En déplacement à Avignon, le président de la République a dévoilé, le 29 septembre, une batterie de nouvelles mesures en faveur de la jeunesse, abondées en 2010 dans le cadre des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, et dont le coût total devrait s'élever à 460 millions d'euros pour 2010 (1). Ces annonces - qui seront financées « sans nouvelle mesure de recette », a précisé l'Elysée - prolongent le plan d'urgence pour l'emploi des jeunes présenté en avril (2) et reprennent un certain nombre des propositions formulées dans le « livre vert » sur la politique de la jeunesse (3) à l'instar de l'extension du revenu de solidarité active (RSA) aux moins de 25 ans en emploi (sur les premières réactions associatives, voir ce numéro,, page 20).
Le RSA, comme le revenu minimum d'insertion auquel il s'est substitué le 1er juin dernier en métropole, n'est actuellement pas ouvert aux jeunes de moins de 25 ans sans enfant. Une situation « injuste » pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, a estimé Nicolas Sarkozy. Aussi le dispositif est-il étendu aux jeunes de moins de 25 ans ayant travaillé un minimum de deux ans sur une période de trois ans, qui en bénéficieront dans les mêmes conditions que les plus de 25 ans. Les étudiants de moins de 25 ans dont l'activité professionnelle prévaut sur les études devraient aussi avoir accès au RSA pour compléter leurs revenus du travail, sous la même réserve (avoir totalisé l'équivalent de deux années de travail dans les trois dernières années). La mesure devrait bénéficier, à l'issue de sa montée en charge, à environ 160 000 jeunes, dont 120 000 en emploi, pour un coût annuel d'environ 250 millions d'euros.
Par ailleurs, en 2010 et 2011, le Haut Commissaire à la jeunesse disposera d'une enveloppe de 50 millions d'euros pour expérimenter de nouvelles formes d'aides pour les jeunes. En pratique, trois outils seront testés :
pour les 16-18 ans qui quittent le système de formation initiale sans diplôme (120 000 par an), un accompagnement intensif, avec des aides personnalisées pour ceux qui feront l'effort de suivre un parcours de réinsertion (voir ci-dessous) ;
pour les 18-25 ans peu qualifiés ou au chômage depuis une longue durée, un accompagnement intensif dans le cadre duquel celui qui acceptera toute offre de formation ou d'emploi proposée par son référent bénéficiera d'une garantie minimale de ressources d'environ 250 € par mois pendant deux ans. Les ressources perçues à un autre titre (bourse, activité professionnelle...) seront comptabilisées totalement ou partiellement dans ce revenu garanti. 8 000 jeunes devraient être concernés ;
pour les 18-25 ans, un mécanisme de dotation permettant au jeune qui le souhaite de bénéficier lui-même d'une partie des aides publiques aujourd'hui attribuées à ses parents (allocations familiales par exemple). Dans ce cadre, le jeune aura la possibilité de financer des dépenses préalablement définies. Pour inciter au travail, la « dotation d'autonomie » sera rechargeable pendant les périodes d'activité : chaque mois travaillé donnera droit à un abondement de la dotation (100 € par mois, dans la limite de 24 mois). 8 000 jeunes devraient pouvoir en bénéficier.
Le chef de l'Etat entend, en outre, poursuivre l'allongement du calendrier universitaire dans les filières qui le nécessitent. Avec plusieurs conséquences : outre l'accès des étudiants aux services utiles (bibliothèques, salles informatiques, etc.) dès le mois de septembre, un dixième mois de bourse sera accordé lorsque la durée de formation le justifiera (les bourses sont pour l'instant versées en neuf mensualités, d'octobre à juin), ce mécanisme devant être conjugué à un contrôle renforcé de l'assiduité.
Au-delà, pour améliorer la couverture santé des jeunes, l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé pour les moins de 25 ans sera doublée, passant de 100 à 200 € . 30 millions d'euros seront débloqués en 2010 pour financer cette mesure.
Améliorer l'insertion professionnelle des jeunes constitue une autre priorité. Pour cela, la formation en alternance sera développée. En particulier, le statut des apprentis sera amélioré, pour qu'ils bénéficient d'avantages inspirés de ceux accordés aux étudiants (réductions sur les loisirs et les transports, accès aux restaurants universitaires...). Par ailleurs, la fonction publique s'ouvrira davantage à l'alternance (4), notamment en levant les obstacles au développement de l'apprentissage et en élargissant le dispositif « PACTE » (5). Et l'apprentissage en fin de cursus universitaire sera accru, sur la base d'expérimentations avec des universités pilotes.
Autre dispositif qui sera renforcé, le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) (6), pour mieux accompagner les jeunes les plus en difficulté. Concrètement, le montant de l'allocation du CIVIS sera augmenté (elle est pour l'instant limitée à 900 € par an), et l'accompagnement des jeunes sera renforcé tout comme les devoirs auxquels ils sont astreints. En outre, le financement du permis de conduire sera ouvert aux jeunes en CIVIS comme outil d'accompagnement d'une démarche d'insertion. 80 millions seront dégagés en 2010 pour mettre en oeuvre ces orientations.
Par ailleurs, les stages hors cursus seront interdits (7). Autre nouveauté à venir : l'autorisation des prérecrutements dans le secteur privé. Les partenaires sociaux seront prochainement saisis en vue de proposer un cadre juridique permettant aux entreprises qui le souhaitent d'offrir à des jeunes de financer leurs études contre un engagement à travailler ensuite dans l'entreprise concernée pendant une durée limitée.
Un droit à préparer sa vie active sera instauré entre 16 et 18 ans, qu'il prenne la forme d'une formation, dans la sphère éducative ou en alternance, ou d'un emploi. Objectif de cette prolongation, sous une forme différente, de l'obligation scolaire : ne laisser aucun jeune mineur sans accompagnement ni soutien s'il décroche de l'école à 16 ans. Elle sera consacrée par la loi.
Dans les faits, un suivi systématique des « décrocheurs » sera organisé. Des plates-formes régionales d'orientation garantiront ainsi le repérage et le suivi de tous les jeunes concernés. Ceux ainsi repérés se verront offrir immédiatement une solution organisée par cette plate-forme (place en école de la deuxième chance, apprentissage, formation, etc.). Déjà en cours de mise en place dans plusieurs régions, ces plates-formes seront généralisées à la rentrée 2010, avec un budget de 30 millions d'euros.
Les missions locales seront le pivot de l'accompagnement des jeunes. Leurs moyens seront renforcés à hauteur de leurs résultats dans la prise en charge de ces publics, 40 millions d'euros étant dégagés à cet effet en 2010.
Enfin, une expérimentation sera conduite début 2010 pour aider 6 000 jeunes « décrocheurs » qui feront l'effort de suivre un parcours de réinsertion. Elle permettra, sous le contrôle du référent du jeune, de financer des dépenses indispensables à son insertion (frais de formation, permis de conduire, logement, etc.), dans la limite de 2 500 € par jeune.
Autre engagement réaffirmé par le président de la République : la mise en place d'un véritable service public de l'orientation. Concrètement, l'information des jeunes sur les filières de formation et leurs débouchés professionnels sera généralisée. Et les opérateurs nationaux de l'orientation seront rapprochés et dotés d'un portail Internet et d'une plate-forme téléphonique commune pour la rentrée 2010.
L'orientation sera placée au coeur de l'Education nationale. Elle sera ainsi intégrée dans les projets des établissements. En pratique, au cours de la scolarité, des étapes permettront aux jeunes de bénéficier d'actions de découverte des métiers, d'information sur les filières de formation, de conseil sur les choix possibles. Parallèlement, un droit à la réorientation sera expérimenté, pour permettre à certains élèves de rompre avec l'enfermement dans des parcours d'échec, tant dans le secondaire que dans le supérieur. Le projet de loi réformant la formation professionnelle, qui devrait être définitivement adopté à la mi-octobre par le Parlement, a d'ores et déjà engagé cette réforme.
A signaler également : un livret de compétences élargi au-delà de l'Education nationale sera expérimenté, afin de valoriser les compétences et potentialités des jeunes sans les limiter aux seuls résultats académiques (aptitudes acquises par l'engagement dans des activités associatives, sportives et culturelles, etc.). Egalement prévu par le projet de loi sur la formation professionnelle, cet outil sera mis en place début 2010 dans une première série d'établissements et d'académies volontaires, qui travailleront en partenariat avec tous les acteurs concernés, y compris les mouvements d'éducation populaire.
L'Elysée entend, par ailleurs, insuffler une nouvelle ambition au service civique, en simplifiant son régime juridique, qui autorisera le recours à des associations intermédiaires et les structures à proposer des missions courtes. Concrètement, il permettra à des jeunes de consacrer du temps à des actions d'intérêt général, l'inspection générale des affaires sociales devant très prochainement fixer le cadre de référence des missions éligibles. Cette étape de vie sera reconnue et valorisée dans les parcours des jeunes. En 2010, 10 000 jeunes devraient être concernés par le service civique. A terme, ce temps d'engagement aura vocation à mobiliser 10 % d'une classe d'âge.
Par ailleurs, la mobilité européenne sera développée pour les jeunes qui aujourd'hui n'en bénéficient pas. Nicolas Sarkozy a en particulier évoqué la création d'un « Erasmus des apprentis ».
Un statut de pré-majorité sera en outre instauré pour donner aux jeunes de 16 à 18 ans la possibilité d'être trésorier ou président d'une association et de créer leur entreprise « dans un cadre sécurisé ». Et le bénévolat des jeunes sera pleinement encouragé et ses acquis valorisés.
Autres mesures annoncées : la création d'un conseil représentatif de la jeunesse et le renforcement de la place des jeunes dans le Conseil économique, social et environnemental.
Enfin, une « nouvelle dynamique » sera donnée à l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, qui deviendra un centre d'expertise à part entière (8).
(1) Pour 2011 et les années suivantes, le gouvernement fera prochainement des propositions sur des mesures de financement pérennes.
(4) Laurent Hénart, député (UMP) de Meurthe-et-Moselle, doit prochainement rendre au Premier ministre ses préconisations pour développer l'alternance dans les fonctions publiques.
(5) Sur le parcours d'accès aux carrières territoriales, hospitalières et de l'Etat, voir ASH n° 2446 du 10-03-06, p. 21 et n° 2447 du 17-03-06, p. 21.
(7) Cette mesure a d'ores et déjà été intégrée au projet de loi sur la formation professionnelle en cours d'adoption au Parlement.