Vous êtes en première ligne pour la gestion de la pandémie grippale...
Cette pandémie rentre dans notre rôle de veille et de gestion des risques sanitaires. C'est à la DDASS et aux médecins inspecteurs que sont signalés les cas de méningite, de légionellose, de grippe ou de toute autre infection, qui surviennent dans les écoles, les hôpitaux, les maisons de retraite... Nous sommes sollicités pour apporter notre expertise médicale, établir des synthèses de situation, offrir des conseils sur les mesures à mettre en place pour accompagner les structures face à une possible épidémie. Depuis six mois, nous sommes en plus mobilisés pour faire face à la grippe A. Dès avril, nous avons dû assurer le suivi des personnes malades et veiller au respect des consignes gouvernementales. Nous sommes aussi sollicités pour appuyer les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux dans la rédaction de leurs plans de continuité d'activité.
Vous avez lancé, il y a un mois, un appel solennel à Roselyne Bachelot. Pourquoi ?
Tout cela exige du temps et s'ajoute à toutes nos autres sollicitations : plaintes pour maltraitance dans une maison de retraite, déclinaison des plans de santé publique, appui à l'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire, procédures concernant les étrangers malades... La gestion de l'épidémie pèse fortement sur un corps de fonctionnaires en sous-effectif chronique : moins de 500 médecins inspecteurs dans toute la France, dont environ 350 dans les DDASS et les DRASS. Certaines directions départementales n'ont plus de médecin et, dans d'autres, un seul assure toutes les missions. Chaque année, on compte une cinquantaine de postes vacants du fait du manque d'attractivité de cette profession, situation sur laquelle nous alertons le ministère depuis des années.
Certains (2) ont dénoncé le manque d'anticipation des mesures prises pour les personnes âgées...
Il est vrai que les mesures catégorielles, pour les personnes âgées, handicapées, les enfants... arrivent au compte-gouttes. Mais ce qui manque surtout, c'est un pilotage clair et cohérent du dossier, géré à la fois par le ministère de l'Intérieur et celui de la Santé. Plusieurs services nous demandent en urgence des informations similaires - par exemple les professionnels à vacciner ou le coût de la vaccination - au lieu de croiser leurs informations. Nous sommes également submergés par les interrogations d'administrations, de professionnels ou de directeurs d'établissements relatives à la conduite à tenir en cas de personne malade, leur responsabilité si les personnes refusent de se faire vacciner... Par ailleurs, nous sommes confrontés à des demandes ou à des décisions prises au niveau national sans tenir compte des réalités du terrain : les délais pour organiser localement les centres de vaccination sont, par exemple, intenables ! Tout cela met les médecins inspecteurs de santé publique dans une situation d'impuissance très difficile à vivre et entraîne un découragement croissant.
On ne peut pourtant pas reprocher au gouvernement un déficit de communication...
Justement, nous constatons un grand décalage entre la communication gouvernementale et l'organisation des actions sanitaires sur le terrain. La prise en charge de l'épidémie avance entre commandes urgentes et exigences successives avec des difficultés de cohérence et d'adéquation avec les moyens existants. Cette pression entraîne une surcharge de travail, qui risque de s'intensifier avec l'évolution de l'épidémie et pourrait avoir de graves conséquences. Cette situation est révélatrice de la crise structurelle de l'organisation de la santé publique. Et tout nous fait craindre que les agences régionales de santé, en dispersant les différents corps techniques, reconduisent les dysfonctionnements.
(1) Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique : 66, rue d'Amsterdam - 75008 Paris -
(2) Comme l'Espace éthique AP-HP - Voir ASH n° 2624 du 18-09-09, p. 19.