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Une enquête auprès des sans-abri confirme la nécessité de repenser leur prise en charge

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Quelles sont les attentes des personnes sans abri sur les conditions de leur prise en charge ? Une enquête, réalisée dans le cadre du « chantier national prioritaire 2008-2012 pour l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées » (1), vient conforter et compléter les constats déjà connus. Pilotée par le cabinet d'Alain Régnier, préfet délégué général à la coordination de l'hébergement et de l'accès au logement des personnes sans abri, elle a mobilisé les équipes de maraude de plusieurs associations participant au groupe de réflexion sur les conditions de prise en charge des personnes sans abri en cas de grand froid (2). Du 2 au 9 mars dernier, les intervenants, qui ont également répondu à un questionnaire sur leur mode de travail, ont recueilli l'avis de 255 personnes à la rue, dans 30 départements.

« Le dispositif d'accueil et d'hébergement n'est globalement pas adapté aux attentes des personnes rencontrées par les équipes de maraude, ce qui paraît plaider en faveur de la mise en place d'une offre de services plus accessible, plus souple et plus diversifiée », conclut l'étude. La forte demande de soins des publics rencontrés et le manque de collaboration entre les acteurs incitent par ailleurs « à renforcer la pluridisciplinarité des équipes et à améliorer la coordination ». Ces résultats, bien que sans grande surprise, participent au travail d'observation nécessaire à la définition des politiques publiques, tout en remettant en cause l'ensemble des acteurs impliqués, commente Didier Piard, directeur de l'action sociale de la Croix-Rouge : « Ils sont pour la première fois partagés par les personnes concernées et les équipes mobiles. Si l'on est loin d'avoir encore une réponse adaptée, on a avancé sur l'idée que l'on ne pouvait pas créer de dispositifs pour des publics qui n'y adhèrent pas. »

Les personnes interrogées, en grande majorité des hommes, ont en moyenne 38 ans. La moitié d'entre elles ont perdu leur logement depuis moins de trois ans. Elles dorment le plus souvent dans l'espace public (60 %), des squats (35 %), en établissement d'accueil (22 %), au domicile de tiers (16 %) et à l'hôtel (9 %). Près des trois quarts ont une ou plusieurs sources de revenu (RMI, allocation aux adultes handicapés...), mais 14 % ne vivent que de la mendicité.

Premier constat : le numéro d'urgence du 115 est peu utilisé. « Dans les 12 derniers mois, un quart des personnes interrogées ne l'a jamais appelé et 40 % appellent peu fréquemment. » En général parmi les plus âgés, les « non-appelants » sont sans logement depuis longtemps et portent un regard critique sur les centres d'hébergement. Les publics rencontrés expriment de fortes attentes en matière de soins (48 %), alors que ce sujet est moins évoqué parmi les objectifs cités par les équipes mobiles (31 %). A l'inverse, ils demandent moins d'hébergement (45 %), alors que la mise à l'abri et l'orientation sont citées parmi leurs missions prioritaires par les « maraudeurs » (88 %). Les personnes rencontrées souhaiteraient par ailleurs plus de services en matière d'hygiène, d'aide aux démarches administratives et que « les divers services qui leur sont destinés soient regroupés en un même lieu ».

Les critiques les plus fréquentes des sans-abri à l'égard des centres d'hébergement d'urgence sont le manque d'intimité (52 %), leur inadaptation au repos (46 %), le manque d'hygiène (38 %) et de sécurité (38 %). Leur avis sur « la mise à l'abri obligatoire », qui avait suscité la controverse l'hiver dernier, est assez contrasté : 35 % sont contre, 27 % totalement favorables et 19 % favorables dans certains cas, les plus réfractaires étant surtout ceux qui ont une vision négative des centres d'hébergement. Quant aux équipes mobiles, la majorité (80 %) déclare ne pas connaître le « protocole d'intervention grand froid » mis en place en 2003 et selon lequel « l'obligation d'assistance à personne en danger sera appréciée par les acteurs de terrain en lien avec le médecin régulateur du SAMU ». Un peu moins de la moitié déclare l'appliquer systématiquement. Les équipes « soulignent que les autres acteurs concernés par ce dispositif (le SAMU médical, les pompiers, la police) ne connaissent pas ce protocole » et que « cette méconnaissance engendre des difficultés de coordination et complexifie les relations avec ces autres professionnels de l'urgence sociale ». La grande majorité des « maraudeurs » interrogés (91 %) déclarent enfin avoir des difficultés pour orienter les personnes, en raison de leur refus d'être prises en charge (82 %), de l'absence de places disponibles (65 %) et d'une offre d'hébergement inadaptée à leurs besoins (49 %).

Autant de réflexions qui devraient être versées au chantier sur « le schéma national de la refondation de l'accueil des sans-abri », qui vient de démarrer avec les associations. Trois groupes de travail - sur l'accueil, l'orientation et l'accompagnement, la territorialisation des politiques publiques à l'égard de l'offre et l'accompagnement vers le logement - devraient rendre leurs conclusions à la fin du mois d'octobre.

Notes

(1) Synthèse disponible sur www.croix-rouge.fr.

(2) Croix-Rouge française, Fondation de l'Armée du Salut, Ordre de Malte, Restos du Coeur, SAMU social de Paris. Le Collectif Les morts de la rue a également participé à l'élaboration des questionnaires.

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