« On bosse ici, on vit ici, on reste ici. » Amara Diakité travaille avec de faux papiers à son nom pour la chaîne de restaurants Chez Papa, où un oncle l'a fait entrer en 2005. En janvier 2008, les menaces de licenciement se font plus lourdes, toujours pour le même motif : situation irrégulière. Dans la matinée du 15 avril, avec une quarantaine de collègues dans la même condition, Amara pénètre dans l'établissement de la rue Lafayette, dans le Xe arrondissement de Paris. Le piquet de grève durera jusqu'au 21 juillet suivant. Le photographe Bernard Rondeau a suivi cette lutte au grand jour. Il a fait des sans-papiers les héros du livre Des hommes libres. Il a aussi photographié les salariés des restaurants Bistro romain - certains licenciés, d'autres en « suspension » de contrat - devant l'établissement des Champs-Elysées, les cuisiniers du Café de la Jatte, à Neuilly, ou encore les éboueurs de Veolia et les employés de la société de nettoyage Millenium. Des Maliens, des Sénégalais et des Mauritaniens, dont il a saisi la détermination, la fraternité, les traits fatigués aussi. Enfin, il a immortalisé les nombreuses manifestations de salariés exaspérés par leurs conditions de vie, dont la première qui, symboliquement, ne s'est pas tenue devant le ministère de l'Immigration mais devant celui du Travail. Lors de cette épopée, le photographe a croisé le chemin de la journaliste Marion Esquerré. Pendant plus de un an, celle-ci a recueilli les nombreux témoignages qui viennent enrichir ses images. Près de 2 500 travailleurs ont mené des grèves. Plus de 2 000 d'entre eux ont obtenu des papiers et, très souvent, de meilleures conditions de travail.
Des hommes libres. Une histoire de la grève des travailleurs sans papiers - Photographies de Bernard Rondeau, textes de Marion Esquerré - Ed. Le Cherche Midi - 25 €