Recevoir la newsletter

Faire rendre gorge

Article réservé aux abonnés

Il n'y aurait, à en croire le déploiement d'efforts auquel on assiste sur ce front, rien de plus urgent que de donner un coup d'arrêt à la fraude aux prestations sociales, en particulier aux minima sociaux, aux prestations familiales et autres prestations de survie. Est-on bien sûr, cependant, que la fraude revête des proportions de nature à justifier qu'il soit fait recours à des procédés de dissuasion, et de répression, aussi radicaux que ceux qui sont brandis : prohibition législative des remises d'indus pour cause de précarité (traditionnellement admises à la diligence de l'autorité administrative, sous le contrôle du juge) en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration ; fongibilité des indus permettant aux organismes payeurs de procéder aux récupérations des indus d'une prestation déterminée sur les mensualités d'une autre prestation ; aggravation des pouvoirs de contrainte des mêmes organismes payeurs. Quelle est, à la vérité, l'ampleur du phénomène ? Quel est son coût ? Quelles sont ses causes ? On n'en sait rien. On sait seulement que c'est à une application maximaliste des moyens qui lui ont été conférés qu'incline d'ores et déjà l'Administration, et qu'il est, du coup, peu probable qu'elle fasse des nouvelles prérogatives en gestation un usage plus mesuré. Même s'il est prévu - c'est ce que l'on assure aux associations qui s'en préoccupent (entre autres, ATD quart monde) - d'adresser aux opérateurs une circulaire d'application des textes en projet leur recommandant :

- de ne pas recourir aux services d'un huissier pour recouvrer les indus de personnes en situation de grande précarité (car qui dit huissier, dit frais) ;

- de prendre en compte la cause ou l'origine de l'indu (erreur de la caisse, retard de signalement de changement de situation, fraude, etc.). Et puis, qu'est-ce, au juste, qu'une fausse déclaration ? Toute erreur ou omission dans la réponse aux déclarations trimestrielles de ressources (DTR) ou autres documents servant de base à la liquidation des prestations ? Ou, comme l'exige le juge administratif - le vrai, le Conseil d'Etat, les juridictions administratives spécialisées (les commissions départementales d'aide sociale et la commission centrale d'aide sociale sont de pauvres choses, très différentes ; les premières à l'égard des conseils généraux ; la seconde, peu considérée, même par le juge de cassation) - les « inexactitudes ou omissions délibérément commises par l'allocataire dans l'exercice de son obligation déclarative » ? Mais la portée de cette obligation est-elle si claire, qu'il s'agisse du guichet destinataire, des ressources à déclarer, de la configuration du foyer (vie maritale, nombre d'enfants) ? Et les guichets, qui s'entendent aux recoupements pour mettre en évidence les carences de l'allocataire, transmettent-ils aussi volontiers les informations mal dirigées ? Et ne se trompent-ils eux-mêmes jamais ? Et la frontière entre inexactitude délibérée et inexactitude pressentie, sans être tout à fait consentie, est-elle si nette, quand l'enjeu est de payer ou non son loyer et d'être ou non expulsé, de nourrir ou non ses enfants, de se soigner ou non ? Et quand la sanction tombera, justifiée ou non, administrée ou non dans des conditions légales (il ne peut, en principe, y avoir de prélèvement sur les mensualités à venir si la dette est contestée, mais quel conseil général s'en soucie ?), à hauteur de 1 000 € , 2 000 € , 5 000 € , 10 000 € , comment fera-t-on pour s'en acquitter, surtout si c'est à la fois le RMI/RSA... et les prestations familiales qui trinquent ? Resteront l'hôpital, l'assistance publique - pardon, l'aide sociale à l'enfance -, la manche, le suicide, et le coin du bois. Il ne faut pas désespérer l'être humain à force d'acharnement à punir. Surtout quand l'évidence des différences de modes de traitement des différentes catégories de besoins et des différentes catégories de délinquance est aussi éclatante. Mais est-ce bien dans ces termes que le problème est posé ? On n'en est pas sûr.

Le Point de vue de...

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur