité sociale : face à un déficit record, le gouvernement veut avant tout contenir les dépenses structurelles

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L'état des comptes du régime général de la sécurité sociale « est évidemment préoccupant. Le déficit a plus que doublé entre 2008 et 2009 et il atteint un niveau sans précédent à 23,5 milliards d'euros. » En 2010, il devrait même s'élever à 30,6 milliards, a indiqué Eric Woerth, ministre du Budget et des Comptes publics, à l'issue de la présentation du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale le 1er octobre ((1)). Pour le gouvernement, cette situation est la conséquence directe de la crise économique, qui compte pour 65 % dans le déficit en 2009 et 73 % en 2010. Toutes les branches sont fortement touchées, en particulier les branches famille et maladie qui sont sensibles à la conjoncture économique. Souhaitant avant tout limiter la casse, le gouvernement a élaboré un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2010 qui tend à « contenir la progression spontanée des dépenses [d'assurance maladie] » et à renforcer la lutte contre les fraudes.

Contenir les dépenses d'assurance maladie

La crise affecte en priorité l'assurance maladie, qui « redevient en 2009 la branche la plus déficitaire avec un solde de 11,5 milliards d'euros », contre 4,4 milliards en 2008. Toutefois, ses dépenses sont « de mieux en mieux maîtrisées », s'est félicitée la ministre de la Santé. En effet, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) n'a progressé que de 3,4 % en 2009 (contre 3,3 % initialement prévu), soit un dépassement de 335 millions d'euros. « Non seulement c'est l'un des plus faibles dépassements depuis la création de l'ONDAM, a souligné Eric Woerth, mais c'est aussi la première fois que l'on réussit à tenir deux années de suite un niveau de progression aussi bas, proche de 3 % ». En 2010, le déficit de la branche devrait encore se dégrader, pour atteindre 17 milliards d'euros, estime la commission des comptes. Pour pallier les effets de la crise et « continuer à contenir la progression spontanée des dépenses », le gouvernement souhaite donc faire voter un ONDAM fixé à 162,4 milliards d'euros (soit + 3 % par rapport à 2009), ce qui nécessite de faire 2,2 milliards d'euros d'économies. Pour ce faire, il entend notamment « recentrer progressivement l'assurance maladie sur le financement des dépenses les plus utiles médicalement », ce qui devrait entraîner notamment le déremboursement de certains médicaments.

Plus précisément, le PLFSS pour 2010 prévoit un taux de progression de 2,8 % de l'enveloppe « soins de ville » (contre 3,7 % en 2009), dont le respect suppose près de 600 millions d'économies. Par exemple, dans le domaine des affections de longue durée (ALD), Roselyne Bachelot envisage de « permettre aux personnes guéries du cancer de rester moins longtemps dans le statut d'ALD, tout en continuant à bénéficier d'une prise en charge à 100 % pour les examens de suivi ». Ce qui permettra en outre de « favoriser la réinsertion sociale de ces personnes, notamment l'accès à l'emprunt ».

Le texte devrait aussi permettre aux établissements de santé une progression des dépenses de 2,8 %. Signalons que, dans ce cadre, le gouvernement a annoncé la hausse du forfait journalier hospitalier, qui devrait passer de 16 à 18 € dans le cas général et de 12 à 13,5 € dans les services de psychiatrie.

S'agissant du secteur médico-social, une hausse des dépenses de 5,8 % devrait être autorisée (soit près de 820 millions d'euros). Une enveloppe qui devrait notamment servir à financer des places en établissements et services accueillant des personnes âgées et des personnes handicapées (voir encadré page 10). S'agissant de ces dernières, reprenant la proposition d'un récent rapport (2), le PLFSS pour 2010 prévoit d'intégrer les frais de transport des adultes handicapés dans le budget des établissements pour limiter le reste à charge des familles. Cette mesure sera appliquée de façon progressive, a indiqué la secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, « car des mesures d'accompagnement en matière d'aide à l'organisation des transports doivent également être mises en oeuvre ». Pour l'année 2010, elle devrait d'abord concerner les accueils de jour en maisons d'accueil spécialisées et foyers d'accueil médicalisé, une mesure jugée insuffisante par le secteur (sur les premières réactions, voir ce numéro page 28).

Maintenir la majoration de durée d'assurance pour les mères

La branche vieillesse s'enfonce dans le rouge, son déficit devant passer de 5,6 milliards d'euros en 2008 à 8,1 milliards en 2009. L'année prochaine, il devrait se creuser, pour atteindre 11,3 milliards en raison de la « progression soutenue » du nombre de départs anticipés à la retraite pour carrière longue (49 700, contre 24 700 en 2009) : les assurés qui n'auront pu y prétendre en 2009 en raison de l'allongement de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein devraient en effet reporter leur départ à 2010 (3).

Malgré ces chiffres, le gouvernement entend maintenir - tout en l'aménageant quelque peu - le dispositif de la majoration de durée d'assurance (huit trimestres) actuellement accordée aux mères pour leur retraite, alors même que la Cour de cassation l'a jugé discriminatoire à l'égard des pères (4)). Ainsi, le PLFSS pour 2010 prévoit d'accorder aux mères une majoration de quatre trimestres au titre de la grossesse et de la maternité. Les quatre autres trimestres, octroyés au titre de l'éducation des enfants, devraient être répartis entre la mère et le père de façon différente selon que les enfants sont nés avant ou après 2010. Pour ceux nés avant cette date, la majoration devrait bénéficier systématiquement à la mère, « sauf si le père démontre explicitement, avant la fin de l'année 2010, qu'il a élevé seul son enfant », a précisé le ministre de la Famille et de la Solidarité. Pour ceux nés après 2010, elle pourrait être, d'un commun accord entre les deux parents, soit attribuée à l'un ou à l'autre, soit répartie au sein du couple. En cas de silence du couple, elle devrait être octroyée à la mère et, en cas de désaccord, elle devrait être « attribuée à celui des deux parents qui établit avoir contribué à titre principal à l'éducation de l'enfant pendant la période la plus longue ou, à défaut, partagée par moitié », stipule le projet de loi. Cette réforme devrait s'appliquer aux parents adoptifs et aux couples pacsés ou vivant maritalement.

Pour favoriser l'emploi des seniors, le PLFSS pour 2010 devrait autoriser le versement de la pension d'invalidité de première catégorie - dont le niveau d'incapacité permet de poursuivre une activité - jusqu'à l'âge de 65 ans, contre 60 ans aujourd'hui, âge auquel l'octroi de la prestation s'interrompt, contraignant les assurés à cesser leur activité professionnelle.

Signalons au passage que la branche famille devrait accuser un déficit de 3,1 milliards d'euros en 2009 du fait de la croissance de 3,9 % des prestations légales (surtout celles en faveur des familles et des personnes handicapées). Et, en 2010, il devrait encore s'aggraver, pour s'établir à 4,4 milliards d'euros. Même si les prestations légales devraient « ralentir fortement », estime la commission des comptes, en raison notamment de la « revalorisation nulle de la base mensuelle de calcul des allocations familiales au 1er janvier 2010 », les prestations d'action sociale de la caisse nationale des allocations familiales devraient en revanche croître à un rythme plus élevé qu'en 2009 (+ 9,8 % contre 5,6 %).

Renforcer la lutte contre la fraude

Satisfait de la politique menée depuis deux ans pour lutter contre les abus et les fraudes, le ministre du Budget et des Comptes publics souhaite poursuivre ses efforts en ce sens. Il propose ainsi de continuer à lutter contre les arrêts de travail injustifiés « parce qu'ils sont encore beaucoup trop nombreux (13 % selon la caisse nationale d'assurance maladie pour les arrêts courts) et que les indemnités journalières [IJ] augmentent (+ 5,8 % en 2008 et + 6,6 % sur les cinq premiers mois de l'année 2009) ». Aussi le PLFSS pour 2010 prévoit-il de lutter contre les « arrêts successifs de travail injustifiés », explique Eric Woerth, précisant qu'« une personne ayant fait l'objet d'une suspension d'IJ pour arrêt injustifié ne pourra avoir automatiquement ses IJ si elle se fait immédiatement prescrire un arrêt de travail. Il faudra obligatoirement un accord préalable de la caisse [d'assurance maladie] ». Une mesure qu'il entend étendre à la fonction publique. En outre, le texte généralise l'expérimentation de la contre-visite des arrêts de travail organisée par l'employeur prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 ((5)).

Par ailleurs, pour lutter contre la fraude aux aides au logement - qui représente près de 30 % des fraudes détectées -, le projet de loi habilite les caisses d'allocations familiales à « contrôler la réalité de l'existence des logements loués par des bailleurs en leur permettant de recueillir les données nécessaires auprès de l'administration fiscale ».

DES PLACES EN ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES POUR PERSONNES ÂGÉES ET PERSONNES HANDICAPÉES

L'ONDAM « médico-social » 2010 devrait permettre de financer 7 500 places en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et 6 000 places au sein des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). En outre, elle contribuera à la médicalisation renforcée de 80 000 places en maisons de retraite, ce qui devrait permettre la création de 5 000 emplois soignants. Au-delà, a précisé Nora Berra, secrétaire d'Etat chargée des aînés, cette enveloppe assurera la montée en puissance du plan Alzheimer (6) : création de 140 unités d'hébergement renforcées, de 600 pôles d'activité et de soins adaptés et de 170 équipes mobiles pluridisciplinaires ; financement de 2 125 places d'accueil de jour et 1 125 places d'hébergement temporaire.

Pour les personnes handicapées, 360 millions d'euros seront mobilisés pour financer, en 2010, une partie du plan pluriannuel de construction issu de la Conférence nationale du handicap (7). Concernant les enfants, les efforts relatifs à la prévention et à l'accompagnement pour la scolarisation en milieu ordinaire seront poursuivis, avec la création ou l'extension de 15 centres d'action médico-sociale précoce, de 12 centres médico-psycho-pédagogiques et de 1 000 places de services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad). En outre, seront créées : 300 places en instituts médico-éducatifs (IME) et 200 en Sessad pour les enfants autistes ; 140 places en Sessad pour les enfants déficients visuels ; 100 places en IME et en instituts médico-professionnels (IMPRO) pour les enfants polyhandicapés ; 150 places en IME et en IMPRO pour ceux souffrant de déficience visuelle. S'agissant des adultes, le gouvernement entend, d'une part, créer 1 800 places en maisons d'accueil spécialisées et en foyers d'accueil médicalisé et, d'autre part, financer la médicalisation de 300 places de foyers de vie. Enfin, 1 500 places nouvelles de SSIAD et de services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah) seront financées, 500 places de Samsah devant être dédiées aux personnes handicapées psychiques.

Notes

(1) Disponible sur www.securite-sociale.fr.

(2) Voir ASH n° 2621 du 28-08-09, p. 6.

(3) La durée d'assurance doit en effet augmenter de un trimestre par an à compter de 2009 et par génération pour atteindre 164 trimestres en 2012 - Voir ASH n° 2570 du 29-08-08, p. 11.

(4) Voir ASH n° 2600 du 13-03-09, p. 12.

(5) Voir ASH n° 2609 du 15-05-09, p. 43.

(6) Voir ASH n° 2544 du 8-02-08, p. 5, n° 2608 du 8-05-09, p. 13, n° 2617 du 10-07-09, p. 13 et n° 2623 du 11-09-09, p. 12.

(7) Voir ASH n° 2562 du 13-06-08, p. 5 et 41.

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