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Prévention de la délinquance : le nouveau plan s'appuie sur le secret partagé

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Le plan de prévention de la délinquance présenté le 2 octobre par François Fillon vise pour l'essentiel à relancer la loi du 5 mars 2007 et, en particulier, à surmonter les difficultés rencontrées par les maires pour organiser le partage d'informations nominatives.

A l'issue d'un comité interministériel réunissant les ministres les plus concernés par le sujet (1), François Fillon a levé le voile, le 2 octobre à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), sur le plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes annoncé depuis plusieurs mois (sur les réactions d'élus et d'associations, voir ce numéro, page 25). Il répondait à la demande du président de la République qui, en mai dernier, avait stigmatisé les insuffisances en la matière et demandé au gouvernement de mettre en place une « stratégie globale interministérielle ».

D'une durée de trois ans et applicable dès le 1er janvier 2010, il consiste pour l'essentiel en un renforcement de dispositifs existants, l'idée étant de définir « les moyens nécessaires à l'application efficace de la loi du 5 mars 2007 » relative à la prévention de la délinquance. En effet, c'est peu dire que ce texte, qui fait du maire le pivot de la prévention de la délinquance et prévoit un certain nombre d'outils (2), a connu une mise en oeuvre chaotique. Dans un bilan très critique rendu public en début d'année, le Conseil national des villes avait d'ailleurs conclu à une absence quasi systématique d'application de cette loi (3). Pour évaluer ce nouveau plan - qui fait suite à la vingtaine de textes sécuritaires votés depuis 2002 et l'arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur -, une « mission permanente d'évaluation de la politique de prévention de la délinquance », composée notamment du secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance, de représentants des inspections générales des ministères concernés et de personnalités qualifiées, sera créée en collaboration avec l'association des maires de France.

Tour d'horizon des principales mesures.

Faire mieux accepter la notion de secret partagé

Une des lignes principales du plan est de « mieux soutenir les maires dans leur action » en leur donnant des instruments pour « construire des partenariats efficaces ». La loi du 5 mars 2007 leur a confié à cet égard la présidence de conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), instances appelées à être les pivots de la coordination entre les acteurs au niveau local. Entre autres prérogatives, le CLSPD peut constituer en son sein un ou plusieurs groupes de travail et d'échange d'informations à vocation territoriale ou thématique, dans le cadre desquels sont censés se réaliser les échanges d'informations nominatives et le repérage des personnes dont la situation est préoccupante au regard du risque de passage à l'acte de délinquance ou de récidive.

Problème : « il y a beaucoup d'endroits où il n'y a pas de conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance » et, surtout, « où les échanges d'informations entre les services ne fonctionnent pas » pour des raisons juridiques, idéologiques ou liées à des « problèmes de confiance », a reconnu le Premier ministre. Pour remédier à cela, le gouvernement souhaite en premier lieu systématiser les groupes de travail et d'échange d'informations au sein des CLSPD. Une circulaire du ministère de l'Intérieur rappellera ainsi aux préfets la nécessité pour les maires de créer ces instances. François Fillon veut par ailleurs travailler à ce que la notion de secret professionnel partagé soit mieux acceptée par les intervenants sociaux. Car « pour que cette circulation du secret professionnel soit possible, il faut absolument que règne entre [les acteurs] la confiance », a insisté le Premier ministre. A cet égard, la diffusion de la circulaire du 9 mai 2007 - qui apporte certains éclairages sur les modalités du partage d'informations confidentielles détenues par les professionnels de l'action sociale (4) - sera « réitérée » afin de permettre son accessibilité sur le site du ministère chargé des affaires sociales. Matignon en est en effet convaincu, ce texte est « de nature à clarifier certaines dispositions de la loi de 2007 [...], à assurer une meilleure articulation entre cette loi et celle sur la protection de l'enfance et à rassurer les travailleurs sociaux sur les règles déontologiques et les pratiques professionnelles auxquelles ils sont attachés ». De plus, une charte déontologique type sera élaborée en liaison avec le Conseil supérieur du travail social et sera déclinée au niveau départemental. Parallèlement, une équipe pluridisciplinaire de soutien et d'appui, constituée au plan national et composée entre autres de travailleurs sociaux, de policiers et de personnels de l'Education nationale interviendra, à la demande des maires, pour les « conseiller [...] dans la mise en place du partage de l'information nominative dans le respect du secret professionnel ».

Inciter les maires à appliquer la loi

Création de la loi du 5 mars 2007, le conseil pour les droits et devoirs des familles (CDDF) présidé par le maire est censé permettre notamment d'examiner la situation des familles de mineurs multiréitérants ou qui connaissent un absentéisme scolaire chronique, de leur adresser des recommandations et de proposer des mesures d'aide à l'exercice de la fonction parentale. A ce jour, seulement 31 conseils ont été créés et 11 sont en préparation. Le gouvernement veut donc inciter les édiles à mettre en place des CDDF dans leur commune. Le plan prévoit à cet égard l'élaboration de guides méthodologiques « s'appuyant sur les expériences qui ont prouvé toute leur efficacité ».

Par ailleurs, pour permettre aux maires de « mieux mesurer leur marge d'initiative » dans l'utilisation du « rappel à l'ordre » prévu par la loi du 5 mars 2007 et de le pratiquer « sans interférer dans les procédures judiciaires », une convention sera établie entre les parquets et l'association représentative des élus. Pour mémoire, ce rappel à l'ordre est censé permettre aux édiles « d'apporter une réponse institutionnelle simple et rapide à des faits ne justifiant pas une réaction judiciaire ».

Le gouvernement souhaite encore que les maires soient mieux informés des procédures judiciaires et de leurs résultats. Dans cette optique, les 50 tribunaux de grande instance (TGI) les plus importants seront dotés de « correspondants justice-ville ».

Plus globalement : des « stratégies territoriales de sécurité et de prévention » remplaceront les contrats locaux de sécurité. « Elles seront concentrées sur les objectifs prioritaires issus des diagnostics locaux », indique Matignon, et « constitueront à l'échelle communale ou intercommunale la voie normale de contractualisation entre les collectivités territoriales et l'Etat ».

Responsabiliser les parents

Un comité national de soutien à la parentalité sera créé par décret, sous l'égide du secrétariat d'Etat à la famille et à la solidarité et de ses services, et rassemblera l'ensemble des acteurs concernés, dont la caisse nationale des allocations familiales. Des comités départementaux à la parentalité seront également créés par décret « pour favoriser la coordination des dispositifs d'aide à la parentalité ». Ils réuniront notamment, sous l'égide du préfet, la caisse d'allocations familiales, le conseil général et l'ensemble des associations concernées localement.

Prévenir la récidive des mineurs par l'insertion professionnelle

Une autre priorité du gouvernement est de mieux lutter contre la récidive des mineurs délinquants. Le gouvernement entend, dans cette optique, favoriser leur insertion professionnelle en s'appuyant sur le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS). Actuellement, les missions locales organisent, dans sept départements, un accompagnement individualisé des jeunes sortants de détention via un CIVIS. Une expérimentation qui sera donc progressivement généralisée à l'ensemble du territoire national. « Dans l'immédiat, indique Matignon, dix missions locales ou associations ont été retenues par le Haut Commissariat à la jeunesse pour la construction de parcours vers l'emploi de jeunes détenus dans l'esprit du CIVIS. »

Autre mesure annoncée : l'institution, auprès de chaque tribunal pour enfants, d'une instance tripartite de coordination des acteurs de la justice réunissant les juges des enfants, le parquet et les services de protection judiciaire de la jeunesse.

Protéger les victimes

La protection des victimes figure également au menu du plan. Le gouvernement entend à cet égard s'appuyer notamment sur deux dispositifs existants. En premier lieu, les bureaux d'aide aux victimes, qui permettent à ces dernières d'obtenir une aide multiple en fonction de leurs besoins (aide psychologique, assistance juridique, aide au recouvrement, information sur le suivi de leurs dossiers, orientation...). Expérimenté depuis janvier 2009 dans 13 tribunaux de grande instance, le dispositif sera étendu aux 50 TGI comptant le taux de délinquance le plus élevé. L'ambition du gouvernement est qu'ils deviennent « de véritables guichets uniques d'aide aux victimes ».

Le plan évoque par ailleurs les 125 intervenants sociaux au sein des commissariats ou des unités de gendarmerie, qui apportent actuellement un premier soutien aux victimes aux côtés des associations d'aide aux victimes. « Le dispositif sera complété pour couvrir tous les départements et notamment les circonscriptions les plus touchées par les violences intra-familiales », a indiqué Matignon.

Notes

(1) Michèle Alliot-Marie, Brice Hortefeux, Xavier Darcos et Luc Chatel, respectivement ministres de la Justice, de l'Intérieur, du Travail et de l'Education nationale, ainsi que Fadela Amara, Rama Yade et Nadine Morano, secrétaires d'Etat chargées respectivement de la politique de la ville, des sports et de la famille.

(2) Voir ASH n° 2506 du 4-05-07, p. 15.

(3) Voir ASH n° 2605 du 17-04-09, p. 16.

(4) Voir ASH n° 2524 du 28-09-07, p. 5.

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