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GAUCHE ET TRAVAIL SOCIAL : « UN MYTHE » ?

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Lancée par l'IRTS Languedoc-Roussillon afin de promouvoir la recherche en travail social et aujourd'hui publiée par une dizaine d'instituts (1), la revue « Le sociographe » s'est imposée dans le milieu de l'édition associative. « Le travail social est-il de gauche ? », s'interroge-t-elle, pour ses dix ans d'existence, ouvrant le débat avec 11 contributeurs, dont Pierre Boiral, sociologue et ancien directeur de l'IRTS de Champagne-Ardenne (2).

Les travailleurs sociaux se disent souvent de gauche, comme si cela allait de soi...

Cette revendication d'une appartenance naturelle du travail social à la gauche relève surtout du mythe. J'ai pu moi-même le constater lorsque après avoir été directeur adjoint de l'IRTS de Montpellier, dans une ville et un département à forte tradition socialiste, j'ai pris la direction de l'IRTS de Champagne-Ardenne et dû composer avec des élus départementaux ayant des orientations souvent très libérales. Mon travail a été plus facile dans la région champenoise, où les responsables locaux avaient des exigences précises, qu'en Languedoc-Roussillon, où les enjeux politiciens interféraient fortement sur l'action. Par ailleurs, lorsqu'on compare les pratiques des collectivités territoriales en matière d'action sociale, il est difficile de distinguer celles qui relèveraient de départements « de droite » ou « de gauche ». Le travail social trouve ses supports de part et d'autre de la ligne de démarcation gauche/droite et le rabattre dans un camp dispense de penser son rapport au politique avec un minimum de distance et de rigueur.

Comment expliquer cette proximité du travail social avec la gauche ?

On peut y voir le résultat d'un certain formatage culturel, les professions s'étant souvent structurées contre un paternalisme conservateur à travers les syndicats. Par ailleurs, les idées de gauche sur le social semblent idéalement plus proches de celles du travail social. Mais cette familiarité ne signifie nullement que le travail social est de gauche. Celui-ci s'enracine dans une tradition philosophique humaniste allant du paternalisme caritatif aux mouvements issus de la Résistance, et ses fondements sont assez composites. Ne faut-il pas voir alors dans cette revendication d'une appartenance à la gauche l'expression du malaise récurrent du travail social, réactivé par l'aggravation de la situation sociale ? Comme si les professionnels essayaient de se trouver des alliés pour sortir du marasme où ils sont. C'est ainsi qu'on voit se développer des appels à la résistance face aux politiques néolibérales. Mais si les « états généraux du social » ont montré leur capacité de mobilisation, je ne suis pas sûr que ce soit la bonne stratégie...

Les travailleurs sociaux doivent-ils abandonner leur posture militante ?

Ils ne s'agit pas pour eux d'« oublier » leur posture citoyenne et leurs valeurs, dont ils ont besoin, mais encore faut-il que leur engagement militant ne se substitue pas à la professionnalité. Car leurs techniques ne sont pas toujours adaptées à leurs missions actuelles. Il y a un réel déficit dans les capacités rédactionnelles (et de lecture) des professionnels, lié sans doute au manque d'articulation chronique entre l'appareil de formation et la recherche. Les intervenants sont également mal préparés à faire face, par exemple, à des situations de violence, à des affaires de sévices institutionnels... Par ailleurs, il faudrait revoir profondément les processus de formation aux différentes professions, condition nécessaire pour obtenir une vision globale et une mobilisation autour d'objectifs communs.

Il s'agit donc d'abord d'être professionnel...

Je ne souhaite pas critiquer la « politisation » du travail social, mais montrer les limites d'une approche trop idéologisée. Je crois que, plutôt que de rechercher des connivences paresseuses avec tel camp politique, les professionnels doivent s'atteler en priorité à une refondation de leurs professionnalités. Dans le contexte actuel de perte de reconnaissance du travail social, c'est une nécessité.

Notes

(1) Le projet vise à « travailler les articulations entre réalités sociales, pratiques professionnelles et prescriptions politiques de ce que l'on nomme le travail social ».

(2) N° 30 - Septembre 2009 - Le sociographe : 1011, rue du Pont-de-Lavérune - CS 70022 - 34077 Montpellier cedex 3 - Tél. 04 67 07 82 73 - www.lesociographe.org - 10 . Pour ses 10 ans, la revue organise également des débats régionaux.

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