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Pouvoirs publics-associations : pour un partenariat renouvelé

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Le travail partenarial entre Etat et collectivités locales, d'une part, et associations, d'autre part, est aujourd'hui mis à mal, du fait, entre autres, du développement des appels d'offres. Alors que l'intérêt général serait mieux servi par des relations réellement contractuelles, souligne Dominique Schalchli, ancien salarié associatif, ancien permanent syndical, ancien agent de l'Etat, et président de l'association qui regroupe les trois lieux-ressources pour personnes titulaires des minima sociaux de Montpellier.

«Et pour l'emploi, ça donne quoi ? Cette question revient toujours du côté des pouvoirs publics, lancinante et quasi obsessionnelle, dans leurs rapports avec les associations du secteur social. Même celles dont l'objet n'est pas tourné directement vers l'emploi se la voient posée : comment, indirectement certes mais quand même, leur action favorise-t-elle la recherche d'un travail ? Malheur à ceux et celles qui ne peuvent répondre à ces injonctions ! Trouver un emploi est essentiel pour l'insertion, c'est une évidence... mais il en est une autre à ne pas oublier : nombre de personnes en difficulté, cassées par la vie, ne peuvent y accéder de but en blanc et, dans la compétition pour bénéficier de cette denrée plutôt rare, elles ont peu de chance de réussir si un travail préalable de resocialisation n'est pas mené avec elles. Dans la culture actuelle des pouvoirs publics - l'Etat bien sûr, mais aussi de plus en plus les collectivités territoriales -, cette seconde évidence que l'on espérait bien assise semble ne plus l'être autant : ces actions à visée resocialisante sont moins prioritaires, leurs financements régressent petit à petit... Ajoutons que cette fixation sur les résultats en termes de placements dans l'emploi peut aussi avoir des effets pervers non négligeables : sommées de montrer qu'une proportion adéquate de personnes trouve un emploi à l'issue des actions d'insertion, les associations sont amenées progressivement, et presque involontairement, à renoncer à y intégrer les publics les plus en difficulté (car les moins «plaçables» évidemment). Ainsi constate-t-on régulièrement que des mesures qui leur sont en principe destinées ne leur sont plus proposées que marginalement. Comment s'en étonner dans ces conditions ?

La part croissante du recours à la procédure de la commande publique par rapport à celle de la subvention constitue un deuxième durcissement de la relation entre les collectivités publiques et les associations. Un récent article des ASH fait un point intéressant et assez complet sur la question (1). Il rappelle notamment la distinction entre la subvention, «contribution financière versée par une collectivité publique à un service revêtant un caractère d'intérêt général», service dont «l'initiative et la mise en oeuvre sont le fait de l'association» et le marché public, avec appel d'offres et dans lequel la collectivité «a la maîtrise totale de la définition de la commande», l'association fournissant une simple «prestation de service». Dans ce dernier cas de figure - qui se développe fortement -, on est uniquement dans une relation de donneur d'ordre à prestataire de service. Beaucoup d'associations vivent à juste titre cette nouvelle situation comme la dénaturation du travail partenarial avec l'Etat et/ou les collectivités territoriales ou même comme sa disparition.

Dans le même temps, paradoxalement, le personnel politique est largement dévalué dans l'opinion publique (sauf au niveau de proximité, les communes), les agents publics ont, quant à eux, bien du mal à continuer à apparaître aux yeux des citoyens comme les garants de la continuité du service public ; tandis que, inversement, le fait associatif, en particulier dans le secteur social, est plébiscité dans les enquêtes d'opinion ! La capacité de la société civile à renouveler ses formes d'activité et de fonctionnement est en outre remarquée par nombre de sociologues observateurs de la vie politique, notamment avec le développement des réseaux et autres forums. Certains estiment même qu'il serait utile et qu'il est probable que se manifeste dans l'avenir une traduction politique de ces évolutions et donc un poids renforcé de la société civile et du fait associatif, bref la démocratie participative.

Quelles instances légitimes ?

La vraie question de fond est bien de savoir si les pouvoirs publics sont aujourd'hui les seules instances légitimes pour représenter et agir au nom de l'intérêt général dans ce secteur. Notre distinction plutôt claire en droit français entre ce qui est public et ce qui est privé - même si l'on admet des situations intermédiaires - devrait nous amener à répondre de manière positive à cette question : le travail des associations dans le secteur social peut être tout à fait louable, voire admirable, il reste du domaine privé ; et cela, que soient utilisées des procédures de subvention ou de marché public. Les associations peuvent être, dans cette conception, des opérateurs intermédiaires fort utiles, mais ce sont les pouvoirs publics, et eux seuls, qui ont vocation à agir au nom de l'intérêt général.

Vraiment ? Eh bien, figurez-vous, lorsque je travaille aujourd'hui bénévolement comme président de l'Association des lieux-ressources (pour les bénéficiaires de minima sociaux) de Montpellier (2), je pense - je suis même certain - que je participe au moins autant à l'intérêt général que lorsque j'étais responsable des formations pour les jeunes à la délégation à la formation professionnelle au ministère, ou chargé du suivi des organismes d'insertion dans une direction régionale du travail ! Ceux et celles - trop peu nombreux - qui ont eu comme moi l'occasion de se situer des deux côtés de la barrière le savent bien : l'intérêt général est en pratique porté par les uns et les autres et il faudrait donc pouvoir mieux le partager. Il faut ajouter que les organisations syndicales (et notamment leurs composantes interprofessionnelles) sont elles aussi concernées et agissantes sur ce terrain : ce n'est pas ici mon propos, mais il est intéressant de noter au passage le rapprochement qu'elles ont opéré depuis quelque temps avec le secteur associatif.

Des pistes pour avancer

Comment alors avancer concrètement dans le sens d'un vrai partenariat, sans attendre un changement global de cadre sur le sujet, hypothétique et en tout cas à plus long terme ? Quelques pistes sont possibles :

développer les expériences de relations véritablement contractuelles entre pouvoirs publics et associations. Un modèle mixte de convention, entre la subvention et la prestation de service, pourrait être créé, tenant compte des projets proposés par l'association comme de la commande publique avec un système d'évaluation externe ;

redonner aux diverses commissions locales et régionales une vraie fonction de co-construction de pactes territoriaux d'insertion et pas seulement de choix financiers individualisés. L'Etat, les collectivités locales, les syndicats patronaux et ouvriers, le secteur associatif s'y retrouvent, on peut donc y mener un travail plus partenarial qu'aujourd'hui, si les pouvoirs publics acceptent vraiment l'idée qu'en ces lieux on partage l'intérêt général ;

favoriser les occasions de brassage entre les personnels agents publics et ceux du secteur associatif ; leurs statuts et trajectoires sont évidemment différents, mais des passerelles peuvent être construites, d'abord en termes de formation continue. Une expérience de «mixage de publics» semble voir le jour actuellement dans le domaine de l'insertion par l'activité économique (IAE), sous l'égide de l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (organisme de formation des agents de l'Etat chargés de ces questions) et avec le concours du conseil national de l'IAE. Il faut développer ce type d'expériences. Ensuite en facilitant des «mises à disposition provisoires» (dont le statut et la durée sont à discuter, à partir des dispositions existantes), aussi bien de l'administration vers des associations qu'en sens inverse.

Il est enfin un dernier point sur lequel le secteur associatif peut apporter, dans cette perspective d'appréhension commune de l'intérêt général, une aide essentielle aux pouvoirs publics : celui de la participation des usagers. Dans les textes de généralisation du revenu de solidarité active, il est ainsi stipulé clairement que les usagers doivent être partie prenante du système. Supposons que ce ne soit pas un simple «effet d'annonce» : le secteur associatif, en tout cas une bonne partie de celui-ci, a un mode de fonctionnement qui intègre justement cette participation des usagers et les pouvoirs publics devront utiliser son relais pour mettre en oeuvre concrètement ce souhait.

Alors, plutôt que d'essayer d'appliquer dans la relation au secteur associatif des pratiques et recettes du marché, les «politiques» devraient se demander comment mettre ou remettre en place concrètement avec lui une conception plus partagée, plus partenariale, de l'intérêt général. Dans ces temps de recherche de nouvelles conduites adaptées à la société d'aujourd'hui, il y aurait là un assez beau et utile chantier... »

Contact : domischal@hotmail.fr

Notes

(1) « Les associations face au marché : l'impasse ? », ASH n° 2606 du 26-04-09, p. 24.

(2) Qui a pour objectif d'« aider les personnes en situation de précarité, et plus particulièrement celles percevant les minima sociaux, à garder et à retrouver leurs droits, leurs statuts, leur place dans la société ».

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