Vers 35 ans, les personnes sans papiers qui vivent en Europe sont déjà en mauvaise santé, selon le deuxième rapport de l'Observatoire européen de l'accès aux soins de Médecins du monde (1). D'après son enquête réalisée auprès d'environ 1 200 personnes vivant dans 11 pays européens, ils doivent faire face à « une cascade d'obstacles » avant d'être soignés et 38 % d'entre eux présentent au moins un problème de santé non pris en charge. Aux mauvaises conditions de logement et de travail, à l'isolement et aux violences subies avant et pendant leur migration, s'ajoute souvent un accès restreint à une prise en charge financière des soins. Ainsi, certains Etats comme l'Allemagne, la Grèce, la Suède et la Suisse limitent l'accès de ces personnes aux urgences et offrent peu de possibilités d'accès aux soins pour les pathologies courantes ou chroniques. Au Royaume-Uni, c'est aux médecins généralistes de décider ou non de l'accès gratuit aux soins de première ligne et le système ne prévoit aucune prise en charge au long cours. Et même dans les pays comme la France, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal, où la législation prévoit la prise en charge de tout ou partie des coûts des soins, de nombreux blocages (complexités administratives, méconnaissance des droits tant de la part des patients que des professionnels de santé) persistent. Ainsi, alors que 70 % des personnes sans papiers interrogées dans ces pays avaient théoriquement droit à une prise en charge financière de leurs soins, seul un quart le savait.
Au total, 80 % des personnes rencontrées par Médecins du monde n'ont bénéficié d'aucune prise en charge financière de leurs soins lors de leur dernière maladie. Pas étonnant, dans ce contexte, que 41 % des personnes aient renoncé, au cours des 12 derniers mois, à se soigner. « Un tiers des problèmes de santé qui demanderaient un traitement indispensable ne sont pas suivis du tout, s'alarme Juliette Poirson, chargée de projet à l'Observatoire européen de l'accès aux soins, alors qu'il est évident que le fait de ne pas être traité à temps est un facteur aggravant. »
Par ailleurs, 30 % des sans-papiers ont renoncé aux soins pour leurs enfants. Le rapport souligne d'ailleurs la mauvaise santé de ces derniers alors qu'ils devraient être couverts au titre de la protection de l'enfance. 86 % des familles vivent dans un logement surpeuplé avec des conséquences prévisibles sur le développement de l'enfant : manque d'intimité, difficultés à préserver un espace au calme pour le travail scolaire, etc. Avec les déménagements successifs au fil des expulsions, l'inquiétude et le désarroi des parents se répercutent sur la santé mentale de leurs enfants (2). Et si l'accès aux soins des enfants dans le système de droit commun est souvent moins difficile que pour les adultes, il dépend tout de même des professionnels de santé eux-mêmes. Enfin les femmes enceintes sans autorisation de séjour ne bénéficient pas de suivi adapté.
Face à « ces constats alarmants », Médecins du monde demande une nouvelle fois « un égal accès à la prévention et aux soins pour toutes les personnes vivant en Europe, sans discrimination ni de statut administratif ni de capacité financière ». Alors que les lois migratoires européennes se durcissent depuis plusieurs années, l'organisation « ne peut accepter de voir les politiques de santé assujetties aux politiques d'immigration ». Elle demande le respect du secret médical et l'interdiction formelle de toute dénonciation ou arrestation de personne sans papiers lors d'un acte de soins. Elle souhaite « des mesures immédiates » pour les mineurs et les femmes enceintes ainsi que la protection des étrangers gravement malades qui ne peuvent avoir un accès effectif aux soins dans leur pays d'origine.
(1) Disponible sur
(2) Sur l'état de santé des enfants de sans-papiers en France, voir l'interview d'un pédopsychiatre dans les ASH n° 2593 du 23-01-09, p. 27.