La perception de la pauvreté est différente d'un pays européen à l'autre. C'est ce que soulignent à la fois une enquête de l'INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) et le « baromètre annuel IPSOS » que publie le Secours populaire à l'occasion de la parution du numéro spécial « Europe » de son mensuel Convergences. Réalisé auprès d'habitants de quatre pays (France, Grande-Bretagne, Espagne, Pologne), ce sondage montre que plus de sept Européens sur dix affirment avoir le sentiment que la précarité est en hausse (1). Et près d'un sur deux a fait l'expérience de difficultés financières régulières et importantes dans son quotidien au cours de cette année. Ce sont les Français qui vivent cette augmentation de la précarité de la manière la plus aiguë, largement devant les Britanniques, les Espagnols ou les Polonais.
« Qu'est-ce qu'être pauvre aujourd'hui en Europe ? », s'interroge de son côté l'INSEE dans son étude, qui porte sur la « pauvreté en conditions de vie », c'est-à-dire la pauvreté définie comme le fait d'être victime d'un certain nombre de privations (2). Une liste de 74 privations (se priver régulièrement d'un repas plusieurs fois par semaine, ne pas pouvoir payer à ses enfants des vêtements à leur taille, ne pas pouvoir s'acheter un ordinateur...) ont été soumises à un échantillon d'individus, qui ont dû, pour chacune d'entre elles, indiquer s'il juge intolérable qu'une personne la subisse. « Personne ne s'accorde sur le même panier de privations inacceptables », montre l'étude. Il en ressort aussi que la plus large définition de la pauvreté provient des pays les moins riches (Bulgarie, Chypre, Grèce, Hongrie, Roumanie...) alors que les plus riches (Allemagne, Danemark, France, Grande-Bretagne, Italie) limitent la pauvreté aux privations les plus vitales. Tous s'accordent cependant sur la santé, l'incapacité à se soigner étant perçue dans toute l'Europe comme une privation de premier ordre. Parmi les Français, un peu moins d'un tiers des privations font consensus (conditions de logements, d'alimentation...) mais, contrairement aux Britanniques qui associent pauvreté et absence de réseaux d'amis ou de parents, ils ne considèrent pas les privations liées aux loisirs ou à la sociabilité comme des atteintes aux « besoins vitaux ».
Les Français auraient-ils tendance à assimiler la pauvreté aux plus exclus ? C'est ce que tend à montrer la Fédération française des Banques alimentaires, qui rend public un sondage sur la vision de l'aide alimentaire par les Français. « Les gens perçoivent les personnes qui ont besoin de l'aide alimentaire comme des personnes marginalisées et éloignées du travail, alors que notre réalité est différente : au-delà des exclus, 29 % des personnes que nous accueillons sont des chômeurs, des retraités, des travailleurs pauvres », précise Alain Seugé, président de la fédération.
En 2010, l'« année européenne de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale » permettra peut-être de mieux sensibiliser l'opinion publique à cette question.
(1) 2 000 personnes ont été sondées.
(2) L'étude est publiée dans Economie et statistique n° 421 - Septembre 2009. Elle s'appuie sur deux études, l'une sur les « standards de vie » réalisée en 2006, et sur l'Eurobaromètre 67.1 de 2007 commandé par la Commission européenne.