Le message va-t-il cette fois passer ? La Fondation Abbé-Pierre a, le 11 septembre, remis à un conseiller du Premier ministre près de 23 000 signatures de sa pétition lancée en mars dernier, appelant à la suspension des expulsions locatives des personnes « de bonne foi » jusqu'à la fin 2009. A l'approche de la prochaine trêve hivernale des expulsions, le 1er novembre, cette lettre ouverte au Premier ministre dénonce surtout l'absence de réponse à la fragilisation accrue des ménages et plaide pour le développement des dispositifs de prévention.
Car aujourd'hui, force est de constater l'augmentation de la réponse répressive : en 2008, 11 190 expulsions locatives ont été exécutées avec le concours de la force publique, soit une augmentation de 157 % en dix ans. Les ménages menacés d'expulsion figurant parmi les six catégories de publics prioritaires éligibles au droit au logement opposable (DALO), mieux vaudrait améliorer la prévention et accompagner les 500 000 ménages en situation d'impayés que d'engorger les commissions de médiation, défend la fondation. Elle propose en ce sens d'instaurer une « assignation administrative » après deux mois d'impayés de loyer, afin de pouvoir « convoquer le ménage devant la commission de prévention prévue par la loi de lutte contre les exclusions de 1998 ». Dans le même objectif, elle demande que l'enquête sociale sur ces ménages devienne obligatoire et qu'un accompagnement social soit systématiquement proposé, dès l'audience, aux familles bénéficiaires de plans d'apurement établis par le juge.
Un nouveau bilan de la plateforme téléphonique « Allô prévention expulsion », mise en place par la fondation au mois de juin dernier (1) illustre les failles des dispositifs d'accompagnement. Au 31 août, près de 1 200 appels avaient été traités, dont 87 % concernaient des situations d'impayés. Les personnes sont, pour la plupart, soit en début, soit en fin de procédure : elles cherchent des solutions à leurs difficultés de paiement ou bien souhaitent éviter une expulsion imminente. « Entre les deux, il est permis de penser que les personnes n'ont pas conscience de l'enjeu de la procédure ou qu'à l'inverse, elles sont accompagnées par un travailleur social et/ou un avocat suite à l'assignation et sont confiantes dans l'aide qu'ils peuvent leur apporter. » Dans la plupart des cas (44 %), c'est un problème d'emploi qui est à la source de l'impayé, devant l'évolution de la situation familiale (22 %). « Les éléments dont nous disposons (38 % de renseignés) font apparaître une dette de dix mois en moyenne, ce qui est important mais n'est le plus souvent pas irrémédiable », commente la fondation. En outre, les dispositifs d'aide comme le fonds de solidarité pour le logement sont méconnus : seuls 10 % des appelants ont sollicité cet outil. Et seulement 20 % ont déposé un « dossier DALO » alors que 40 % sont susceptibles d'en bénéficier. Les appelants sont surtout logés dans le parc privé (55 %) et plus de 30 % ont fait une demande de logement HLM.
La fondation a d'ailleurs, à l'occasion du congrès de l'Union sociale pour l'habitat qui s'est déroulé du 15 au 17 septembre, interpellé les pouvoirs publics sur les choix budgétaires en matière de logement, qui défavorisent les ménages modestes en misant sur le développement d'un parc locatif privé inaccessible au plus grand nombre. L'effort de la collectivité en direction du logement est en recul depuis 2001, précise-t-elle, notamment en raison de la baisse de la contribution de l'Etat, « descendue à son point le plus bas depuis 30 ans (de 1,36 % du PIB en 2000 à 1,11 % en 2008) ».